Jean-Marie Le Clézio - Ritournelle de la faim

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Ritournelle de la faim: краткое содержание, описание и аннотация

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« Ma mère, quand elle m’a raconté la première du
, a dit son émotion, les cris, les bravos et les sifflets, le tumulte. Dans la même salle, quelque part, se trouvait un jeune homme qu’elle n’a jamais rencontré, Claude Lévi-Strauss. Comme lui, longtemps après, ma mère m’a confié que cette musique avait changé sa vie.
Maintenant, je comprends pourquoi. Je sais ce que signifiait pour sa génération cette phrase répétée, serinée, imposée par le rythme et le crescendo. Le
n’est pas une pièce musicale comme les autres. Il est une prophétie. Il raconte l’histoire d’une colère, d’une faim. Quand il s’achève dans la violence, le silence qui s’ensuit est terrible pour les survivants étourdis.
J’ai écrit cette histoire en mémoire d’une jeune fille qui fut malgré elle une héroïne à vingt ans. »

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Maintenant, leur monde s’était écroulé, émietté, il avait été réduit à une eau de canal. Maintenant, ils étaient condamnés à errer comme des ombres, à leur tour, sans rien espérer, sans autre nourriture que les épluchures et les racines verdies, comme s’ils mangeaient la terre, le charbon et le fer, dans cet hiver interminable.

Le monde nouveau qu’ils appelaient n’était pas venu. Ils s’étaient crus de la race des seigneurs, descendants des maîtres et des Grands Mounes qui pliaient l’univers selon leurs désirs. La réalité avait à peine dessillé leurs yeux. Ils avaient été rendus à leurs noms de famille imaginaires, descendants de la « deuxième race ». Ils n’avaient pas compris encore tout à fait. Ils n’avaient rien vu venir.

Qu’est-ce qu’ils attendaient encore ? Pour quelques-uns, que l’Anglais détesté depuis la bataille du Grand Port, l’Anglais traître qui avait débarqué au Cap Malheureux et avait traversé les champs de cannes au Mapou en enveloppant les sabots des chevaux avec des chiffons pour mieux surprendre l’arrière-garde des Français au Port Louis, l’Anglais fourbe de Mers el-Kébir qui avait réduit à néant la flotte française sans lui laisser une chance, qui avait refusé de se battre au réduit de Dun-kerque, qu’il tombe enfin de son trône et courbe la tête comme eux-mêmes l’avaient courbée, et qu’il connaisse à son tour l’infamie de l’étendard noir et rouge orné de sa sinistre araignée !

Peu à peu, le monde se rétrécissait. Ils avaient voulu régner, pour arriver à leurs fins ils étaient prêts à toutes les ignominies. Maintenant, ils comprenaient que l’occupant ne ferait aucune différence entre eux et les autres, qu’ils seraient coupés et récoltés comme ceux qu’ils avaient dédaignés, tous ces va-nu-pieds et ces sans-noms, ces sans-étoile nés pour les servir.

Quelques-uns avaient réussi à nager, à ce qu’Éthel avait entendu dire par la générale Lemercier que l’amertume rendait encore plus médisante. Le rusé Chemin, entre autres, qui avait mis son étude de notaire au service de l’Allemagne et avait écrit dans ses registres l’inventaire des biens des Juifs spoliés et vendus aux enchères. Il y avait pire : Talon, l’infect Talon, rémora des nouveaux maîtres, qui s’était proclamé l’administrateur des entreprises et des immeubles de rapport confisqués aux Juifs, et avait ouvert boulevard des Capucines (au numéro 9), puis rue Montmartre avec les nommés Labro et Champion, un bureau d’administration pour Rubinstein et Weinberg, et à Viroflay une autre antenne pour les biens d’Abraham Low. Éthel pensait à eux avec une rage froide, parce qu’ils n’avaient pas changé, et que les événements dramatiques, l’exode, la ruine, la déportation de leurs contemporains, loin de leur nuire, avaient décuplé leur puissance.

Est-ce qu’elle en voulait aux autres, à ces fantômes humains qui s’étaient jetés dans la gueule du loup, qui n’avaient pas réfléchi, qui avaient gobé tous les mensonges de l’époque, qui avaient cru en leur destinée, comme s’ils étaient vraiment d’une essence supérieure, nés d’une autre race ? Sans doute n’y avait-il même plus le temps pour les haïr.

Nice, cette ville d’opérette, décor des Anglais du temps de lord Brougham & Vaux, des Russes du temps de l’Impératrice et de Marie Bashkirtseff, cette ville indifférente et cruelle, surexposée au soleil et dans le vent aigre des vallées cimenteuses, et ses habitants en ombres noires incrustées dans l’asphalte — un joli piège, se disait Éthel.

Lui revenait à l’esprit certain chapitre des Aventures de M. Pickwick, la prison pour dettes où sont détenus tous les faillis, faux nobles et vrais parasites, tournant en rond, s’interpellant depuis les balcons et faisant leurs affaires comme s’ils étaient encore en liberté dans la Cité.

Petit à petit, les rues se fermaient, les lieux de plaisir, les jardins avec leurs fontaines des Amours, maintenant terrains de chasse des chats errants. Le parc Chambrun, la villa Smith, la villa Vigier, le château Nestlé, le château Scoffier, l’Athénée, et tous ces grands hôtels magnifiques et surannés, le Ruhl, le Negresco, le Splendid, le Westminster, le Plaza, et celui qu’Alexandre et Justine avaient fréquenté jadis, au temps du faste, l’Ermitage, desservi par un funiculaire, dont le parc avait sans doute rappelé à Alexandre l’étendue sauvage rythmée de palmes de sa maison natale à Moka (île Maurice).

Les officiers italiens en avaient occupé un étage, jusqu’au jour où — car il existait des catégories même dans la race des seigneurs — ils en avaient été délogés par l’armée allemande. Une fois, marchant dans le centre-ville avec Justine, celle-ci s’est arrêtée pour montrer au bout de la rue, accrochée au flanc de la colline de Cimiez, insolemment éclairée par le soleil d’hiver, la bâtisse blanche : « C’est tout ce qui reste de notre voyage de noces », a-t-elle soupiré. Éthel s’est retenue d’un commentaire sarcastique : « C’est dans ce caravansérail que j’ai été conçue ? »

Les rouleaux de fil de fer barbelé enfermaient les parcs, les collines de mimosas, les plages. Des murs de parpaing bouchaient les accès à la mer. Sur le promontoire où naguère Éthel aimait regarder courir les vagues, avant d’aller plonger entre les rochers, elle a aperçu un jour des soldats en train de cimenter une sorte de plateforme pour un canon tournant sur rails. Les fenêtres du grand séminaire étaient aveuglées, les prêtres en soutane remplacés par des soldats et des convalescents. Un peu partout, les murs avaient poussé, les filets de camouflage avaient recouvert les toits. Les champs d’oliviers avaient été minés. Un panneau écrit en deux langues menaçait les passants d’une tête de mort. À partir de dix-huit heures commençait le couvre-feu. Un soir qu’elle avait tardé, alors qu’elle montait à pied les escaliers de l’immeuble, un coup de feu avait percé un trou dans l’œil-de-bœuf du cinquième et la balle s’était fichée dans le mur. Depuis, chaque fois qu’elle descendait les escaliers, Éthel ne pouvait pas se retenir de mettre son doigt dans le trou pour essayer de toucher le bout de fer qui avait manqué la tuer.

Quand la sirène se mettait en marche, sur tous les toits de la ville, il fallait descendre jusqu’à la cave en s’éclairant d’une bougie, jusqu’à la fin de l’alerte. Les premiers temps, Justine avait réussi à traîner son mari, mais désormais il se carrait dans son fauteuil, les mains agrippées aux accoudoirs. « Allez-y si vous voulez, moi je préfère mourir au grand air que d’être enterré comme un rat ! »

On ne mourait pas sous les bombes des Anglais et des Américains. Mais on mourait petit à petit, de ne pas manger, de ne pas respirer, de ne pas être libre, de ne pas rêver. La mer, c’était juste un trait bleu dans le lointain, entre les palmes, par-dessus les toits rouges. Éthel restait des heures à la regarder par la fenêtre de la chambre de ses parents, comme si elle attendait quelque chose. La tour penchée d’une grue sortait entre les toits des hangars, immobile, inutile. Les bateaux avaient coulé à l’entrée du port, plus rien ne pouvait entrer ou sortir. Le phare ne s’allumait plus le soir. Sur les étals du marché, il n’y avait rien, presque plus rien. Les mêmes ombres continuaient d’errer dans les allées, mais à présent les épluchures et les racines moisies se vendaient. Dans les jardins, les chats errants se mangeaient entre eux. Les pigeons avaient disparu, et les pièges que Justine disposait sur la gouttière ne servaient plus qu’à attirer des rats.

Éthel a retrouvé Maude, dans un sous-sol d’immeuble, sur le boulevard de corniche. Six ans qu’elle ne l’avait pas vue, cela lui semblait une éternité, remonter au temps de son adolescence. C’est Justine qui lui a appris où Maude vivait. L’immeuble appartenait à un vieux Russe irascible du nom de Filatief, qui occupait le premier étage et louait le rez-de-chaussée et le sous-sol à de vieux désargentés, élégants et surannés comme lui. Il logeait une personne par chambre, cuisine et salle de bains en commun. C’était spacieux, inconfortable, glacé en hiver, étouffant en été, mais Maude a accueilli Éthel avec cet enjouement un peu forcé qui lui tenait lieu d’affection. Après tout, peut-être qu’elle éprouvait des sentiments pour la fille de l’homme dont elle avait été amoureuse autrefois, du temps où elle était quelqu’un. Elle l’a même embrassée, sitôt qu’elle a ouvert la porte, sans hésitation, comme si elle l’attendait d’un jour à l’autre. Quelque chose qu’Éthel n’avait jamais aimé, d’instinct, simplement pour ne pas être en contact avec cette peau flétrie, dix fois retendue, pour ne pas sentir l’odeur de poudre de riz séchée sur les petites crevasses des rides autour des yeux et de la bouche, ni le toucher un peu collant du rouge à lèvres que Maude — on racontait cette bonne histoire avant la guerre quand on évoquait son éternelle dèche — engraissait au suint pour le faire durer.

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