— Je viens de la part de Maud, ajoute Luc. Maud Reynier…
— Connais pas.
— Grande, les yeux bleus. Très jolie.
Axel esquisse un sourire méprisant.
— Connais pas, j’ai dit.
— Bien sûr que si, tu la connais. C’est une de tes fidèles clientes ! Elle a même pris un abonnement chez toi.
Luc file soudain un violent coup de pied dans la porte et Axel se la prend en pleine tête. Il tombe à la renverse, à moitié assommé, et Luc entre dans l’appartement, refermant derrière lui.
En attendant que le dealer reprenne ses esprits, il fait quelques pas dans le salon.
— C’est beau chez toi ! Vachement classe, dis donc… On dirait que ton sale petit commerce rapporte gros.
Axel se remet debout. Son regard déborde de haine.
— Sors de chez moi, espèce d’enculé !
— Reste poli, Ducon, sinon je te passe par la fenêtre, prévient Luc.
Le dealer recule doucement et saisit quelque chose dans l’entrée.
Un nerf de bœuf.
Luc regarde l’arme avec un sourire désolé.
— Tu comptes faire quoi, avec cette antiquité ?
— T’exploser la gueule !
Tout en poussant un cri Axel fond sur son adversaire. Luc esquive avec une étonnante facilité et saisit le poignet du dealer, le forçant à lâcher son arme. Puis il lui assène un coup de tête qui le projette contre le mur. Il se baisse pour ramasser le nerf de bœuf tandis qu’Axel tombe à genoux.
— Ça fait mal, ce machin, tu crois ? demande Luc avec un sourire terrifiant.
— Putain, mais t’es qui ?
— Je suis le petit ami de la demoiselle et j’en ai marre de la voir se défoncer avec ce que tu lui fourgues à prix d’or…
— Tu dois confondre avec un autre, tente Axel. Je vends pas de drogue, moi…
Il se relève mais n’a pas le temps de faire le moindre mouvement.
— Mauvaise réponse ! dit Luc en lui filant un coup de pied dans le genou.
L’articulation se plie dans le mauvais sens, le dealer pousse un hurlement pathétique.
— Eh ouais, le genou, ça fait mal. Je sais, mon vieux… Alors, je disais donc que j’en ai marre de voir ma gonzesse se détruire avec ta saloperie d’héroïne…
— Merde, mais t’es malade ! gémit Axel en tenant son genou cassé.
Il respire comme un poisson qu’on vient de sortir de l’eau et Luc s’abaisse à sa hauteur.
— C’est possible. Mais je me soigne, tu sais. Ça fait des années que je prends des tas de médocs… Ceci dit, je crois qu’ils ne sont pas très efficaces.
— Tu sais pas qui je suis, connard ! Tu vas le regretter…
— Oh si, je sais qui tu es !
D’un coup de poing, Luc lui brise le nez. Axel prend sa tête entre ses mains, se met à pleurer à chaudes larmes.
— Allons, mon vieux, un peu de retenue ! s’amuse Luc. Les mecs, les vrais, ça chiale pas…
— Putain ! gémit Axel.
— Si encore tu vendais cette merde pour te payer ta dose… Mais non, toi tu n’y touches pas, hein, connard ? Tu te contentes de fourguer la mort à cette pauvre fille et à beaucoup d’autres… et je parie que tu roules dans une belle caisse et que tu fais la fête toutes les nuits, pas vrai ?
Le dealer a les mains écarlates. Son nez n’arrête plus de pisser le sang. Il arrive tout de même à se remettre debout en s’aidant du mur. Il se tient sur une jambe, ne pouvant plus poser l’autre par terre.
— Qu’est-ce que tu veux ? parvient-il à dire d’une voix déformée.
— Tu le sais très bien…
— Mais non, je sais pas !
Luc lui assène une droite dans l’estomac, Axel se plie en deux et bave sur son tee-shirt.
— Encore une mauvaise réponse, se désole Luc.
— Arrête, c’est bon… Je lui vendrai plus rien !
Luc sourit.
— Elle n’est pas au courant que je suis là, alors si jamais elle revient avec du blé plein les poches, qu’est-ce que tu fais ?
— Je lui vendrai plus rien, j’t’ai dit ! hurle le dealer. Je lui dirai de se tirer !
— Parfait… Je crois qu’on s’est enfin compris, tous les deux. Une dernière chose : elle est où, la dope ?
Axel écarquille les yeux.
— Je te laisse dix secondes pour me le dire, ajoute Luc en dégainant son arme.
Il colle le canon du Glock sous la gorge d’Axel.
— Tu sais compter jusqu’à dix, espèce de fumier ? Alors, compte avec moi… Dix, neuf, huit…
— Tu es fou ! Cette came est pas à moi !
— Sept, six, cinq…
— Arrête, merde !
— Quatre, trois, deux…
— Dans la chambre du fond ! hurle Axel.
— Après toi, indique Luc en le menaçant du pistolet.
Dans un effort surhumain, le dealer parvient à se traîner le long du couloir jusque dans une chambre inoccupée où sont entassés meubles et tableaux. Il récupère un paquet de drogue planqué derrière une armoire et le tend à Luc.
— C’est tout ?
— Évidemment que c’est tout ! Je ne garde pas de poudre ici, pauvre con ! Les clients m’appellent, on prend rendez-vous et je me fais livrer avant qu’ils arrivent… Ça, c’est juste en cas d’urgence.
Il continue à saigner abondamment du nez et sa jambe blessée se met à trembler. Il est sur le point de s’évanouir. Pourtant, Luc n’a aucune pitié. Au fond de lui germe un tout autre sentiment. Quelque chose qu’il connaît par cœur.
Sauf que cette fois, ce n’est pas un sac de sable qu’il a en face de lui.
Ni un mannequin de bois.
Seulement un homme.
Il le fixe un instant au fond des yeux puis lui file un violent coup de crosse en pleine tête. Le dealer s’écroule une nouvelle fois entre la chambre et le couloir. À l’aide de ses dents, Luc ouvre le petit paquet d’héroïne et force Axel à desserrer les mâchoires.
— Non !
— Ouvre la bouche, connard ! Goûte-moi ça, paraît que c’est de la bonne !
Axel avale une partie du sachet et Luc l’empêche de recracher en plaquant sa main sur ses lèvres. Les yeux du dealer se révulsent, il est en train d’étouffer.
— Alors, elle est bonne ? hurle Luc. J’espère que t’aimes ça !
Les jambes et les bras d’Axel battent désespérément le sol et Luc finit par le laisser respirer. Secoué par une violente quinte de toux, le dealer recrache un mélange de salive et de drogue.
Luc le saisit encore par les cheveux et lui parle d’une voix redevenue étrangement calme.
— Écoute-moi bien, salopard : si jamais tu t’approches de Maud, si jamais tu lui fais le moindre mal, je te retrouverai et je t’achèverai. Compris ?
— Oui ! gémit Axel. Oui…
Luc se relève enfin et range son arme dans le holster. Puis il quitte l’appartement. Oubliant l’ascenseur, il s’engage dans l’escalier. Mais au bout d’un étage, il est contraint de s’arrêter. Il a la tête qui tourne et une fulgurante nausée lui retourne l’estomac.
Il s’accroche à la rampe et tente de retrouver une respiration normale. La douleur l’assaillant de toutes parts, il s’assoit sur une marche, y reste pendant quelques minutes.
Quand il rejoint enfin la voiture, Maud reste sidérée un instant.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demande-t-elle.
— Rien. On est tombés d’accord.
— Mais… tu es tout pâle !
— C’est rien, dit-il.
— Il t’a frappé ?
— Non.
— Dis-moi ce qui s’est passé, merde !
Luc se retourne brusquement vers elle. Son regard est terrifiant.
— Il n’y a rien à raconter, tranche-t-il. Il a compris le message, point barre.
Reynier s’assoit derrière son bureau et décroche le téléphone.
Il ne veut parler à personne.
Son cœur ne parvient toujours pas à retrouver un rythme normal.
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