Karine Giébel - Purgatoire des innocents

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Purgatoire des innocents: краткое содержание, описание и аннотация

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Je m'appelle Raphaël, j'ai passé quatorze ans de ma vie derrière les barreaux. Avec mon frère, William, nous venons de dérober trente millions d'euros de bijoux. Ç'aurait dû être le coup du siècle, ce fut un bain de sang. Deux morts, un blessé grave. Le blessé, c'est mon frère. Alors, je dois trouver une planque où il pourra reprendre des forces.
Je m'appelle Sandra. Je suis morte, il y a longtemps, dans une chambre sordide. Ou plutôt, quelque chose est né ce jour-là… Je croyais avoir trouvé le refuge idéal. Je viens de mettre les pieds en enfer. Quelque chose qui marche et qui parle à ma place. Et son sourire est le plus abominable qui soit… « Fascinant. »
Sud-Ouest

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— Tu rêves, mon gars !

William ferme les yeux, conscient de son échec. Il aurait dû attendre un moment où ce malade avait quitté la maison.

Quel con !

Patrick donne une impulsion, William bascule sur le côté, entraînant Christel dans sa chute. Il l’entend hurler sous son bâillon, ça vibre jusque dans ses vertèbres.

Alors qu’il essaie de se redresser, la chaussure de papa vient écraser sa joue.

— Ma femme m’obéit, mieux que ton chien… tu comprends ça, petit con ?

— Arrêtez ! gémit William d’une voix déformée.

— Jamais elle ne fera quelque chose sans mon accord, pigé ?

— Oui !

Papa augmente la pression, William a l’impression que sa mâchoire va se briser.

— Arrête, merde !

— Les ordres, c’est moi qui les donne ici. Et je t’interdis de lui adresser la parole.

— Arrêtez, je vous en prie ! Je… je ne lui parlerai plus, je vous le jure !

— C’est mieux, concède Patrick en retirant son pied.

Il se tourne vers Sandra, immobile, presque inexistante.

— Le petit déjeuner est prêt, ma chérie ?

— Pas encore. J’y allais, justement…

— Dépêche-toi, ma douce. Je meurs de faim !

*

7 h 55

— Qu’est-ce qu’il fout, ce salopard ? maugrée Raphaël.

Il essuie son front moite avec le dos de sa main, celle qui tient la batte. L’autre est posée sur ses genoux, inutile. Enflée, bleue et paralysée.

Il grelotte, a l’impression d’avoir de la fièvre. Peut-être a-t-il finalement chopé le virus de Will ? Le vertige le saisit à intervalles réguliers, ainsi que la nausée. Il a tellement bu au robinet qu’il a envie de pisser mais il refuse de quitter son poste. Papa peut surgir d’un instant à l’autre, voilà un rendez-vous à ne surtout pas manquer.

Il a également très envie d’une cigarette, sent le paquet de Marlboro dans sa poche. Mais l’odeur pourrait alerter l’ennemi jusque dans le couloir : difficile de fumer avec les deux mains liées dans le dos.

Mauvaise idée.

Alors, il reste immobile sur sa chaise inconfortable. Figé depuis maintenant plus de trois heures. Sa jambe blessée lui lance d’insoutenables SOS, son crâne semble enfler seconde après seconde. Ses côtes cassées transforment chaque bouffée d’oxygène en un supplice.

Pourtant, il tient bon. Concentré, prêt à livrer bataille.

C’est sans doute sa dernière chance de sauver sa peau, celle de Will, celle des filles. Christel, Jessie, Aurélie.

Alors, il n’a pas le droit à l’erreur.

— Magne-toi, papa, que j’explose ta sale gueule ! murmure-t-il. Amène-toi, fumier, j’ai une surprise pour toi…

*

9 h 12

Patrick sort du bureau où il vient de passer encore une heure. Il s’arrête devant William.

Le jeune homme a de plus en plus de mal à soutenir son regard. Immergé dans un calvaire dont il ne voit pas la fin.

— C’est terrible, la douleur, hein fiston ? Toutes ces heures à souffrir atrocement… Tu dois avoir envie de plein de choses, non ?

— Envie de te buter, balance Will d’une voix faible.

— Dommage, ricane papa, j’allais couper tes liens !

Si William le pouvait, il se mordrait les doigts.

— Mais vu la façon dont tu me parles, je crois que je vais te laisser crever dans cette position !

— Non ! Pardon… Pardon… ! Détachez-moi, je vous en prie…

Le sourire de papa s’étire.

— Tu veux que je te libère ?

— Oui, s’il vous plaît. J’en peux plus…

— C’est bien normal, mon garçon. Mais pourquoi le ferais-je ? Vas-y, donne-moi une seule bonne raison…

William n’en trouve aucune. Il n’a quasiment plus de force, en est arrivé au stade où la mort lui semble la seule issue possible.

La délivrance ultime.

Une larme glisse sur sa joue.

— Tu essaies de m’attendrir ?

— J’ai mal, putain… Si tu veux me tuer, vas-y, mais n’attends pas !

Papa sort un cran d’arrêt de sa poche, William reconnaît le couteau de son frère.

— Tu veux que je te tranche la gorge ?

Il s’étouffe dans un sanglot, fixant la lame étincelante.

— Tu voulais mourir il y a un instant… tu n’as qu’un mot à dire.

Le jeune homme hésite.

— Alors ? s’impatiente papa. Je croyais que tu voulais arrêter de souffrir… Vas-y, demande-moi de t’achever et je le ferai. Promis.

Le cœur de William se comprime encore plus. Ses lèvres tremblent.

Mourir, maintenant. Ou continuer à souffrir, peut-être pendant des jours…

Mourir, maintenant. En entraînant Christel dans son sillage. Sans avoir vengé la mort de Raphaël.

— Ce n’est pas si facile, hein ? s’amuse Patrick. Bien sûr, la douleur te pousse à appeler la mort à la rescousse. Mais au moment fatidique, il y a ce putain d’instinct de survie qui vient tout compliquer… Alors ?

William s’entend prononcer une phrase, comme si quelqu’un d’autre parlait à sa place.

— Tuez-moi.

Papa est bluffé.

— Très bien, dit-il. Je n’ai qu’une parole, fiston.

Le couteau s’approche, Will ferme les yeux. Et brusquement, c’est la délivrance.

Patrick vient de couper le scotch qui lui serrait la gorge. William prend une profonde inspiration. Sans doute la dernière.

Patrick tranche alors les bandes de ruban adhésif au niveau de son torse, William tombe vers l’avant, complètement épuisé.

Papa libère ensuite ses chevilles et enfin, ses poignets.

Par terre, William reprend ses esprits. Étonné d’être encore en vie.

Pour le moment, il n’arrive pas à bouger, les membres paralysés par des heures de compression. C’est douloureux à en crever.

Christel, qui a soudain perdu son pilier, s’écroule aussi contre le sofa.

— Debout, enjoint Patrick. On sort, je préfère éviter une mare de sang sur mon carrelage.

William le dévisage avec terreur. Il n’est pas loin de le supplier.

Reprends-toi , lui intime une voix familière.

Celle de Raphaël.

Il veut aller dehors pour te saigner ? Suis-le et tue-le.

— Laissez-moi une minute, s’il vous plaît, murmure-t-il. Je n’arrive plus à bouger…

— Debout, répète papa.

William pose une main sur le canapé, parvient à se mettre à genoux. L’impression que ses jambes sont en carton, ses muscles en coton.

Enfin, il se lève. Tombe nez à nez avec le colt.

— Après toi, indique Patrick en lui montrant la porte d’entrée.

*

9 h 30

Plus de quatre heures que Raphaël s’est transformé en sculpture de glace.

Il n’est pas loin de renoncer. Pas loin de s’allonger par terre pour attendre la suite.

Il se met debout, détend ses muscles engourdis. Puis, sans lâcher la batte, il boite jusqu’à la salle d’eau pour soulager sa vessie.

Il résiste à la tentation d’allumer une cigarette, se passe à nouveau un peu d’eau sur le visage.

— Monsieur ! chuchote une voix terrorisée. Il arrive !

Raphaël empoigne la batte, éteint le néon et retourne vers la porte aussi vite que possible. Il y arrive au moment où la clef entre dans la serrure.

Il se positionne non loin de l’interrupteur que papa va immanquablement chercher en entrant.

Planté sur une seule jambe, il bloque sa respiration et s’instille une bonne dose de courage.

La poignée tourne, la porte s’ouvre sur la pénombre du couloir.

Pénombre contre pénombre…

Ténèbres contre ténèbres…

Raphaël distingue une silhouette. Il pousse une sorte de cri de rage en même temps qu’il détend son bras gauche. Il sent la batte heurter sa cible, entend un cri horrible accompagnant le bruit d’un corps qui s’écroule.

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