Jean-Marie Le Clézio - Ritournelle de la faim

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Ritournelle de la faim: краткое содержание, описание и аннотация

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« Ma mère, quand elle m’a raconté la première du
, a dit son émotion, les cris, les bravos et les sifflets, le tumulte. Dans la même salle, quelque part, se trouvait un jeune homme qu’elle n’a jamais rencontré, Claude Lévi-Strauss. Comme lui, longtemps après, ma mère m’a confié que cette musique avait changé sa vie.
Maintenant, je comprends pourquoi. Je sais ce que signifiait pour sa génération cette phrase répétée, serinée, imposée par le rythme et le crescendo. Le
n’est pas une pièce musicale comme les autres. Il est une prophétie. Il raconte l’histoire d’une colère, d’une faim. Quand il s’achève dans la violence, le silence qui s’ensuit est terrible pour les survivants étourdis.
J’ai écrit cette histoire en mémoire d’une jeune fille qui fut malgré elle une héroïne à vingt ans. »

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Paris, XII, 1942

Der Standortkommandant

Signé : Oberleutnant Ernst Broll

Et frappé du sceau, un aigle aux ailes éployées, tête tournée vers la gauche, tenant dans ses serres une couronne et une croix gammée.

Un homme élégant, sobre dans un uniforme noir, sans casquette, elle avait trouvé qu’il ressemblait au prof de philo au lycée de la rue Marguerin. Même regard myope, un peu embué, même sourire mince qui creusait une fossette sur sa joue. Il avait rempli l’ Ausweis avec soin, puis, de sa jolie écriture penchée, il avait zyouté, en bas à gauche, peut-être pour alléger le dessin du féroce rapace qui brandissait le signe le plus haï du monde, cette croix potencée qui ressemblait à un axe garni de faux, un mot suivi d’un point d’exclamation :

Flüchtlinge !

Et, naïvement, Éthel avait imaginé qu’il leur souhaitait bonne chance. Longtemps plus tard, cherchant dans un dictionnaire, elle comprendra que ce brave homme, ce fonctionnaire zélé, avait simplement résumé d’un mot ce qu’étaient ces gens, cette famille de bohémiens empilée dans leur auto déglinguée au milieu de leur fatras :

Réfugiés !

La faim,

une sensation étrange, durable, invariable, presque familière pourtant. Comme un hiver qui ne finirait pas.

Du gris, du terne. Nice, autrefois, quand les tantes mauriciennes en parlaient, c’était un lieu de délices, la mer très bleue, les palmes, le soleil, Carnaval au plâtre, les batailles de fleurs et de citrons, les soirées lisses sous un ciel de velours, et cette courbe illuminée qu’elles admiraient depuis la jetée-promenade, Pauline disait : « Ma rivière de diamants. »

À l’arrivée, Éthel avait eu cette palpitation du cœur quand on commence une nouvelle aventure. Le mistral avait lavé l’horizon, les hautes cimes étaient enneigées et, sur la plage de galets blancs, les baigneuses faisaient de la gymnastique suédoise, des enfants blonds et dorés se baignaient tout nus.

Et puis il y avait les Italiens ! Ils étaient très jeunes, très mignons, ils n’avaient pas l’air sérieux dans leurs uniformes verts avec leurs chapeaux à plume de coq. Ils regardaient les filles ! Ils parlaient français en roulant les r , ils jouaient de la musique dans les orphéons, ils peignaient à l’aquarelle !

Éthel a passé des journées entières au soleil, dans les criques du quartier du Lazaret. Elle en avait besoin comme d’un étourdissement. Elle nageait longuement, dans une mer froide où circulaient des méduses, puis elle attendait sur la plage que le soleil ait séché chaque goutte salée sur sa peau. Il n’y avait personne. Sauf, de temps en temps, des femmes avec des enfants, quelques vieux. La plupart du temps, personne. L’horizon vide, sans un navire, sans un oiseau.

Une fois, elle a eu peur. Un homme d’une cinquantaine d’années qui s’est approché, qui s’est exhibé. Elle s’est levée et elle est partie sans le regarder. Une autre fois, deux jeunes qui ont voulu lui barrer le passage quand elle remontait les rochers. Alors elle a plongé, elle a nagé le plus loin possible vers le large, puis elle a repris pied sur une digue, du côté des viviers. Plus tard elle est retournée dans la crique chercher ses affaires. Elle n’en a pas parlé à Justine. Elle se disait qu’elle était responsable d’elle-même. C’était sa façon d’être en guerre.

Sa peau était devenue d’un brun très chaud, ses cheveux dorés. Elle aimait passer ses doigts sur la peau de ses tibias, pour sentir le lisse, pour suivre les petites zébrures claires, parcheminées.

L’argent commençait à manquer. Les économies que Justine avait réunies en vendant ce qui avait échappé à l’avidité des huissiers avaient été bien entamées au début de l’hiver. Il fallait du coke pour le poêle, de la sciure, du pétrole lampant pour les coupures de courant. L’appartement était au dernier étage d’un vieil immeuble sans nom qui dominait le port, la vue était admirable mais le froid traversait le zinc du toit, les fenêtres mansardées étaient pourvoyeuses de vents coulis. Du fait du moratoire sur le paiement des loyers (après tout on était toujours en guerre, non ?), les propriétaires ne faisaient plus de réparations, la pluie cascadait dans la cuisine, les W. -C., Justine avait placé ses baquets de fougères aux endroits des gouttières, elle avait entrepris une plantation de salades et de carottes dans les jardinières accrochées aux rambardes des balcons. Alexandre mélangeait les feuilles de carotte séchées au tabac des rations, il prétendait qu’il y trouvait un petit goût sucré de Virginie.

Peu à peu, le quotidien avait pris une place importante. C’était comme d’avoir les yeux toujours fixés au sol, à la recherche de quelque chose, une piécette, une épingle, un mégot. On sentait un goût de moisi, une odeur de fumée dans les rues, dans les cours des immeubles. Éthel remontait la corniche en poussant sa bicyclette chargée de provisions, de légumes, de bois pour le feu. Elle sentait l’haleine des caves, le long des murs, des bouffées sombres qui sortaient des soupirails. Elle tressaillait comme autrefois quand elle descendait à la cave, rue du Cotentin, en serrant très fort la main de la bonne, pour aller chercher les bouteilles de vin ou remplir un panier d’osier avec des pommes de terre.

Il fallait aller de plus en plus loin, de plus en plus tôt. Au marché, tout coûtait cher. Tout se vendait. Éthel achetait des feuilles de navet, des feuilles de courge, des feuilles de chou. Être mauricienne (d’origine, du moins), du pays des « margozes » ( amargos , les immangeables), donnait un avantage, puisqu’on savait déjà, avec un reste de safran et de poudre cari, accommoder la nourriture des lapins.

Vers midi, il ne restait plus grand-chose. Entre les étals vides circulaient des ombres, des vieux, des pauvresses qui piquaient les détritus au bout d’un bâton et les enfournaient dans leurs sacs de jute. Des légumes avariés, des fruits talés, des racines verdies, des rognures, des épluchures. Silencieux comme des chiens, courbés en deux, enveloppés dans des fichus, des couvertures, leurs mains noires, aux ongles trop longs, leurs visages aigus, nez crochus, mentons en galoche. La roue du vélo avançait au milieu des décombres, le pédalier battait le mollet d’Éthel, elle n’avait pas besoin d’actionner le timbre rouillé, les ombres s’écartaient sur son passage, s’arrêtaient, la tête tournée, le regard en biais. L’une d’elles, une vieille femme percluse, amaigrie, avait soudain relevé la tête, et Éthel avait eu un choc en croyant reconnaître les yeux cerclés de noir et les joues fardées de rouge de Maude. Son cœur battait trop fort tandis qu’elle s’échappait vers la sortie du marché en poussant son vélo. Puis elle s’était enfuie en pédalant de toutes ses forces à travers le dédale de la vieille ville, poursuivie par le visage de la vieille femme, son nez en bec de vautour, ses iris gris cernés d’un contour au charbon, sa bouche ridée tachée de rouge, l’expression de ce visage surtout, une expression d’avidité et de tristesse. En même temps, elle se répétait, à moitié pour tenter de se convaincre, non, ce n’est pas elle, pas Maude, c’est juste une vieille abandonnée qui meurt doucement de faim.

Elle n’a pas parlé de cette rencontre à Justine. L’ennemie de la famille, celle par qui le scandale était arrivé, celle qui avait été là au moment où Alexandre commençait à être ruiné, comment pouvait-elle être devenue cette mendiante en train de glaner des légumes pourris pour survivre ?

Éthel a réfléchi. D’une certaine façon, c’était justice. Tous, ils étaient châtiés, abandonnés, trahis, comme en retour de leur orgueil passé. Les volages, les « artistes », les affairistes, les margoulins, les prédateurs. Et aussi tous ceux qui avaient professé avec orgueil leur supériorité morale et intellectuelle, les royalistes, les fouriéristes, les racistes, les suprématistes, les mysticistes, les spiritistes, disciples de Swedenborg, de Claude de Saint-Martin, de Martinez de Pasqually, de Gobineau, de Ri-varol, les maurrassiens, camelots du roi, mordréliens, pacifistes, munichois, collaborationnistes, anglophobes, celtomanes, oligarchistes, synarchistes, anarchistes, impérialistes, cagoulards et ligueurs. Pendant toutes ces années, ils avaient tenu le haut du pavé, ils s’étaient pavanés à leurs tribunes, ils avaient gardé le crachoir, avec leurs discours anti-juifs, anti-nègres, anti-arabes, leurs rodomontades, leurs airs de justiciers et de matamores. Tous ceux qui, comme Alexandre Brun, tremblaient pour leurs privilèges, attendaient le Grand Soir, la révolution bolcheviste, le complot des anarchistes. Ceux qui se réunissaient au Vél’ d’Hiv pour acclamer la libération de Charles Maurras, ceux qui encourageaient la Ligue contre Daladier, qui avaient fait la moue quand La Rocque s’était récusé, qui avaient applaudi Pie XI et Hitler quand ils avaient appelé à l’extermination des communistes. Ceux qui avaient réclamé la mort au procès de Nguyên Ai Quôc quand il demandait le droit de l’Indochine à disposer d’elle-même, ceux qui avaient applaudi à l’exécution publique du professeur Nguyen Thâi Hoc qui proclamait l’indépendance de l’Annam, tous ceux qui lisaient Paul Chack, J. -P Maxence et L. -F. Céline, qui riaient en voyant dans les journaux les dessins de Carb : « Oust ! La France n’est plus une patrie pour les sans-patrie ! » La statue de la Liberté à New York brandissant un chandelier à sept branches, légendée : « Oncle Sem » !

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