— Rendez-moi rapidement ces documents, sinon vous le regretterez !
— Si j'avais à le regretter, monsieur Groszob, vous ne vous en remettriez pas !
Son visage cesse d'être figé. Marmoréen, ça s'appelle en littérature-pousse-café.
— Ne parlez pas à tort et à travers, fait-il. Regardez plutôt.
Il se lève et s'approche d'un énorme téléviseur. L'appareil est monté sur un axe et pivote. Groszob presse une touche noire. L'écran s'allume. L'image met un temps à se constituer. Enfin, elle finit par se « rassembler », se coaguler, et que vois-je ?
Non, ne cherche pas à deviner, tu te fraiserais !
Une pièce blanchie à la chaux, nue comme l’œil dans son orbite. Deux nattes sont étalées sur le sol et trois personnes gisent dessus dans une grande détresse physique : les vêtements lacérés, des plaies au visage, la denture ébréchée, le crâne bosselé.
Je retiens un cri en reconnaissant Béru et les époux Pinuche.
— D'accord ? me demande Groszob.
ÉPI–CENTRE DÉMIE
GLOTTE GRAPHE NE LOGUE
Je pourrais encore longtemps.
Ne veux pas.
Ma devise, tu la connais ? « Tire des coups, mais jamais à la ligne ! »
Pour t'en reviendre à la situasse si bourrée de dynamite qu'elle va finir par m'éclater à la gueule…
Voir ce trio, misérable, saccagé, brisé, fait gonfler mon cœur d'une rancœur monotone. Ce saligaud, c'est donc Satan en personne !
Il m'explique, complaisamment, qu'il s'est assuré de mes compagnons, à leur retour de Hong Kong, les a mis en lieu sûr après les avoir « consciencieusement » interrogés. Conclusion, on joue à « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ».
Il propose un échange, le Dracula d'Orient-Extrême je lui restitue les documents engrangés chez sa vieille complice et il me rend ces trois navetons. Correct ?
T'imagines, Titine, que je vais attacher foi à sa propose ?
Il ne relâchera jamais des gens (moi le premier) qui en savent si long sur son industrie. Nous sommes dans l'impasse.
Son œil impitoyable me scrute ironiquement.
Je fonctionne du bulbe à la vitesse d'un hydroglisseur de compétition.
N'à ce point précis du récit, intervient un inter-merde, dirait le Gros. On apporte à bouffer aux prisonniers. Ce simple fait va décider de la suite (et de la fin) de cette inestimable histoire qui sera classée « tête des ventes » par les Relais et, peut-être, monument historique !
Sais-tu quoi ?
Tu tiens à ce que je t'y révèle, Adèle ?
Alors voilà :
Le mec qui donne la bouffe à mes aminches je l'ai aperçu avant d'entrer dans le burlingue de Groszob.
Tu me lis bien, avec tes lotos globuleux ?
Que signifie cette constatation ?
Que la geôle de mes patriotes cons est située sous le toit qui nous abrite !
Pas à hésiter.
Je t'ai causé de la statue en ivoire de l'empereur Suç Mao Pin' sur un socle de marbre blanc ? Non ? Ben, elle !
Me le biche par le cou, le monarque de la dynastie Dû Trong.
Il pèse autant qu'un cochon mort. Le brandis pourtant d'une seule paluche et lui fais donner l'accolade à mon hôte.
Où tu vois le tyran, en Suç Mao Pin', c'est qu'il écrabouille le dôme du vieux nœud. L'iroszob n'a pas eu le temps de réagir, le voilà avec la calotte crâneuse au niveau du nez ! Ça décoiffe, hein ? Le sang jaillit par ses deux portugaises à la fois, ce qui n'est jamais bon cygne.
D'un seul coup, l'Antonio récupère sa sérénité.
J'essuie, à l'aide des rideaux, le buste souillé de Sa Majesté, manière d'effacer mes empreintes. Ouvre deux tiroirs du bureau. Pourquoi n'en ouvré-je pas davantage ? Parce que c'est dans le deuxième que je découvre un pistolet de fort calibre. Outil sérieux et qui doit valoir une fortune. Ses flancs chromés recèlent un chargeur de neuf bastos. De quoi rire et s'amuser en société !
* * *
Nous l'avons récupéré le lendemain, dans une rue du centre.
Pour ne pas retourner en fourrière, Salami avait trouvé une astuce : marcher au côté d'une vieillarde. Il circulait ainsi sans craindre les lassos des traqueurs de chiens vagabonds. L'ennui, c'est qu'il ne pouvait choisir son itinéraire.
Il m'apprit par la suite qu'il avait toujours gardé confiance en moi et en sa bonne étoile.
Un chien pareil, je te le jure, il n'en existera jamais deux !
* * *
Présentement, nous sommes en vacances sur la Costa del Sol avec Félicie.
Le soir, nous jouons au rami tous les trois.
C'est Salami qui gagne.
FIN
Trouvez l'erreur.
Aucune relation, même sexuelle, avec le fameux film Macao, l'enfer du jeu.
Salami.
Je parle de celui de la connasse qui montre le sien au fond du minuscule gobelet.
Superbe fin de chapitre ! Ne rien ajouter avant l'arrêt complet du véhicule.
Jeu de mot intraduisible en turc, en letton et en mauritanien.
Maurice Baquet, lui, joue du violoncelle Cérébos.
Je devrais écrire endoloriz.
Béru dixit.
Le verbe est de circonstance.
« Si je laisse ces gens me mener jusqu'à l'endroit où ils comptent se rendre, je serai en position de faiblesse. »
Qu'est-ce qu'il rouscaille, l'autre pomme, là-bas ? Que le li n'est pas une monnaie, mais une mesure itinéraire ? Tu ne te rends pas compte à quel point je m'en torche l'orifice austral, grand !
A propos de talus, t'as lu le Santantonio précédent qui titule : Grimpe-la en danseuse ? Presque un chef-d’œuvre !
San-Antonio a commis une erreur : il voulait très probablement écrire « impavide ». (La belle-sœur de son éditeur.)
San-Antonio veut sans doute parler de « nuit tombante ».
Leroy-Merlin.
Savoie.
Piaf.
Bien entendu, un objet n'est pas adhéré, j'écris ça pour voir si tu réagis aux impropriétés de termes.
Léthargie ne signifie pas inconscience. Si, dis-tu ? O.K., je retire.
Seul San-Antonio est capable d'écrire avec pareille originalité. Et peut-être également Bernard-Henri Lévy, quand il a pris son Gériavit.
Ne jamais oublier que t'es dans un book à trente balles, mon Antonio, les poncifs doivent rester souverains !
Soit : All ! All !
Aucun doute : San-Antonio est bel et bien notre plus grand écrivain actuel de langue française.
Jérôme Garcin (critique équestre)
Il serait malvenant d'évoquer chez moi un esprit fécond.