Karine Giébel - Meurtres pour rédemption

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Meurtres pour rédemption: краткое содержание, описание и аннотация

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Vingt ans. Le bel âge ?
Pas pour Marianne. En prison. Pour perpète. Pour meurtres.
« Ils ne m'ont laissé aucune chance (…) Mais j'existe encore (…) Ça leur ferait trop plaisir que je cesse le combat… Je ne leur ferai pas cette joie (…) » Alors, nourrir la haine, l'instinct de survie, même si l'on ne désire qu'aimer, être aimée ; pour lutter malgré tout, contre les coups, les brimades, l'ignoble.
La liberté. Inaccessible. Sauf à se laisser bercer par le chant des trains, pas si loin, là, derrière les barreaux, à se laisser emporter dans leur sillage.
Jusqu'au jour où… En taule, même l'inimaginable peut surgir.
Une porte s'ouvre…
« La liberté, Marianne,tu dois en rêver chaque jour, chaque minute, non ? » Mais le prix à payer pour transformer ce rêve en réalité est terrifiant.
Marianne ira-t-elle jusqu'au bout ? Jusqu'au bout de cette voie de sang ? Mais, peut-être, aussi, de rédemption ?…

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Elle ne prit pas la peine de répondre. Ni même de tourner la tête vers lui. Un fossé abyssal entre eux. Infranchissable. Alors qu’ils avaient été si proches, avant. Avant un triple meurtre. Et un suicide.

Il s’approcha, gardant tout de même ses distances.

— Tu sais… Je comprends ta réaction, mais…

— Tu ne comprends rien du tout. Et puis j’ai pas envie de te parler… Je veux m’en aller… Je suis libre, non ?

— Oui, mais… Il faudrait d’abord que tu te refasses une santé.

— Si je suis libre, pourquoi suis-je toujours enfermée dans cette chambre à double tour ?

— Eh bien… Tant que tu es en France, tu es sous notre responsabilité. Tu seras libre lorsque tu auras quitté le pays…

— Pour aller où ?

— J’ai pensé à l’Amérique du Sud… au Venezuela. Ce pays n’a pas de traité d’extradition avec la France et…

— Tu as pensé ? coupa-t-elle d’un ton cinglant. Je suis heureuse que tu penses à ma place ! Sauf que je n’ai pas envie d’aller là-bas.

— Il le faudra pourtant. Je ne vois pas de meilleur endroit pour que tu sois en sécurité. De plus, le billet est déjà commandé…

Elle se traîna tant bien que mal jusqu’au lit, pliée en deux, une main sur sa blessure, le souffle cassé. Elle s’y laissa tomber, serra les dents.

Franck la regardait avec inquiétude. Elle était encore si fragile, si faible… Pourtant, sa voix était incroyablement forte et dure.

— Tu comptes m’y expédier comment ?

— En avion, bien sûr !

— Hors de question.

— Mais pourquoi ? Tu as peur de l’avion, c’est ça ? Il n’y a pas d’autre moyen, Marianne. Tu peux pas y aller à la nage !

— Je n’irai pas là-bas ! répéta-t-elle en dissociant bien chaque syllabe. Tu m’entends ? Je ne prendrai pas l’avion et je n’irai pas dans ton pays de merde !

L’emportement lui déclencha de nouvelles attaques, elle fut forcée de s’étendre sur le dos. Le visage déformé par la douleur.

— Ne t’énerve pas… Nous reparlerons de cela plus tard. Laurent a préparé le déjeuner, tu veux te joindre à nous ? Je peux te porter jusqu’en bas…

Elle eut un sourire blessant.

— Me joindre à vous ? Je préfère crever de faim, si tu veux savoir !

Nouvel échec. Cuisant. Après ce qu’il avait vécu cette nuit, il avait les nerfs à vif. Et elle s’amusait à les lui piétiner avec une redoutable efficacité.

— Eh bien, je te monterai un plateau, dans ce cas…

— Pose-le devant la porte. Ou envoie ton larbin ! Je veux plus que tu rentres dans cette piaule.

Il se sentait prêt à disjoncter. Alors, il se hâta de partir.

*

La journée leur avait semblé longue. La mission terminée, il ne leur restait plus qu’à garder Marianne prisonnière de cette chambre, à la maintenir en vie. Transformés en simples geôliers-infirmiers.

Franck, la tête des mauvais jours, ruminait en silence. Une foule d’idées indigestes, d’angoisses récurrentes. Laurent et Philippe disputaient une partie de billard. Ils avaient dîné, Marianne aussi. Philippe ayant bien voulu s’aventurer dans son antre, lui déposer un plateau. Lui donner ses médicaments qui ne demeuraient pas dans la chambre, par crainte qu’elle n’avale la plaquette entière.

Franck cherchait encore comment briser la glace. Il l’imaginait en train de pleurer, quand ils n’étaient pas là. Mais dès que l’un d’eux approchait, elle passait un masque de pierre. Il fallait peut-être l’obliger à craquer pour qu’elle lui crache tout à la figure. Tout ce venin, tout ce qui lui empoisonnait le sang.

Il abandonna ses amis, se réfugia dans la salle de bains. Troisième douche depuis ce matin ; la chaleur était insupportable. Il s’allongea sur son lit, la tête près de la cloison qui le séparait de Marianne. Il avait envie d’essayer, une fois encore. De toute façon, il ne la laisserait pas seule, cette nuit. Trop risqué. Elle était encore capable de n’importe quoi. Du suicide jusqu’à l’évasion. Même si c’était totalement illogique.

Mais comment Marianne pouvait-elle faire preuve de logique alors qu’elle se consumait de l’intérieur ?

Il oublia volontairement de frapper avant d’entrer. Il la devina dans la pénombre, près de la fenêtre. Il alluma la lumière avant qu’elle n’ait fini de sécher ses larmes. Elle feignit d’admirer les étoiles. Elle aurait regardé n’importe quoi à part lui, de toute façon.

— Tu devrais rester allongée. Et ne pas fumer autant… Il faudrait changer tes pansements, aussi.

— J’ai pas besoin de toi. Et je t’ai dit que je ne voulais plus te voir ici.

Il croisa les bras, s’adossa à l’armoire.

— Il faudra que tu me supportes encore quelques jours. Et puis moi, j’ai envie de te voir…

— Prends-moi en photo et colle un poster au-dessus de ton plumard ! Comme ça, tu pourras me voir autant que tu veux.

— Très drôle ! répliqua-t-il en riant. Tu sais, tu n’arriveras pas à me décourager si facilement, ma petite…

Ma petite . Elle détestait qu’on l’appelle ainsi.

— Je suis payé pour te surveiller jusqu’à ce que tu aies quitté ce pays… Alors, je te surveille.

— J’croyais que t’étais flic. J’savais pas que t’étais aussi maton !

— Il faut savoir s’adapter à chaque situation ! J’ai pas envie que tu fasses la moindre connerie, maintenant qu’on approche du but.

— Si tu restes ici, je vais en faire une, de connerie…

Elle se remit debout, au prix d’un effort cuisant.

— Il se pourrait bien que tu ne te réveilles jamais, commissaire…

— Vous me menacez, mademoiselle de Gréville ?

Il semblait s’amuser. Pourtant, elle devinait que chacun de ses mots s’enfonçait tel un poignard dans sa chair.

— Sors d’ici et n’y remets plus les pieds, murmura-t-elle.

— Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi, Marianne.

Elle s’exila dans la salle de bains. Il patienta un bon moment. Mais n’entendit ni la douche ni le lavabo. Au bout de vingt minutes, il entra à son tour. Elle s’était prostrée sur le tabouret.

— Tu comptes passer la nuit là-dedans ? Tu as peur de moi ou quoi !

— De toi ? Tu rêves, ma parole !

— Alors viens te coucher…

— Je préfère encore dormir sur les chiottes. Tout sauf voir ta gueule !

— Écoute, je vais te laisser le choix, ma petite…

Deux fois ma petite à la suite. Elle n’allait pas tarder à imploser.

— Soit je reste ici, soit je t’attache au pieu. À toi de voir ce qui est le mieux…

— T’es vraiment qu’un fumier !

— Et toi, une gamine capricieuse.

Elle repartit dans la chambre, regagna sa chaise, alluma une cigarette. Ses veines, torrents de haine. Il s’était installé sur son fauteuil, attendant la suite avec un calme déconcertant. Sa présence était comme la pire des tortures.

Elle aurait donné n’importe quoi pour qu’il s’en aille.

— T’as vraiment décidé de me faire chier, pas vrai ? Ça t’amuse, c’est ça ?

— De prendre une insulte dans les gencives toutes les trente secondes ? Non, ça ne m’amuse pas des masses, à vrai dire ! Mais si ça peut te soulager, après tout… Vas-y, ne te gêne pas.

Elle se glissa sous les draps, lui tourna le dos.

— Attache-moi et dégage.

Elle préférait encore les menottes à sa présence.

— Je n’ai pas pensé à amener les pinces… Je croyais qu’elles ne seraient plus nécessaires.

Elle se redressa, se tourna vers lui. Une grimace douloureuse lui déforma le visage.

— Sors de ma chambre…

— Ce n’est pas TA chambre, Marianne. Ce n’est pas non plus TA maison. Et je ne suis pas TON esclave. Rien ne t’appartient, ici. Ici, comme ailleurs…

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