Une mastite (mammite) modifie la consistance chimique du lait, sans parler des bactéries qu’il contient et qui peuvent être nocives ! Avec la fièvre de Malte que j’avais attrapée avec les brebis et dont je ressens encore les séquelles, j’ai appris que l’homme peut attraper certaines maladies des animaux. Comment peut-on détecter une mammite ? La vache ne se laisse pas toucher le pis. Le pis est dur, chaud, rouge, enflé. Le trayon est bouché par du lait caillé, ne se laisse pas vider, il peut même y avoir du pus à l’intérieur… Nous avons essayé l’homéopathie, « Vegebom », une pommade contenant du camphre, avec peu de succès. Les huiles essentielles sont une autre possibilité. Finalement, nous avons appelé le vétérinaire. Il nous a dit qu’une mammite a plus chances de guérir si l’on la soigne tôt. Et comme traitement, il n’y a heureusement (et malheureusement) que les antibiotiques ! Et même avec un tel traitement, il est préférable de laisser faire une analyse avec un antibiogramme pour être sûr que le produit prévu fonctionne, car il existe des germes différents, dont quelques-uns répondent uniquement à certaines familles d’antibiotiques. Le mieux, c’est de ne pas avoir de mastite ! (Plus d’information sur ce thème plus tard, parce que cela nécessite des années d’expérience avec les animaux). En outre, il peut y avoir mammite à la suite d’un coup de corne, d’une blessure, d’une machine à traire mal réglée, d’un régime alimentaire non équilibré… Même des génisses, vêlant pour la première fois, peuvent parfois avoir une mammite ! Heureusement, des problèmes aussi graves ne surviennent que de façon limitée.
La détection précoce est donc importante. Avec le temps, je commence à sentir déjà au lavage des mamelles ou à l’amorçage que quelque chose se prépare. Et à ce stade on peut utiliser des remèdes naturels. Il y a un appareil, appelé ‘Traytest’ ou ‘Leuco-Test’, une sorte de plateau rectangulaire muni d’un manche, équipé de quatre bols ronds, peu élevés. On trait un peu de lait de chaque mamelle (après avoir éliminé les premiers jets) dans le bol correspondant, on ajoute un réactif et on fait bouger le tout pendant quelques secondes en décrivant un cercle. En fait, c’est un test pour détecter une augmentation de la teneur en cellules mortes dans le lait. Mais comme une mammite va toujours de pair avec une augmentation du nombre de cellules, c’est un bon test pour déterminer si une inflammation du pis a lieu. Le lait forme un gel dans les bols, comme du blanc d’œuf, s’il y a un excès de cellules. Si la mamelle est également bouchée, il y a confirmation de mammite et il faut traiter !
Le fromage est le résultat d’une interaction de protéines, de graisse, d’eau, d’enzymes et de bactéries. Il n’y a que les protéines qui coagulent, la crème est prise entre elles. Le lait qu’on laisse sans intervenir dans une pièce devient acide et puis épais en raison de la chaleur et des bactéries qu’il contient et d’autres qui sont dans l’air. Cette masse, filtrée à travers un chiffon, donne le fromage blanc, le fromage le plus originel. Dans la fabrication du fromage, ce processus est accéléré et dirigé afin d’obtenir un résultat précis. On peut accélérer l’acidification du lait en ajoutant du lactosérum de la veille ou des ferments. On peut accélérer la coagulation par l’ajout de présure. Le lait pasteurisé est mort et, après un contact prolongé avec l’air, il se transforme à cause des bactéries de putréfaction présentes dans l’air, en une masse nauséabonde, impropre à la consommation. Le lait pasteurisé doit être réactivé par addition de ferments, sinon on ne peut pas en faire du fromage. Le lait refroidi longtemps (à 4 degrés) est pauvre en bactéries actives et doit aussi être réactivé, que ce soit par une période de chaleur plus longue ou par un faible apport en ferments.
Dans la fabrication du FROMAGE LACTIQUE (camembert, petits fromages de chèvre), on utilise l’acidification naturelle du lait, qui peut être stimulée par l’ajout de ferments acidifiants. On y ajoute la présure le soir, on garde le lait au chaud et on continue à travailler le lendemain. Le matin le lait s’est acidifié et a coagulé. Généralement, le caillé est ensuite posé avec une louche en couches successives dans les moules, puis retourné plusieurs fois, et plus tard mis à sécher. C’est pour ça qu’on les stocke dans un placard aéré.
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Dans nos FROMAGES À PÂTE PRESSÉE ou semi-pressée, on transforme du lait non acidifié. Le caillé qui fera le fromage a déjà séché dans le chaudron par le décaillage, le brassage et le réchauffement, ce qui se manifeste par le rétrécissement des grains. (C’est pourquoi ici une cave humide est nécessaire). Le caillé commence à s’acidifier quand il est dans les moules. Mais pour le voir, il faudrait un acidimètre, et seul le technicien en a un. Il y a deux types d’instruments pour mesurer l’acidité. Lors de la mesure de l’acidité avec un PH-mètre, il faut retenir que plus l’acidité est élevée, plus le chiffre est bas (lait frais de vache ≈ 6,5) ! Avec un Instrument Dornic : plus c’est acide, plus le chiffre est élevé (lait frais de vache ≈ 18) ! Un jour, quand j’aurai assez d’argent, j’en achèterai un, parce que cela permet de voir assez tôt comment le caillé se développe et peut-être d’intervenir de manière corrective, du moins lors de la prochaine fabrication. Une solution moins chère est le ‘papier tournesol’, des bandelettes en papier, que l’on trempe dans le lactosérum. Elles changent de couleur en fonction de l’acidité (ph). Une échelle des différentes couleurs sur la boîte d’emballage permet de comparer le changement. Là, où les couleurs de la bandelette et de la boîte correspondent, on relève le PH. Car le fromage ne réagit pas toujours comme on s’y attend ! C’est pourquoi la devise d’un jeune fromager devrait être : le fromage, c’est quand on peut le manger quand même !
Là où le soleil parvient à se frayer un chemin, la neige a fondu. Nous laissons sortir les chèvres en premier. Elles trouveront toujours assez de broussaille à grignoter. Après trois jours, c’est aux brebis de faire le plein de soleil et de raser l’herbe jaunie par le gel et aplatie par la neige. Même les taupes nettoient leurs maisons et montent leur fumier à la surface ! Il s’agit de quelques jours de printemps anticipé qui marquent l’hiver dans les Pyrénées. « On va le payer ! », disent les vieux du village, « L’hiver n’est pas encore fini ! » Seules les vaches restent à l’intérieur. Les pentes sont encore trop mouillées pour porter leur poids. Elles ne sortiront pas avant fin avril ou mai. D’abord, la terre doit être sèche et l’herbe doit être à hauteur des chevilles.
La neige du coucou
On est mercredi, il n’y a pas école. Les enfants font la grasse matinée. Tant que le soleil n’est pas sorti derrière la montagne, je finis la comptabilité une fois les travaux dans l’étable terminés, car elle doit bientôt être déposée. L’après-midi, Doris emmène les enfants à Castillon pour la gym. J’ai la petite Lucie avec moi à la maison. Je la pose avec Filou, notre chien, sur une couverture à un endroit ensoleillé. Là je l’ai à l’œil, car je veux sortir la remorque du hangar avec le tracteur. Mais une fois sorti du sec, le tracteur glisse vers le bas et ne s’arrête qu’une fois arrivé sur un endroit plus plat. Je n’ai pas le temps de réagir ! Et qu’est-ce que j’aurais pu faire, à part sauter ? Mais la pensée qui m’a traversé l’esprit à ce moment était : « Comment puis-je sauver la machine ? », et pas : « Comment puis-je me sauver moi-même ?! » Je descends le cœur battant. Je m’aperçois que le sol a dégelé sur 5 centimètres et en dessous, c’est le ‘permafrost’ ! Avec chaque tentative de libérer le tracteur, il glisse plus bas en poussant une couche de boue à côté de lui. J’abandonne avant qu’il ne glisse définitivement et je l’attache à un arbre avec une corde. Lucie regarde d’en haut de la pente, le chien aussi. Il faudrait quelques jours de soleil pour assécher la terre avant de récupérer le tracteur.
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