Daniel Pennac - Journal d'un corps

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Journal d'un corps: краткое содержание, описание и аннотация

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13 ans, 1 mois, 8 jours
Mercredi 18 novembre 1936
Je veux écrire le journal de mon corps parce que tout le monde parle d'autre chose.
50 ans et 3 mois
Jeudi 10 janvier 1974
Si je devais rendre ce journal public, je le destinerais d'abord aux femmes. En retour, j'aimerais lire le journal qu'une femme aurait tenu de son corps. Histoire de lever un coin du mystère. En quoi consiste le mystère ? En ceci par exemple qu'un homme ignore tout de ce que ressent une femme quant au volume et au poids de ses seins, et que les femmes ne savent rien de ce que ressentent les hommes quant à l'encombrement de leur sexe.
86 ans, 9 mois, 16 jours
Lundi 26 juillet 2010
Nous sommes jusqu'au bout l'enfant de notre corps. Un enfant déconcerté.

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79 ans, 5 mois, 6 jours

Dimanche 16 mars 2003

Ce que le deuil fait subir à nos corps ! Pendant les trois mois qui ont suivi la mort de Grégoire, j’ai abandonné le mien à tous les dangers possibles. Je me suis fait casser la figure dans le métro (Mona avait tenu à rester quelque temps à Paris pour profiter un peu de Marguerite et de Fanny), boulevard Saint-Marcel j’ai failli me faire écraser par un automobiliste qui a renversé une poubelle en m’évitant. De retour à Mérac j’ai fait deux tonneaux qui m’ont précipité dans le fossé de la Jarretière, voiture fichue, arcade sourcilière ouverte, et finalement, un après-midi que je cueillais des champignons, j’ai dévissé sur les pentes du Briac jusqu’à dégringoler sur la route nationale où les voitures roulaient à toute allure dans les deux sens. Si tu veux vraiment te tuer, m’a dit Mona, préviens-moi, que nous le fassions ensemble ou que je parte en voyage. Mais il n’y avait rien de suicidaire dans ce concours de circonstances, juste une évaluation erronée du réel, comme si j’avais perdu la mesure du danger, toute appréhension, et d’ailleurs tout désir particulier, comme si ma conscience avait abandonné mon corps aux hasards de la vie. Ce que je faisais, mon corps le subissait sans y penser, étonnamment résistant d’ailleurs, invulnérable presque. Je sortais de notre immeuble et laissais mon corps traverser le boulevard sans regarder à droite ni à gauche, et cet automobiliste a freiné à mort, dérapé, fauché la poubelle, et mon corps a poursuivi son chemin sans que mon esprit s’en émeuve. Dans le métro, c’est avec un geste automatique que ma main a repoussé la main du jeune ivrogne qui importunait ma voisine, je ne m’étais pas avisé qu’il puait l’alcool et que, d’ailleurs, son attitude vis-à-vis de la jeune femme n’était pas particulièrement agressive, un attendrissement maladroit plutôt, ma main a repoussé cette main comme on chasse une mouche, sans y prêter plus d’attention, et c’est tout juste si ma tempe a senti le poing du garçon s’abattre sur elle, si mes yeux ont compris que, sous le choc, ils avaient perdu leurs lunettes, que ma voisine m’a rendues une fois mon agresseur maîtrisé, vos lunettes, monsieur, elles sont tombées. Pas plus que je ne me voyais conduire ma voiture sur la route de la Jarretière quand je me suis mis à chercher la liste des courses dans ma veste, penché sur la banquette arrière, j’avais tout bonnement oublié que je conduisais, je m’étais retourné et je cherchais cette liste, dans une voiture désormais privée de chauffeur, qui a naturellement fini dans le fossé, et, durant tous ces événements, je n’ai pas le souvenir d’avoir éprouvé la moindre peur, pas même en voyant mon corps tomber sur la nationale l’après-midi des champignons, pas même en voyant mon bras cassé battre l’air indépendamment de mon coude, le bras gauche, ni surprise, ni peur, ni douleur, un état de constatation plutôt, c’est donc cela qui m’arrive, bien, bien, comme si la vie ne proposait plus le moindre sens à ma cervelle endeuillée, comme si le manque de Grégoire affectait tous les événements, les affranchissait de toute hiérarchie, leur ôtait toute signification, comme si Grégoire avait été le principe sensé de toute chose et que lui parti la vie eut littéralement perdu son sens, au point que mon corps y dérivait seul, sans le concours de mon jugement.

Venise, a proposé Mona, allons à Venise, ça nous changera les idées.

79 ans, 5 mois, 17 jours

Jeudi 27 mars 2003

Venise. Échappant à sa mère un petit garçon se plante devant moi et déclare, menton levé : Moi, j’ai quatre ans et demi ! Plus tard dans l’après-midi, à ce pot de l’Alliance française, une vieille bienfaitrice de l’endroit m’assène : Et vous savez, j’ai tout de même quatre-vingt-douze ans ! À partir de quand cesse-t-on d’annoncer son âge ? À partir de quand recommence-t-on à le faire ? Quant à moi, je ne dis jamais mon âge exact mais je laisse aller des formules du type « maintenant que je suis un vieux monsieur », expressions que je ne peux pas retenir et qui, sitôt lâchées — avec un sourire détaché —, me remplissent de fureur et de honte. Qu’est-ce que je cherche ? À me faire plaindre — je ne suis plus ce que j’étais ? À me faire admirer — voyez néanmoins comme je suis resté vert ? À renvoyer mon interlocuteur à son inexpérience en posant au vieux sage — de ce fait j’en sais tout de même plus long que vous ? Quoi qu’il en soit, cette plainte (car c’est une plainte, nom de Dieu !) exhale un parfum de peureuse incontinence. J’échappe à ma mère pour me planter, menton levé, devant ce solide quadragénaire : « Moi, j’ai soixante-dix-neuf ans et demi ! »

79 ans, 5 mois, 20 jours

Dimanche 30 mars 2003

Ces deux vieux (lui a le bras dans le plâtre) qui jouent les aveugles à Venise en courant après leurs sensations de jeunesse sont les grands-parents d’un mort qui aurait aimé ce jeu. Regardez-les, écoutez-les rire dans la ville liquide, comme il y a cinquante ans lorsqu’ils y célébraient leur jeune amour. Ils ont vieilli de mille ans.

79 ans, 5 mois, 25 jours

Vendredi 4 avril 2003

Acqua alta. Marée montante des larmes. Enfoncés jusqu’aux cuisses dans des bottes de sept lieues, nous avançons Mona et moi, dans la matière même de notre chagrin. Parfois, grâce à une pompe, une maison se vide de son eau, et c’est la cataracte massive d’une vache dans un pré.

79 ans, 5 mois, 29 jours

Mardi 8 avril 2003

Mais non, nous nous sentons bien ici, Mona et moi, nous sommes heureux, nous exploitons sans vergogne ce bonheur animal d’être ensemble qui nous a toujours consolés de tout ! Nous faisons le pèlerinage des cachettes où nous faisions l’amour dans notre jeunesse et le souvenir de Grégoire n’y prend aucune part. Sa mort est si profondément enfouie sous le visage de Mona que pas un de ses traits n’exprime le chagrin. Quant à moi, j’arpente les cales, les ponts, les places, en humant l’air comme un vieux chiot.

79 ans, 6 mois

Jeudi 10 avril 2003

Hélas, il faut croire nos réveils. Ma gorge obstruée me dit : Grégoire est mort. Grégoire n’est plus où je m’obstine à demeurer. Grégoire n’est pas parti, Grégoire ne nous a pas quittés, Grégoire n’est pas décédé , Grégoire est mort. Il n’y a pas d’autre mot.

79 ans, 6 mois, 3 jours

Dimanche 13 avril 2003

Pasta, risotto, polenta, soupe de zucca, minestrone, épinards, antipasti maritimes ou végétaux, jambon tranché plus fin que du papier de soie, mozzarella, gorgonzola, panna cotta, tiramisu, gelati, les Italiens mangent mou. Conséquence, je chie mou. À Venise, vieilles gens, jetez vos dentiers dans le Grand Canal, vous êtes arrivés !

79 ans, 6 mois, 8 jours

Vendredi 18 avril 2003

Pour exprimer la douceur sous toutes ses formes, psychologique, sentimentale, tactile, alimentaire, sonore, les Italiens disent morbido. On ne peut imaginer faux ami plus radical à l’état de morbidité où je me réveille chaque matin !

9

AGONIE

(2010)

Quand on a tenu sa vie durant le journal de son corps, une agonie ça ne se refuse pas.

Ma chère Lison,

Te voilà, cette fois, devant une interruption de sept ans. Après la mort de Grégoire l’observation de mon corps a perdu tout intérêt. J’avais le cœur ailleurs. Mes morts se sont mis à me manquer tous ensemble ! Au fond, me disais-je, je ne me suis jamais remis de la mort de papa, de la mort de Violette, de la mort de Tijo, et je ne me remettrai pas de la mort de Grégoire. Le deuil pour seule culture, j’ai développé un chagrin solitaire et colérique. Il est difficile de discerner ce que nous ôtent, en mourant, ceux que nous avons aimés. Passons sur le nid des affections, passons sur la foi des sentiments et les délices de la connivence, la mort nous prive du réciproque, c’est vrai, mais notre mémoire compense, vaille que vaille. (Je me souviens, papa murmurait parfois… Violette quand elle voulait me rassurer disait toujours… Tijo, s’il racontait une histoire… Quand nous étions pensionnaires, Étienne… Quand Grégoire riait…) Du vivant de leurs corps nos morts tissent nos souvenirs, mais ces souvenirs ne me suffisaient pas : c’était leur corps qui me manquait ! La matérialité de leur corps, cette absolue altérité, voilà ce que j’avais perdu ! Ces corps ne peuplaient plus mon paysage. Mes morts étaient les meubles ôtés qui avaient fait l’harmonie de ma maison. Comme leur présence physique, tout à coup, m’a manqué ! Et comme que je me suis manqué en leur absence ! Il me manquait de les voir, de les sentir, de les entendre, ici, maintenant ! La sueur poivrée de Violette me manquait. La voix enrouée de Tijo me manquait. Le souffle presque blanc de papa et la joyeuse évidence corporelle de Grégoire me manquaient. Dans mes moments de lucidité je me demandais de quel corps je parlais. Mais de quel corps parles-tu, nom de Dieu ? Tijo était une araignée de cinq ans à la voix suraiguë avant de devenir ce camarade gouailleur, massif et noir, aux rauquements de tabac, de quel Tijo parles-tu ? Grégoire pesait un poids d’enclume dans son bain d’enfant avant la finesse des muscles et la grâce des gestes ! Pourtant, c’était bel et bien le corps de Grégoire, le corps de Tijo, le corps de Violette qui me manquaient, leur présence physique ! Le corps de papa, cette main osseuse, cette joue qui était un angle. Mes morts avaient eu un corps, ils n’en avaient plus, tout était là, et ces corps uniques me manquaient absolument. Moi qui les avais si peu touchés de leur vivant ! Moi réputé si peu caressant, si peu physique ! C’était leurs corps que je réclamais à présent !

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