Karine Giébel - Juste une ombre

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Juste une ombre: краткое содержание, описание и аннотация

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Tu te croyais forte. Invincible. Installée sur ton piédestal, tu imaginais pouvoir régenter le monde.
Tu manipules ? Tu deviendras une proie.
Tu domines ? Tu deviendras une esclave.
Tu mènes une vie normale, banale, plutôt enviable. Tu as su t’imposer dans ce monde, y trouver ta place.
Et puis un jour…
Un jour, tu te retournes et tu vois une ombre derrière toi.
À partir de ce jour-là, elle te poursuit. Sans relâche.
Juste une ombre.
Sans visage, sans nom, sans mobile déclaré.
On te suit dans la rue, on ouvre ton courrier, on ferme tes fenêtres.
On t’observe jusque dans les moments les plus intimes.
Les flics te conseillent d’aller consulter un psychiatre. Tes amis s’écartent de toi.
Personne ne te comprend, personne ne peut t’aider. Tu es seule.
Et l’ombre est toujours là. Dans ta vie, dans ton dos.
Ou seulement dans ta tête ?
Le temps que tu comprennes, il sera peut-être trop tard…
Tu commandes ? Apprends l’obéissance.
Tu méprises ? Apprends le respect.
Tu veux vivre ? Meurs en silence…
Karine Giébel a reçu le Prix Marseillais du Polar en 2005 pour
, son premier roman ; le prix Intramuros, le prix Polar SNCF et le prix Derrière les murs pour
.
Meurtres pour rédemption Ses livres sont traduits dans plusieurs pays, et, pour certains, en cours d’adaptation audiovisuelle.
Juste une ombre

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Pourtant, c’est bien là qu’elle vit. Chaque jour.

Cloé songe à sa spacieuse et coquette maison, son cœur déraille encore.

Je suis une salope. Une égoïste. Je ne suis rien. Je peux mentir à longueur de temps. À tout le monde, et même à moi. Mais la vérité, c’est que je ne suis rien !

— On va se promener, ma chérie !

Cloé évite de passer devant le bureau des infirmières, se dirige vers les monte-charges situés au bout du couloir. Ascenseurs réservés au personnel .

Aujourd’hui, ils sont réservés à Lisa et sa grande sœur.

Elles traversent le hall d’entrée et arrivent enfin dans le parc, où Cloé savoure pleinement l’air pur et frais. Un régal. Aujourd’hui, le soleil brille pour elles.

— Ça fait du bien d’être dehors, non ?

Elles croisent le chemin d’autres humains éternellement assis, empruntent les petites allées goudronnées qui sillonnent entre les grands arbres. Des chants d’oiseaux leur souhaitent la bienvenue ; est-ce que Lisa les entend ?

Bien sûr qu’elle les entend. Elle voit tout, entend tout.

C’est juste qu’elle ne peut pas réagir. Qu’elle ne peut plus. Prisonnière d’un sarcophage.

Ainsi, elles continuent longtemps à avancer, sans savoir où elles vont. Si seulement elles pouvaient retourner dans le passé. Trouver le chemin secret qui les ramènerait vingt-six ans en arrière, précisément. Quelques secondes avant que…

Elles longent un petit bassin envahi de mousse où flottent trois ou quatre nénuphars décatis. Cloé s’assoit sur un banc, plaçant le fauteuil de Lisa juste à côté d’elle.

— Ça te plaît ici ? C’est sympa, non ? Et il fait meilleur que dans ta chambre.

Cloé tourne la tête, plongeant son regard dans l’eau verdâtre qui ondule légèrement sous l’effet d’une petite brise opportune.

— Tu sais, je suis venue passer quelques jours chez papa et maman. J’avais besoin de retrouver un peu de calme… Besoin de retrouver mes racines, peut-être !

Cloé rigole doucement, sa gorge se serre. Besoin d’affronter la réalité, sans doute. Celle que je m’évertue à occulter chaque jour. Depuis vingt-six longues années.

— En fait, je me suis enfuie de chez moi. Si tu savais ce que j’ai vécu, ces derniers temps… Je… Quelqu’un me veut du mal. Ça a commencé par un type qui m’a suivie dans la rue et puis…

Et puis, Cloé n’arrête plus de parler. Comme c’est facile de se confier à quelqu’un incapable de vous répondre. D’avouer ses peurs à quelqu’un qui ne peut vous juger.

Cloé pose sa main sur la jambe de Lisa, mais ne parvient pas à la regarder. À affronter cette absence dont elle est responsable.

— Je ne sais pas si je deviens folle ou… ou si vraiment quelqu’un cherche à me rendre cinglée ! Je suis morte de trouille, Lisa.

Elle sent les larmes affluer, les essuie du revers de la main. Puis enfin, elle tourne la tête vers Lisa. Cette fois, Cloé ne rêve pas : sa sœur la dévisage avec ses grands yeux noisette. Son regard ne passe pas simplement là par hasard : il lui est destiné, elle en est certaine.

Et l’émotion est intense. À en perdre le souffle.

— Lisa ?

Elle ne s’enfuit toujours pas, continuant à la fixer du fin fond de sa solitude, comme si soudain la vie revenait à la surface. Cloé attrape sa main, la pose contre son cœur.

— Tu me reconnais ? C’est moi, Cloé ! Fais-moi un signe, je t’en prie !

Mais la vie s’efface. Doucement, le vide reprend ses droits.

— Lisa ?… Lisa !…

Trop tard, elle s’est à nouveau retranchée dans sa forteresse. Là où personne ne peut la suivre. Cloé embrasse sa main, la garde dans la sienne de longues minutes.

Puis, elles reprennent lentement le chemin du centre.

Cloé n’a pas pu se tromper : Lisa est revenue un court instant. Lisa l’a écoutée, entendue.

C’est incroyable comme ça lui a fait du bien.

Elles remontent dans la chambre où l’odeur s’est quelque peu dissipée. Cloé allonge Lisa sur le lit ; mais peut-être préférerait-elle le fauteuil ? Comment savoir ?

Enfin, elle l’embrasse sur le front, caresse son visage.

— Je reviendrai, murmure-t-elle. Je te le promets… Bientôt.

À nouveau, leurs regards se télescopent un court instant. Et Cloé comprend que sa sœur est heureuse de la voir.

Alors qu’elle devrait la maudire. La haïr.

Elle la serre dans ses bras, un long moment, lui murmure quelques mots à l’oreille.

Puis Cloé quitte la chambre, entre soulagement et sentiment d’abandon. Mais avant de partir, il lui reste quelque chose à régler.

Elle s’arrête devant le bureau où les infirmières sont toujours en grande discussion.

— Je peux vous parler ?

— Qu’est-ce qu’il y a, madame ?

— Je viens d’aller voir ma sœur et je voulais vous dire que c’est inadmissible ! Il y avait une odeur pestilentielle et il faisait au moins 30 degrés !

— Et alors ? C’est pas notre faute si le chauffage est mal réglé, non ?

— Ah oui ? Et vous avez remarqué qu’il y a une fenêtre dans cette chambre ? Ça vous fatiguerait de l’ouvrir de temps en temps ? C’est pas bien compliqué pourtant. Ça doit être dans vos cordes !

Le visage de l’infirmière se durcit encore. Elle se plante face à Cloé, les mains sur les hanches, un air vindicatif au fond des yeux.

— C’est tout, madame ?

— Non, ce n’est pas tout ! s’écrie Cloé. Tout est sale dans cette chambre, c’est une véritable infection ! Et Lisa, il a fallu que je lui fasse prendre une douche !

— Et alors ? C’est ma faute si elle se pisse dessus ?

Cloé a une furieuse envie de la gifler.

Et alors ? C’est ma faute si j’ai envie de te coller une baffe ?

— À quoi vous servez ? assène-t-elle. Vous n’avez pas honte de la laisser dans cet état ?

— Vous comptez nous apprendre notre métier ? La douche, c’est trois fois par semaine. Le ménage, c’est le matin. Vous êtes pas venue au bon moment. Faut dire que vous venez pas souvent !

Les coups en dessous de la ceinture, maintenant.

— En quoi ça vous regarde ? hurle Cloé. Et tous ces bleus qu’elle a sur le corps ? C’est vous, n’est-ce pas ? Je suis sûre que vous la maltraitez !

— Surveillez vos paroles ! s’offusque la blouse blanche. Elle a des problèmes de circulation du sang. Normal quand on ne bouge jamais !

— Vous me prenez pour une imbécile ? Croyez-moi, ça ne va pas se passer comme ça. Où est le directeur de ce taudis ?

— La directrice n’est pas là aujourd’hui, madame. Si vous voulez la voir, il faut prendre rendez-vous.

— J’ai pas besoin de rendez-vous. J’exige de la voir maintenant !

— Vous n’avez rien à exiger ! Et si vous n’arrêtez pas votre scandale, j’appelle la police !

— Très bien. Puisque vous le prenez sur ce ton, je reviendrai voir votre directrice demain. Et vous regretterez d’avoir fait ma connaissance.

L’infirmière lui claque la porte au nez et Cloé reste un instant immobile face à ce mur de verre, la colère à fleur de peau.

Elle se décide à prendre le chemin de la sortie et, en passant devant une chambre dont la porte est ouverte, elle aperçoit furtivement une vieille dame attachée sur son lit, entièrement nue. Et qui appelle au secours d’une voix monocorde.

Cloé prend la fuite, dévale les escaliers et traverse le hall quasiment en courant. Elle grimpe dans la voiture mais ne démarre pas. Des yeux, elle cherche la fenêtre de la chambre de Lisa.

Les larmes l’aveuglent, elle ne voit plus rien.

Si, une petite fille de 8 ans qui sourit, qui rit, qui croque la vie à pleines dents.

Une petite fille de 8 ans qui a l’avenir devant elle.

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