Daniel Pennac - Journal d'un corps

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13 ans, 1 mois, 8 jours
Mercredi 18 novembre 1936
Je veux écrire le journal de mon corps parce que tout le monde parle d'autre chose.
50 ans et 3 mois
Jeudi 10 janvier 1974
Si je devais rendre ce journal public, je le destinerais d'abord aux femmes. En retour, j'aimerais lire le journal qu'une femme aurait tenu de son corps. Histoire de lever un coin du mystère. En quoi consiste le mystère ? En ceci par exemple qu'un homme ignore tout de ce que ressent une femme quant au volume et au poids de ses seins, et que les femmes ne savent rien de ce que ressentent les hommes quant à l'encombrement de leur sexe.
86 ans, 9 mois, 16 jours
Lundi 26 juillet 2010
Nous sommes jusqu'au bout l'enfant de notre corps. Un enfant déconcerté.

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S’ensuivaient des accès de folie douce où je devenais leur fantôme : la main que je tendais vers le sucrier, par exemple, les deux doigts que j’y plongeais incarnaient le geste exact que faisait Grégoire quand il sucrait son café, très précisément le geste de Grégoire piochant un sucre pour son café entre son index et son majeur, il n’y mettait jamais le pouce (avais-tu remarqué ce détail ?). J’en étais réduit à ces brèves crises de possession : devenir l’espace d’un éclair Grégoire sucrant son café, Tijo riant, Violette flageolant sur les galets. Mais comme j’aurais préféré le voir, ce geste ! Et l’entendre, ce rire ! Et reculer encore le pliant de Violette ! Dieu que cette compagnie me manquait et comme j’ai compris ce mot : compagnie !

Pendant des mois je me suis laissé emporter par ces vagues de chagrin. Ta mère n’y pouvait rien, qui devait se sentir plus seule que moi. Si je ne me négligeais pas, c’était par habitude. Automatisme de la douche, du rasage et de l’habillage. Mais je n’y étais plus pour personne. Absent et de mauvais poil. Cela a fini par se voir. Tu t’es alarmée. Papa devient gâteux, sujet à des fureurs séniles ! La mort de Grégoire l’a complètement déglingué. Tu as supplié Mona de me remonter à Paris. Tu l’as fait autant pour elle que pour moi. Fanny et Marguerite se sont mis en tête de me changer les idées. Elles m’ont emmené au cinéma. Ne nous dis pas que tu t’es arrêté à Bergman, grand-père ? Il ne faut pas que tu meures idiot ! The Hours, as-tu vu The Hours de Stephen Daldry ? Ne t’inquiète pas, c’est de ton âge, ça parle de Virginia Woolf ! Mona m’a conseillé de les écouter. Grand besoin de jeunesse, c’était son diagnostic. Pourquoi pas ? Je les aime bien tes jumelles, Lison. Marguerite sous ta crinière rousse et Fanny le nez si fin entre tes sourcils froncés. Les jumelles devenues femmes. Jeunes et femmes et splendides. Et vivantes ! Dans le métro, quand un garçon les draguait, elles faisaient les idiotes : On peut pas, on est avec pépé ! Hein, pépé qu’on est avec toi ? Il nous emmène au ciné ! Avec un effarant ton de crécelle et dans un ensemble parfait. Deux splendeurs de vingt-cinq ans ! Mon rôle consistait à acquiescer, d’un hochement triste. Le gars descendait à la station suivante, ça ne ratait jamais. Les jumelles ont fait preuve de constance : deux ou trois films par semaine. Pourtant, j’ai dû abandonner ces séances de cinéma. Je me laissais envahir par les images. Mes morts en pâtissaient. Des comédiens me volaient mes fantômes. En sortant de The Hours , pour ne prendre que cet exemple, j’étais obnubilé par le corps décharné d’Ed Harris. Plus la moindre place pour celui de Grégoire. Je ne voyais qu’Ed Harris, le torse scrofuleux, les yeux allumés et le sourire vague, dans la scène où il bascule par la fenêtre pour en finir avec l’acharnement vital. J’étais possédé par une image ! Grégoire éjecté par le premier acteur venu ! The Hours fut mon dernier film. Les jumelles se méprirent sur mon renoncement. Je les ai entendues se disputer : Je te l’avais dit, tu es trop conne, cette histoire de pédé jauni par la maladie ça lui a rappelé Grégoire, forcément !

Dans les mois qui suivirent j’ai traîné mes morts au jardin du Luxembourg. Je m’asseyais dans un de ces fauteuils obliques conçus pour que les vieillards ne s’en relèvent pas. Je laissais mon œil vaguer au-dessus de mon journal parmi les promeneurs qui ne m’étaient rien. Ce n’est pas de la blague l’indifférence du grand âge, tu sais ! Aux jeunes gens du Luco j’avais envie de crier : Mes enfants, je me fous complètement de vos existences si contemporaines ! Et ces mères aux landaus je m’en bats l’œil absolument ! Et le contenu de la poussette m’indiffère autant que celui de cet article qui prétend m’éclairer une fois de plus sur le devenir de l’humanité. Dont je me tape, l’humanité, à un point, si vous saviez ! Je suis l’épicentre de sa cyclonique indifférence !

J’en étais là de mon existence commémorative quand, par un après-midi de printemps (pourquoi cette précision, je me foutais des saisons comme du reste), le présent a de nouveau fait irruption dans ma vie. Et m’a rendu à moi-même ! En une seconde ! Ressuscité ! Adieu les morts. C’est ainsi que nous vivons, par disparitions et résurrections successives. Et c’est ainsi que les jumelles et toi vous remettrez de ma mort. Cet après-midi-là donc, au jardin du Luxembourg, assis dans un de ces fauteuils impossibles, mon journal ouvert par l’habitude (méfie-toi, Lison, ce geste quotidien, acheter Le Monde pour ne pas le lire, est un des signes précurseurs de la sénilité), mon regard s’est arrimé à une promeneuse que j’ai instantanément reconnue. Brusque présence de mon passé ! Une femme de mon âge à la démarche pesante et pourtant déterminée, la tête rentrée dans les épaules, un bloc féminin, qui tenait bougrement au sol ! Le genre que rien n’arrête. Cette silhouette m’était on ne peut plus familière. Elle datait d’hier. Ne la voyant que de dos, je l’ai pourtant appelée par son nom.

Fanche !

Elle s’est retournée, cigarette au bec, a posé sur moi un regard sans surprise, et m’a demandé :

Comment va ton coude, mon pétard ?

Fanche, ma frangine de guerre ! Ici, présente, inchangée malgré les siècles. Ralentie mais inchangée ! Sa voix dans sa gorge de fumeuse mais inchangée ! Le double d’elle-même mais inchangée ! Fanche à mes yeux inchangée. Reconnue à la seconde même de son apparition, malgré ma foutue mémoire. Je me suis demandé quand je l’avais vue pour la dernière fois. À l’enterrement de Manès, je crois bien. Il y a quarante-huit ans ! Et la voilà devant moi, tout soudain, absolument pareille à elle-même. Fanche ou la permanence ! Aussitôt penchée sur mon journal, elle m’a demandé ce que je lisais. Et de hurler le titre de l’article : « Une agriculture sans paysans ! » Deux ou trois promeneurs se sont retournés. Elle avait pris feu. Elle gueulait à tue-tête. Tous ces petits agriculteurs de subsistance familiale envoyés grossir les bidonvilles du monde entier par les agro-investisseurs et qui se suicident en masse, tu te rends compte, mon pétard ! En Afrique, en Inde, en Amérique latine, dans l’Asie du Sud-Est, en Australie même ! Même en Australie ! Et avec la complicité des États, partout ! Une planète sans agriculteurs ! Elle connaissait le dossier sur le bout des doigts, me récitait les sigles de toutes ces boîtes agro-anthropophages et parmi elles un énorme consortium français dont elle connaissait le conseil d’administration au complet. Et de gueuler le nom de ses membres, un par un, dont celui d’un sénateur qui devait l’entendre par la fenêtre ouverte de son bureau. Ça te révulse, toi aussi, mon pétard ? À la bonne heure, je te reconnais bien là ! Je t’ai lu, tu sais, et je t’ai écouté ! Et de me citer mes conférences — toutes ! — , la plupart de mes articles et de mes interviews. Je te suis depuis toujours, de loin mais de très près, si tu vois ce que je veux dire. C’est bien, ce que tu dis, tu sais ! Je suis presque toujours d’accord avec toi ! Je l’ai écoutée énumérer mes prises de position sur ceci ou sur cela, rares sursauts de ma faculté d’indignation qu’elle prenait pour une vigilance de chaque instant. Je ne savais pas que tu t’intéressais à la bioéthique aussi. Ce que tu as dit quant au droit des femmes à propos de la procréation pour autrui, ça m’a touchée ! Surprise et touchée ! Son œil brillait, elle me regardait comme si j’avais passé ma vie à traquer le déni de justice partout où il pointait son nez. J’ai eu beau lui assurer qu’elle s’exagérait mes mérites, que dans notre jeunesse déjà je n’avais été qu’un résistant par occasion, que depuis des années je ne me manifestais plus sur aucun front, que ma faculté de révolte était tout à fait émoussée, que je m’étais noyé dans le deuil, elle n’en a tenu aucun compte, elle a passé outre, exactement comme si elle ne m’entendait pas, elle a énuméré un certain nombre de scandales qu’il était de notre devoir de dénoncer de toute urgence. Pas au nom du bon vieux temps, mon pétard, mais comme au bon vieux temps, celui du CNR, quand nous élevions au niveau d’une valeur constitutionnelle le droit de chacun à subvenir aux besoins de sa famille ! Eh bien, ce droit-là, précisément ce droit-là, est aujourd’hui plus menacé que jamais ! Elle me haranguait, je l’écoutais, et je sentais que j’allais céder, son œil brillant me faisait la conscience claire ! Bref, Lison, comme tu le sais, j’ai cédé. Je me suis levé comme un jeune homme, je me suis arraché à cette saloperie de fauteuil et je l’ai suivie. Elle venait d’ouvrir les vannes à un flot de sang neuf. Nous allons pousser ensemble quelques coups de gueule salutaires, mon gars ! Et on va nous écouter, crois-moi ! Surtout les jeunes ! Les jeunes ont besoin de griots ! Leurs parents ne les inspirent pas. Ils en appellent aux Grands Anciens. Raison de plus pour ne pas laisser la parole aux vieux cons.

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