Jean-Marie Le Clézio - Printemps et autres saisons

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Cinq saisons, cinq nouvelles, cinq femmes ; Libbie-Saba, Zobéïde, la bohémienne aux roses, Gaby et Zinna. Une par nouvelle. Une par saison. Cinq femmes vues ou entrevues, rêvées, pour tenter de dire la fragilité, l'étrangeté et la recherche de l'amour, la recherche de soi-même, l'errance et l'appartenance, la mémoire ou l'oubli, le temps qui ne passe pas et les lieux anciens qui s'enfuient.

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J’ai débouché sur les dunes, là où on voit l’estuaire de la rivière, et de l’autre côté, très loin, les lumières de Mehdia. J’entendais le bruit régulier de la mer. À droite, les balises à l’entrée de l’estuaire, et au-delà de la ville, le grand nuage blanc au-dessus de la base américaine.

Je vois tout cela encore, maintenant, dans la chambre de l’appartement de la Loge, comme si c’était hier, comme si j’avais toujours dix ans. Je sens le froid de la nuit, la brume, les poignées de sable que le vent me jette au visage. J’étais libre, je me cachais dans le creux des dunes, avec la chienne couchée contre moi, je sentais l’odeur de la terre. Le monde était bien silencieux. Les étoiles brillaient, puis se cachaient dans la brume. La pleine lune descendait derrière moi, elle éclairait la forêt des chênes-lièges.

Avant l’aube, je suis retournée vers Nightingale. Il fallait longer les dunes, traverser les champs de sorgho, les plantations de haricots et de tomates. La route de la noria était encore immobile. L’éolienne tournait dans le vent en faisant son bruit de moteur. Dans les huttes des paysans, le feu brillait déjà. À un moment, en courant sur le sentier, j’ai écorché mon orteil contre une pierre. Le sang et la poussière ont fait un caillot contre l’ongle. Je ne ressentais même pas la douleur.

Les coqs enroués criaient d’une ferme à l’autre. Le Colonel disait toujours qu’il prendrait sa carabine et qu’il les descendrait les uns après les autres.

J’entends le bruit de la respiration de ma mère. Elle aussi, elle est partie de chez elle, une nuit, et elle n’est jamais revenue. Peut-être qu’on voulait la marier de force, ou bien elle a suivi un homme de passage. Elle a quitté le village des Zayane, dans la montagne, elle a marché jusqu’à la mer. Son père était un guerrier, un fils du grand Moha ou Hammou qui avait fait la guerre aux Français, à Khénifra. Quand ma mère a quitté la montagne, elle avait mon âge, et déjà elle me portait dans son ventre. Elle a voyagé seule dans toutes ces villes qu’elle ne connaissait pas, elle a travaillé dans les fondoucs, sur les marchés. Celui qui était mon père avait pris le bateau, il est allé travailler de l’autre côté de la mer, en France, en Allemagne peut-être. Mais il n’est jamais revenu. Il est mort en tombant d’un échafaudage, ou bien de maladie. Il n’a rien laissé derrière lui, pas même son image.

Ma mère m’a dit un jour qu’elle avait reçu une lettre en français, et le patron du restaurant où elle travaillait l’a lue pour elle. Dans la lettre, on disait que mon père était mort à Marseille. Ensuite, mes oncles et mes tantes Zayane sont venus de la montagne, pour ramener ma mère, parce qu’ils voulaient lui trouver un autre mari, et me garder avec eux. Ma mère a dit oui, et une nuit elle s’est échappée, elle s’est cachée dans un fondouc jusqu’à ce que ses frères et ses sœurs se lassent de la chercher et retournent dans la montagne. Alors, elle a décidé de partir, elle aussi. Elle m’a mise dans une boîte de carton, et elle a voyagé en camion et en autocar. Dans les marchés, elle s’asseyait par terre, avec la boîte à côté d’elle, et elle attendait qu’on lui donne à manger. Et un jour, elle est arrivée à Nightingale, et elle a déposé le carton sur le sol de la cuisine, elle a pris les billets de banque du Colonel, et elle est partie.

Tout ça, c’est mon histoire, mais je peux y penser maintenant comme si c’était vraiment arrivé à quelqu’un d’autre. Je peux penser à mon père inconnu, qui est mort à Marseille au moment où je commençais à vivre à Khénifra. Je peux imaginer ma mère, elle n’avait que seize ans, elle était si fragile, avec ses yeux de biche, ses cheveux coiffés en nattes, et pourtant elle était si audacieuse, si forte. Un jour le Colonel m’a parlé d’elle, quand il l’a rencontrée pour la première fois, elle portait ce tout petit enfant sur la hanche. Il y avait quelque chose qui troublait son regard, comme des larmes. Il la revoyait toujours, cette jeune femme au visage d’enfant, l’allure sauvage et décidée, et le bébé qu’elle tenait contre elle et qui suçait son lait. Lui qui était si riche, si puissant, qui avait commandé aux hommes pendant la guerre, le malheur et la jeunesse de ma mère le subjuguaient, le rendaient timide et dérisoire. Ce qui l’émouvait, lui, le soldat de l’armée américaine, c’était le secret sombre et âpre dans les yeux de cette femme, un secret semblable au pays des Zayane, les montagnes et les forêts de rouvres, la lumière dure dans ses yeux, la méchanceté de l’enfance interrompue.

Elle respire lentement, à côté de moi, dans l’alcôve. Je pense à ce qu’elle m’a fait. Je pense qu’elle errait sur les routes blanches de poussière, devant son ombre, et j’étais serrée contre sa hanche dans les plis de sa robe, je suçais le lait de sa poitrine. Je pense qu’elle m’a laissée dans la maison des Herschel, endormie dans le carton, et Amie m’a prise et m’a posée doucement dans le lit blanc qu’elle avait préparé à côté du sien, dans sa chambre. Je pense aux billets de banque roulés et liés par un élastique, qu’elle avait cachés dans les pans de sa robe serrée par une ceinture, entre ses seins. Je pense à la route vide devant elle, personne ne l’attendait, personne ne l’aimait. Le bateau qu’elle a pris pour Marseille, le pont inférieur chargé d’émigrants, et le voyage à travers ce pays inconnu, où personne ne parlait sa langue, où personne ne lui ressemblait. Je pense aux endroits où elle a vécu, à Marseille, en Allemagne, à Hambourg, le travail, l’eau qui fait gercer les mains, les ateliers où on se brûle les yeux. Peut-être qu’elle roulait déjà les billets de banque avec un élastique et qu’elle les cachait dans sa chambre, dans un carton à chaussures, comme elle fait encore maintenant ? Je pense à ce qu’elle m’a fait, quand elle a osé m’emmener chez ce docteur Haven, et j’ai dû m’allonger sur cette civière, et les mains gantées de cette femme, et son drôle d’air quand elle posait ses sales questions, quand elle a dit : « Ça ne se voit pas. » J’ai un poids sur la poitrine. Je voudrais bien redevenir comme avant, à Nightingale, avec Lassie, et je courais dans la nuit froide, et j’entendais le bruit des insectes. J’étais libre, libre comme la mer, libre comme le vent. Je croyais que rien ne pouvait m’atteindre. Je croyais que je ne grandirais jamais, que je ne serais jamais une femme avec de gros seins qui bougent quand elle marche, et des jambes lourdes, une femme que les hommes regardent, avec toutes ces gaines, ces soutiens-gorge, ces rouges à lèvres et ces faux cils, ces poudres aux joues. Je voulais garder un corps lisse et dur, pouvoir courir, sauter, nager, pouvoir me cacher, disparaître. Je voulais avoir toujours un visage comme les enfants, avec un front comme un caillou lisse, des yeux qui n’ont pas de vide, qui n’ont pas l’air de regarder à travers les trous d’un masque.

C’est bizarre, les yeux. Ils sont comme des fenêtres, quand on voit à travers eux, c’est qu’ils sont vides. Les yeux que j’aime sont lisses et durs, ils sont pareils à des gouttes.

Je me souviens maintenant, cela me brûle, me fait mal au fond de moi, comme si quelque chose voulait changer, comme si quelqu’un voulait apparaître. Quand je suis venue vivre ici, à la Loge, avec ma mère, c’était le commencement de l’hiver, il y a six mois à peine, et ça fait comme si c’était il y a six ans. Une nuit, j’ai commencé à avoir mal au ventre. J’avais si mal que je repliais les jambes et que je mordais ma main pour ne pas gémir. Je ne voulais pas gémir, surtout, je ne voulais pas que ma mère m’entende, qu’elle vienne. Je ne comprenais pas ce qui était en train de m’arriver. Quelque chose changeait en moi, et le sang coulait, inondait mes cuisses, tachait les draps. Personne ne m’avait jamais rien dit. Amie ne parlait jamais des choses des femmes, elle disait qu’il y avait des choses que les enfants ne devaient pas savoir, il y avait des mots que les enfants ne devaient pas dire. Malgré la douleur, je me suis levée pour aller aux toilettes. Je voulais me laver, laver mes draps et ma chemise. Ma mère s’est réveillée, elle a vu le sang. J’avais honte. « Va-t’en, je suis malade. » J’avais une petite voix. Ma mère m’a aidée à me laver, elle m’a apporté des linges, une chemise propre. J’étais si fatiguée, si malade, je me suis assise sur mon lit, dans l’alcôve, les genoux contre le menton. Ma mère a fait chauffer de l’eau pour le thé, elle a jeté les feuilles de menthe amère. J’ai bu le thé brûlant, et ça m’a un peu calmée. « Alors, maintenant, tu sais ce que c’est une femme. » Ma mère me parlait doucement. Elle me caressait les cheveux, je sentais sa main chaude sur ma nuque. Jamais elle ne m’avait parlé comme cela. Elle me parlait de la lune qui règle les femmes, du sang qui coule pour que tout soit neuf dans leur corps, pour que les enfants puissent naître et grandir. Ça me faisait peur, je m’en souviens maintenant, ça me faisait peur et en même temps ça m’émerveillait. Il y avait quelque chose d’autre au fond de moi, j’étais devenue quelqu’un d’autre. Je pensais que si j’étais restée chez Monsieur et Madame Herschel, rien ne serait arrivé. J’écoutais ces histoires de lune et de sang, ces histoires d’enfants qui grandissent dans le ventre. Je ne voulais pas pleurer, pas gémir, je serrais mon front contre mes genoux. La lune, c’était celle de Mehdia, quand elle montait si belle dans le ciel de velours, et que les dunes et les épis de sorgho étincelaient. La lune n’avait pas besoin du sang des femmes.

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