Karine Giébel - Purgatoire des innocents

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Purgatoire des innocents: краткое содержание, описание и аннотация

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Je m'appelle Raphaël, j'ai passé quatorze ans de ma vie derrière les barreaux. Avec mon frère, William, nous venons de dérober trente millions d'euros de bijoux. Ç'aurait dû être le coup du siècle, ce fut un bain de sang. Deux morts, un blessé grave. Le blessé, c'est mon frère. Alors, je dois trouver une planque où il pourra reprendre des forces.
Je m'appelle Sandra. Je suis morte, il y a longtemps, dans une chambre sordide. Ou plutôt, quelque chose est né ce jour-là… Je croyais avoir trouvé le refuge idéal. Je viens de mettre les pieds en enfer. Quelque chose qui marche et qui parle à ma place. Et son sourire est le plus abominable qui soit… « Fascinant. »
Sud-Ouest

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— Tu as trouvé ce qu’il te fallait ?

— Bien sûr.

Il se sert un café, s’attable derrière elle et continue à l’observer.

— Au fait, dit-il, j’ai amélioré mon système de surveillance.

— Ah bon ?

— Oui… Maintenant, les disques durs enregistrent les images. Comme ça, je peux visionner tout ce qui s’est passé pendant que je n’étais pas là.

Sandra lâche l’assiette qu’elle tient dans les mains. Elle tape contre le bord de l’évier avant de se fracasser sur le sol.

— Eh bien, ma douce, qu’est-ce qui t’arrive ? dit Patrick en souriant. Tu m’as l’air bien nerveuse !

— R… Rien, dit-elle en ramassant les morceaux. Rien du tout.

— Tu es allée voir ton ami, ce matin ? Pendant que je n’étais pas là ?

Sandra referme la poubelle sous l’évier, son cœur est en plein saut périlleux. Lui non plus ne va pas tarder à faire une mauvaise chute.

— Je t’ai posé une question, ma chérie.

— Je… J’ai entendu.

— Et j’attends une réponse. Qui devrait être facile, a priori .

— Je… Lorsque je suis sortie de la chambre de Jessica, Will m’a appelée…

Will ?

— William, s’empresse de rectifier Sandra. Il m’a crié au travers de la porte qu’il avait besoin de moi, qu’il ne se sentait pas bien.

— Et qu’avait-il donc, ce brave petit ?

— Rien de bien méchant, je crois. À mon avis, une simple crise d’angoisse.

— Vraiment ? ricane papa. J’ai hâte de voir ça sur mes écrans…

Sandra panique, tord ses mains l’une dans l’autre.

Papa la rejoint près de l’évier, la prend à nouveau dans ses bras. Il a l’impression d’étreindre un morceau de bois sec.

— Tu ne devrais pas me mentir aussi effrontément, ma douce. Si tu as quelque chose à confesser, c’est maintenant ou jamais.

— Mais non, je…

— Chut… N’aggrave surtout pas ton cas. Je sais que tu as profité de mon absence pour aller voir ton voyou préféré. Vas-y, dis-moi que je fais erreur. Ose me contredire…

Sandra se tait, vaincue.

— Explique-moi donc ce qui t’arrive, ma chérie.

— Je sais pas… Je crois que…

— Tu t’es entichée de ce pauvre type ?

— Peut-être.

— Aïe… C’est grave, ça.

Désormais, elle tremble d’être prisonnière de ses bras. Plus puissants qu’ils en ont l’air.

— Mais on va soigner ça, d’accord ?

Elle imagine déjà le traitement.

Les coups qui vont s’abattre sur elle.

— Et tu sais comment on va soigner ça ? Eh bien, je vais le tuer très bientôt et tu me regarderas faire. Comme ça, tu ne seras plus malade à cause de lui. Tu es d’accord ?

Le ventre de Sandra se tord dans tous les sens, la douleur lui broie les entrailles.

— D’accord, parvient-elle à dire.

*

L’après-midi touche à sa fin lorsque papa entre dans leur geôle.

Il les regarde, à tour de rôle. Avec son éternel rictus narquois sur les lèvres.

Puis, il s’accroupit devant Raphaël.

— Alors, champion, paraît que tu as vu Sandra, ce matin ?

Le braqueur s’abstient de répondre. Ce pervers est du genre à prêcher le faux pour savoir le vrai.

— Le café était bon, j’espère ?

Raphaël reste impénétrable.

— En tout cas, je souhaite que tu en aies bien profité… Du café, je veux dire. Parce que c’était ton dernier.

— Sans blague ?

Papa s’assoit, se mettant à l’aise pour la suite de sa tirade.

— Sandra ne viendra plus te voir. Ça, c’est sûr.

La gorge de Raphaël se serre. Mais son visage n’exprime rien de précis. L’aurait-il tuée ?

William tente de paraître tout aussi indifférent lorsque papa tourne soudain la tête vers lui.

— Vous n’êtes pas très loquaces, les garçons !

— On parle pas à n’importe qui, balance Raphaël. Et en particulier aux grosses merdes dans ton genre.

— Bien sûr, acquiesce Patrick. En fait, pour être tout à fait exact, tu reverras Sandra… Elle sera là lorsque je te tuerai. Elle a insisté, tu sais. Pour que j’en finisse avec toi. Et pour assister à ta mise à mort.

— Très touché.

— Mais ce ne sera pas pour tout de suite… Bon, résumons-nous : ton pote s’appelle bien Pierre Lefèbvre et son adresse est bien le 12 rue des Platanes, à Aubagne ?

Raphaël n’ouvre plus la bouche, alors papa se tourne une nouvelle fois vers William.

— C’est bien ça, fiston ?

— Oui.

— Et que faut-il lui dire en arrivant ?

— Que tu viens de la part de Raphaël Orgione pour le butin. C’est exactement ça qu’il faut lui dire.

— Un vrai jeu d’enfant, en somme ! conclut papa.

— Tu crois que tu vas pouvoir y arriver ? ricane Raphaël. Moi, j’ai risqué ma peau pour piquer ce blé. Toi, t’as qu’à te baisser pour le ramasser. Ça doit être dans tes cordes.

— C’est la vie, champion ! soupire papa.

— Au moins, je verrai pas ta gueule pendant deux jours. Ça vaut bien deux cent mille euros !

— Oh… ça, c’est moins sûr, rétorque Patrick.

Cette fois, le visage de Raphaël accuse le coup.

— Tu auras le plaisir de me voir chaque jour, champion.

Que mijote encore ce fou ?

— Sandra est en train de faire ses bagages. Elle part demain matin… Un petit voyage dans le Sud lui fera le plus grand bien.

CHAPITRE 53

— C’est la merde ! enrage William à peine papa sorti du bâtiment.

Assommé, Raphaël ne répond pas.

Jamais il n’aurait cru que Patrick enverrait Sandra en première ligne.

Son plan s’écroule comme un château de cartes.

Ce fou se doute-t-il qu’ils le précipitent dans un piège ? Impossible…

— On va trouver autre chose, assure-t-il enfin à son frère.

— Tu parles ! C’est foutu, putain !

— Peut-être qu’il bluffe. Qu’il voulait voir comment on réagirait. Ce fils de pute est très intelligent, tu sais. Comme on n’a eu aucune réaction, il va sans doute y aller lui-même…

— C’est mort, je te dis ! se lamente William.

— Ferme-la, maintenant, ordonne son frère. Il doit être de retour chez lui, il pourrait nous entendre.

Papa s’installe devant ses deux écrans.

Sur celui de droite, Jessica dort à poings fermés. C’est le moment de la journée où elle se croit en sécurité, le moment où il ne pénètre jamais dans la cellule.

Bientôt, elle n’aura plus une seconde de répit. Bientôt, elle oubliera le sommeil.

En même temps que les rêves. Et l’espoir.

Sur l’écran de gauche, les deux braqueurs. Papa épie leurs réactions après l’annonce qu’il vient de leur faire. Mais ils restent silencieux, ne se regardent même pas. Toujours aussi froids l’un envers l’autre.

Pourtant, Patrick se rassure en se disant que l’amour fraternel n’est pas mort. Il ne peut y croire. Il subsiste, quelque part, prêt à rejaillir à la moindre étincelle.

Il serait tellement dommage qu’ils ne souffrent pas de voir mourir l’autre.

Ça lui gâcherait son plaisir.

Il ferme les yeux, songeant à l’instant délicieux où il prendra la vie du premier, sous les yeux du second. Ce moment, précieux, devra durer aussi longtemps que possible.

Il se délecte par avance d’une autre douleur ; celle de Sandra lorsqu’il tuera Raphaël. L’amour naissant qu’elle ressent pour lui est une bénédiction.

Tuer n’est rien. La jouissance est ailleurs.

Son esprit s’échauffe, il déboutonne son pantalon en fixant l’écran de droite.

Il paierait cher pour voir les tourments qu’endurent les parents de cette gamine.

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