J'ai dû m'évanouir lorsque j'ai eu pratiqué ce trou dans mon cuissot. Et ce, sans cesser de jacter pour donner le change, je te le fais remarquer !
Eh bien, ton Sana éblouissant, mon très cher frère, il emplâtre miss Siamoise avec un tel brio que la rombiasse pousse des gueulées d'orfraie. Elle déclare, à s'en fissurer les cordes vocales, les soufflets et la gargante, qu'elle n'a jamais joui d'une manière aussi forte. Mon dard (que j'appelle également « mon gros Frédéric ») est un épieu incandescent planté dans sa babasse. Sa moulasse est loin d'être du produit de tripier. C'est vachement flexible, brûlant, captateur. Préhensile, tiens, je cherchais. Kif une main ! Sûr qu'afler pareille ramonée, va falloir la mettre en hibernation, Coquinette ! Qu'elle refroidisse un brin après cette traversée de l'enfer. Elle serait en métal, elle fondrait !
L'emplâtrage cosaque la rend si bruyante que ses larbinuches se pointent, craignant un assassinat. J'ignore s'ils avaient vu tirer leur patronne auparavant, mais je peux te déclarer sous la foi du serment et le tiroir de la commode, qu'ils n'en reviennent pas. Faut dire que l'exercice de Mémé époustouflerait l'homme-tronc qui a gravi l'Everest l'an dernier !
Vient de se mettre à la califourche sur ma chopine, la darlinge. Les cuisses ouvertes à l'extrême. Elle a déchiré le haut de sa robe pour dégager ses bouées de signalisation marine. Divine surprise : comparés à ses flotteurs, ceux de M lleFerrari auraient l'air de deux blinis froids. Tu croives que c'est à la violence de son excitation qu'on doit d'aussi extravagantes protubérances, Hortense ?
Pardonne-moi de ne pas pousser plus avant mon descriptif salace, mais il risquerait de choquer les gens huppés qui me lisent, telle Son Altesse la princesse Pilar, sœur du roi d'Espagne, en compagnie de laquelle j'ai eu le privilège de dîner récemment.
Notre étreinte se poursuit, puis se prolonge et, peu après, se répète sans qu'en diminue la farouche intensité.
Les valets se sont assis en tailleur (de pipes) sur le parquet et regardent se développer nos figures. Cette baise dantesque, perpétrée à l'aide d'une carabine à viande d'un calibre insoupçonné d'eux, les émerveille, sidère, intimide, pétrifie. Se retiennent de broncher et de parler. Ont conscience d'assister à un haut fait de la race blanche. Grâce à nous, l'Occident retrouve sa place prépondérante. Imagine-toi la scène, Arsène : ce couple ruisselant de sang et de sueur, en folie de rut. Tragique allégorie de l'amour triomphant des affres de la mort ! Nous sommes peints en rouge comme des Indiens en fate, fous d'une exaltation indicible. Mémé jette toutes ses réserves dans la joute, fait feu de la chatte et du michier.
Je cherche à identifier ses plaintes et ses cris. Qu'exprime-t-elle ? Un mot, un seul, qui comporte quatre lettres en français et trois en anglais :
— Tout ! Tout ! [22] Soit : All ! All !
Et sais-tu ce que c'est, « Tout », en pareille aventure ? Non ? Approche ton oreille, sois vraiment conque pour une fois ! « Tout », ça signifie : « Fondons-nous en un seul corps, prends ma substance et donne-moi la tienne ! Qu'un seul feu nous consume ! »
Seigneur, combien cette criminelle est sublime dans son total dépassement : cet être du Mal, cette tueuse glacée est ennoblie par sa folie des sens. Ce « don vorace » de soi confine à une rédemption. Déesse de la brosse, elle rayonne.
Nous nous abîmons dans le plus profond épuisement. Un à un, les domestiques, fascinés, se retirent pour annoncer au monde qu'ils ont assisté au plus formidable coït depuis que l'homme a marché sur la terre !
C'est à peine si, dans mes tréfonds, une question vacillante se pose à moi :
« Et maintenant ? »
Oui : et maintenant ?
Quel va être mon sort ?
Cette aventurière impitoyable, terrassée momentanément par la tomaderie de notre baise-broc, va-t-elle être rédemptée par le plus grandiose coup de verge jamais homologué chez les globiens, ou bien sa récupération réalisée, reprendra-t-elle le cours de ses forfaits ?
Pour l'instant, elle garde les yeux clos. Son maquillage n'existe plus qu'à l'état de bouillie sanglante. Je lis ses rides sur son faciès encore gracieux.
Subconsciemment, elle lutte afin de recouvrer sa lucidité.
D'où mon angoisse.
Tu sais quoi ? L'Antonio phénoménal trouve suffisamment de ressources pour caresser le bout de ses seins avec sa dextre posée à plat.
Et magine-toi que ça la réintéresse, la vieille frivole.
— Je ne me lasse pas de vous, gazouille ton pinsonnet du dimanche.
Et de m'exhorter :
« Sana, mon mignon, tu es en cale sèche, mais si tu déniches un regain de réserves en toi pour lui faire rebelote, alors là tu deviens un surhomme ! Allons, forgeron, c'est pour ta peau que ton pilon travaille ! »
Je la reprends à la pince de crabe, le pouce dans l’œil de Cain.
Effet immédiat. Nouvelle mobilisation générale de ses sens.
Rien ne devient aussi rapidement brûlant qu'un fourneau qui n'était pas éteint !
Pour succéder, je lui propose la langue fuligineuse, puis l'embroque mammaire (ses plantureux nichebabes le permettent), le clavecin de Mozart, le retour de Zapata, le dito marée haute, la dilatation de Vulcain, le triangle isocèle, l'entrée du choléra à Pont-de-Beau-voisin (il entrait toujours à Marseille, ça devenait chiant), la tête de nœud fouineuse, les œufs en meurette du Bistro Saint-Honoré, le grenier à foin, la sodomie de muscidés, le spéculum de ma Mère l'Oie, l'arrivée des Huns à vingt et un (après avoir conquis Troyes, Foix, Sète), la mort de Pompée, la… Comment ? Tu dis que c'est trop too much ?
O.K., je stoppe là. Mais c'est déjà pas mal, non ? Après cette nouvelle séance de « relations intimes » hystérique, nous sombrons dans l'inconscience la plus fabuleuse qu'il m'ait été donné de ne pas vivre.
C'est elle, cette fois, qui se lucidifie la première. Elle se dresse à demi sur un coude, je la sens qui me contemple. Cherche-t-elle un point de ma personne ou planter une lame, voire vider un chargeur ?
Je rouvre à mon tour mes vasistas.
Son expression me rassure d'emblée. Une femme posant sur un mec un tel regard ne saurait lui vouloir du mal.
— Vous êtes donc indestructible ? demanda-t-elle.
— Les jours ouvrables seulement.
Je lui réponds, en ponctuant d'un sourire enjôleur à même de lui faire craquer la chattoune.
Alors elle pleure.
Non mais, t'entends ça que je dis, p'tit Louis ?
Elle chiale pour de bon, et pas qu'un peu. Ses larmes achèvent de brouiller son visage. Tu sais qu'elle semble avoir cinquante piges de mieux, l'Anglaise ? L'est dévastée par nos paillasseries. Une vieille peau en loques, voilà ce qui reste d'une dame avec qui je viens de me propulser dans les étoiles comme avec personne d'autre jamais !
Elle jacte d'abondance. Me dit qu'elle a vécu pour des pelosses jusqu'à tout à l'heure. Sa frangine et elle souffrent depuis l'enfance de cruauté mentale due à des parents déséquilibrés. Sont devenues des filles monstrueuses, pratiquant le vice et le crime en virtuoses. Elles essayaient des hommes, qui les décevaient toujours, même lorsqu'ils se montraient bons amants.
Nonobstant leur qualité de jumelles, à mesure et au fur que se développèrent leurs situations, des dissensions se firent. La jalousie, sans doute ? L'une se fixa à Hong Kong, l'autre à Macao. Elles travaillaient pour la même organisation criminelle, « Le Doigt de Satan » : meurtres en tout genre, coups de main, attentats, escroqueries en Bourse, rackets. Une espèce de mafia extrême-orientale ayant des ramifications dans toutes les places influentes de la planète. Pour le moment, cet organisme mettait en branle une vague d'assassinats destinés à éliminer les personnages susceptibles de lui nuire ou qui risquaient de le gêner ; sans oublier des gens dont la puissance et la position sociale entravaient sa mainmise. L'affaiblissement notoire des grandes sociétés occultes italo-américaines, telles que Mafia, Camora, Main Noire, dont les chefs furent arrêtés, laissait prévoir une vacance à plus ou moins longue échéance et c'était le moment idéal pour remplacer ces associations vétustes par une force aux méthodes entièrement neuves.
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