Karine Giébel - Les morsures de l'ombre

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Les morsures de l'ombre: краткое содержание, описание и аннотация

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Une femme rousse, plutôt charmante. Oui, il se souvient. Un peu… Il l’a suivie chez elle… Ils ont partagé un verre, il l’a prise dans ses bras… Ensuite, c’est le trou noir. Quand il se réveille dans cette cave, derrière ces barreaux, il comprend que sa vie vient de basculer dans l’horreur. Une femme le retient prisonnier. L’observe, le provoque, lui fait mal.
Rituel barbare, vengeance, dessein meurtrier, pure folie ?
Une seule certitude : un compte à rebours terrifiant s’est déclenché.
Combien de temps résistera-t-il aux morsures de l’ombre ?
Ça ressemble a un jeu. Le premier qui bouge a perdu. Dans ce roman noir magistral et tendu à l’extrême, Karine Giébel nous entraîne dans un huis clos glaçant au cœur de la folie. Un livre dont on ne ressort pas indemne.

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KARINE GIÉBEL

Les Morsures de l’ombre

Pour Anne,

Comme une sœur depuis vingt ans…

Un grand merci à Sylvie et Jacky pour leur aide si précieuse,

À Maître Pascale Farhat pour ses conseils éclairés.

Sans oublier Denis…

Prologue

Impression étrange.

Comme une gueule de bois, un lendemain de cuite. Sauf qu’il peine à se souvenir de la veille… Neurones en vrac.

Enfin, ses yeux s’ouvrent complètement. Il réalise qu’il gît par terre, à même un béton sale. Un mélange d’effluves importune ses poumons ; peinture, détergent, grésil, essence ? Désagréable, surtout de bon matin ! Mais est-ce seulement le matin ?

Ça sent pas comme ça chez moi, d’habitude…

Première certitude : je ne suis pas dans ma piaule.

Mais où, alors ?

Ses paupières aspirent à se refermer. Il lutte, de toutes ses forces.

Au plafond, une peinture blanche qui s’effrite.

À gauche, un mur en béton brut lui aussi ; avec un renfoncement assez obscur au beau milieu où il croit distinguer une vasque en porcelaine blanche…

En face, un soupirail paré d’un quadrillage en fer rouillé ; juste derrière, une impression de soleil timide. La seule et unique lumière vient de là.

Il tourne la tête sur la droite, déclenchant une douleur assassine dans ses cervicales. Et là, il aperçoit… Les barreaux.

Il tente de se lever. Ça tangue, ça chavire. À quatre pattes d’abord, puis à genoux ; et enfin, debout. Tour d’horizon rapide : il ne reconnaît rien.

Il s’essaie à quelques pas, se heurte aux tiges métalliques qui le cernent, essaie d’ouvrir la grille. Il s’acharne sur la poignée de la porte avec une énergie d’avorton et des gestes d’ivrogne. Peine perdue.

Enfermé.

Son cœur s’extirpe lentement de la léthargie. Commence à battre fort. Très fort.

Dans un réflexe stupide, il cherche son arme. Pour se réconforter. Sauf que son holster est vide. Un vide effrayant.

Deuxième certitude : je suis dans la merde…

Au-delà de la cage qui le retient prisonnier, une inquiétante pénombre lui fait face. Il discerne malgré tout des étagères crasseuses, pleines de cartons, de bouteilles vides et de bocaux. Des outils entreposés contre les murs ; encore des cartons, à même le sol ; un escalier. C’est tout ce qu’il peut voir de là où il se trouve.

Un garage ou une cave. Un gourbi. Un trou à rats, de toute façon.

Mais qu’est-ce que je fous là, putain ?

Dans le renfoncement, une parodie de salle de bains ; un lavabo, un bac à douche, des chiottes alignés.

Il préfère se rasseoir, équilibre encore précaire. Il y a une couverture jetée par terre, il se laisse tomber dessus, s’adosse au mur, en face de la grille qui continue en angle droit sur sa droite.

Il accomplit un effort énergique pour secouer ses méninges. Essaie de se souvenir comment il a atterri là. Mais n’y arrive pas. Black-out total.

Il fouille les poches de son manteau, celles de son jean. Là aussi, le vide. Plus de portable, plus de portefeuille, plus de clefs. Plus de flingue. Plus de repères.

Et une terrible migraine.

Il effleure sa nuque puis considère, hébété, le sang coagulé sur le bout de ses doigts. Merde, je suis blessé…

Son pantalon est dégueulasse, son manteau aussi. On l’a traîné par terre, sans doute.

Il tente de se rappeler, encore. Un gruyère à la place de sa mémoire. Quelques images, très floues, sans queue ni tête.

— Putain ! Mais qu’est-ce qui m’arrive ?…

— Ça ne va pas, commandant ? Mal à la tête, peut-être ?!…

Il sursaute. Ça vient de l’obscurité. Il plisse les yeux, distingue une forme dans le fond de l’immense cave, de l’autre côté de l’infranchissable séparation.

— Qui… Qui êtes-vous ?

— Vous ne vous souvenez pas ?!

Soudain, cette voix… Une cascade d’images jaillit brutalement de son esprit.

Une femme. Rousse, plutôt charmante. Oui, il se souvient. Un peu…

Il l’a suivie chez elle… Mais où l’a-t-il rencontrée ? Ça, il ne s’en souvient plus. Ils ont partagé un verre, il l’a prise dans ses bras… Ensuite, c’est le trou noir.

Comment elle s’appelle, déjà ?

Il s’approche des barreaux, s’y accroche des deux mains. Fait une tentative.

— Lydia ?

— Je vois que la mémoire revient, commandant ! Gagné ! Je ne me suis pas trompé de prénom !

— Lydia… Pourquoi m’avez-vous enfermé là-dedans ? C’est quoi ce jeu à la con ?!

La silhouette se détache de l’ombre, glisse doucement vers lui mais reste à un mètre cinquante de la frontière. Il la reconnaît, maintenant. Grande, élégante. De longs cheveux, la peau claire. Et sur ses lèvres, un funeste sourire.

— La plaisanterie a assez duré, Lydia !… Alors vous allez ouvrir cette grille et… Où est mon flingue, d’abord ?

— Votre arme est entre mes mains désormais. Tout comme votre vie…

Chapitre 1

Ses doigts enlacent le métal froid. Toujours amarré aux barreaux, il tente de maîtriser sa voix, à défaut de maîtriser le reste. Tout comme votre vie…

— Si c’est une blague, c’est vraiment pas drôle ! Lydia esquisse un pas en avant, demeure encore à distance, cependant. Intouchable.

Il distingue mieux son visage, même s’il reste fardé de ténèbres. Alors, dans les yeux qui percutent les siens, il lit que ça n’a rien d’une facétie.

— Vous avez peur, commandant ?

Ces intonations légèrement rauques lui glacent le sang. Un petit frisson s’éternise sur sa nuque endolorie.

— Peur ?! Non… Je me demande simplement si…

— Taisez-vous !

La geôlière attrape une chaise, s’installe juste en face de lui, croise les jambes puis allume une cigarette.

— Ça fait quelle impression d’être prisonnier ?

— Ça me fait chier ! Ouvrez cette porte tout de suite ! Il a perdu son flegme, laisse sa voix le trahir.

— Doucement, commandant ! Ici, les ordres, c’est moi qui les donne.

Il soupire, lève les yeux au ciel qu’il ne peut pas voir. Ça continue à tourner ; dans, comme autour de sa tête. Envie de gerber, maintenant. Il recule un peu et glisse contre le mur, jusqu’à s’asseoir sur la couverture.

— Vous aimez l’endroit ? C’est intime, non ? Et puis c’est calme… Tellement calme ! Bon, bien sûr, ce n’est pas très confortable, mais…

— On fait quoi, là ? C’est quoi ces conneries ?!

— Ne vous énervez pas, Benoît… Ça ne servira à rien, vous savez !

Elle connaît son prénom. Évidemment, ils ont pris un verre ensemble. Ils se sont même embrassés… Peut-être plus, d’ailleurs.

— Et si vous m’expliquiez ce que je fous là !

Elle écrase son mégot avec le bout de son escarpin, vient se frotter à la clôture blindée. Il hésite à se lever. Reste sur sa couverture, finalement.

— Vous ne le savez pas ?

— Non, je ne le sais pas ! rugit-il.

— Mais si, voyons…

Il se lève, tel un ressort. Elle s’éloigne. Le voilà de nouveau accroché aux tiges métalliques.

— Je vous préviens, vous allez avoir de sérieux problèmes si vous ne me libérez pas immédiatement ! Je vous rappelle que je suis officier de police !

Elle sourit de plus belle, commence à monter l’escalier.

— Je redescendrai bientôt monsieur l’officier de police… ! Lorsque vous serez plus détendu…

— Eh ! Revenez !… Lydia ! Où allez-vous ?

Elle est déjà en haut, ne se retourne même pas. Une porte grince, puis claque. Elle a disparu.

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