Karine Giébel - Meurtres pour rédemption

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Meurtres pour rédemption: краткое содержание, описание и аннотация

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Vingt ans. Le bel âge ?
Pas pour Marianne. En prison. Pour perpète. Pour meurtres.
« Ils ne m'ont laissé aucune chance (…) Mais j'existe encore (…) Ça leur ferait trop plaisir que je cesse le combat… Je ne leur ferai pas cette joie (…) » Alors, nourrir la haine, l'instinct de survie, même si l'on ne désire qu'aimer, être aimée ; pour lutter malgré tout, contre les coups, les brimades, l'ignoble.
La liberté. Inaccessible. Sauf à se laisser bercer par le chant des trains, pas si loin, là, derrière les barreaux, à se laisser emporter dans leur sillage.
Jusqu'au jour où… En taule, même l'inimaginable peut surgir.
Une porte s'ouvre…
« La liberté, Marianne,tu dois en rêver chaque jour, chaque minute, non ? » Mais le prix à payer pour transformer ce rêve en réalité est terrifiant.
Marianne ira-t-elle jusqu'au bout ? Jusqu'au bout de cette voie de sang ? Mais, peut-être, aussi, de rédemption ?…

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Enfin, tout était prêt.

Cette nuit, elle ne dormirait peut-être pas. Écouterait la pluie. Et les trains, aussi. Elle demeura quelques instants sur le balcon. Entre les nuages épais, quelques étoiles scintillaient. Pour elle, sans doute. Elle tira la baie vitrée, regagna la pénombre de sa chambre.

Elle devina alors la silhouette, près de la porte. Son cœur s’emballa, un peu.

— Bonsoir, Marianne.

— Tu ne respectes pas les règles du jeu, Franck.

— Non, jamais…

Ils étaient chacun d’un côté de la pièce. Elle, dos à la fenêtre. Lui, dos à la porte.

Un doux frisson la parcourut de la tête aux pieds. Il était venu. Ici, à l’auberge. Il avait compris.

— J’étais à la gare, tout à l’heure, dit-elle.

— Moi aussi… Hier soir aussi… J’y étais chaque soir.

Elle s’approcha. Il ne bougeait pas.

— Je pars demain matin, Franck.

— Non, Marianne… Tu ne pars pas.

Elle avança encore un peu. Plus qu’un mètre pour les séparer. Leurs yeux s’habituaient à l’obscurité. Ils se voyaient, comme en plein jour. À lui de faire un pas, maintenant.

— Je n’ai pas pu, avoua Franck. Tu m’as rendu la tâche encore plus dure, Marianne…

— Demain, tu n’auras pas le choix…

Elle entendit sa respiration changer. Comprit qu’il pleurait. Lui qui ne pleurait jamais, avant. Ils étaient si proches, maintenant ; ils auraient pu se toucher.

— Pourquoi, Marianne ? Pourquoi tu ne t’es pas enfuie ?

Elle posa un doigt sur sa bouche.

— Chut, ne dis rien… Écoute juste la pluie… Il n’y a rien de plus beau…

— Marianne… Tu… tu te souviens, un jour tu m’as dit… que j’allais apprendre à te connaître. À te connaître vraiment…

— Je m’en souviens, Franck.

— Moi, je t’ai répondu que je n’aurai pas le temps et que… c’était mieux ainsi parce que… tu ne gagnais pas à être connue. Je veux que tu saches que…

Il l’enlaça enfin, l’étreignit avec force.

— J’ai aimé te connaître, Marianne…

Un crépuscule de rêve.

Mardi 26 juillet — 9 h 30

Marianne composta son billet puis se dirigea vers le quai numéro un. Des années qu’elle rêvait d’accomplir ce simple geste. Partir en voyage.

Elle se posa sur le banc, devenu son banc. Alluma une cigarette.

La voix de VM. Tu connais pas la tradition, Marianne ? La cigarette du condamné

Puis elle ferma les yeux sur les images de la nuit. Cette douce musique de pluie. Ses bras qui ne l’avaient pas lâchée. Cette nuit, où il ne l’avait pas laissée seule. Où il avait été là, rien que pour elle.

Il avait tellement changé. Plus de gestes cruels, ou brutaux.

Il lui avait tout donné. Tout ce qu’il avait. Tout ce qui lui restait.

Franck abandonna sa voiture devant la gare. Ses yeux étaient encore rougis par les larmes. Il avait tant pleuré, ce matin. Tandis qu’elle prenait son petit-déjeuner. Là, tout près de son assassin. Lui, assis sur le lit, incapable de manger, incapable de respirer.

Puis elle s’était habillée, au sortir de la douche. Tout en lui souriant. Comment y arrivait-elle ? Alors que lui la regardait se préparer… Que chacun de ses mouvements enfonçait une lame dans sa poitrine. Jusqu’à ce qu’elle s’approche, se serre contre lui. Lui murmure des mots à l’oreille.

Chut… Ne pleure pas Franck, je t’en prie… Ne pleure pas… Ne sois même pas triste

Je vais t’expliquer, Franck… Je vais tout te dire

Il traversa la petite salle. Il ne pleurait plus, maintenant. Il lui avait promis ; plus de larmes. Promis qu’il ne faiblirait pas. Il allait tenir parole.

Une voix annonça le TGV pour M. Le sud, le soleil, la mer. Tout ce qu’elle ne connaîtrait jamais.

Puis la voix de Marianne, dans sa tête. Empreinte rouge, indélébile. Des mots entendus une fois, retenus par cœur, pour toujours.

Je vais tout te dire… Franck, ce n’est pas grave… Tu ne vas pas me tuer ; tu vas me sauver… Pour la première fois de ma vie, je n’ai plus peur… Parce que j’ai toujours eu peur, tu sais… toujours. Mais là, c’est terminé… Je ne me suis jamais sentie aussi bien

C’est comme une sorte de paix intérieure… Ils appellent ça la sérénité, je crois. Longtemps, j’ai voulu la liberté… J’en rêvais, chaque jour, chaque nuit

Franck s’arrêta à la porte. Devant le quai numéro un.

Il contemplait Marianne, de dos.

Assise sous l’abri vitré, en train de fumer sa cigarette.

Si loin de la mort. Elle était si belle.

Non, j’ai juré. Quand elle se retournera, je ne pleurerai pas. Je lui offrirai même un sourire.

J’en rêvais, chaque jour, chaque nuit

Après, j’ai cru que la liberté, ça n’existait pas dans ce monde… Tu me promettais une nouvelle vie, mais j’avais peur… de tout… Même de cette fameuse liberté… Et puis j’ai compris, enfin

Je ne serai jamais libre nulle part. Il y aura toujours ces chaînes autour de moi, autour de mon cou… Celles qui m’étranglent… Perpétuité, c’est pour toujours

La liberté, elle est à l’intérieur de toi… Là, dans ta tête… Pas besoin d’aller loin pour la trouver… J’ai compris cela le soir où je me suis enfuie

Ils me poursuivront toujours. Partout. Leurs visages, leurs cris, leur souffrance. Et la mienne… J’ai fait tant de mal, Franck. J’ai commis tellement d’horreurs, j’en ai subi tellement

Et puis Daniel me manque, il me manquera toujours. Jamais je n’arriverai à vivre sans lui… Vivre sans lui, ce n’est pas la liberté, c’est l’enfermement dans la douleur, une nouvelle perpétuité

Alors, je veux la sauver, cette petite fille… Elle qui doit être terrorisée quelque part, loin de son père… Elle a tant de chance d’en avoir un. Elle a une vie devant elle. Alors que moi, je n’en ai plus. Ma vie, elle est restée là-bas… accrochée aux barbelés… Elle a été enterrée, en même temps que ceux que j’ai assassinés

En même temps que Daniel, aussi… Ma vie, elle est déjà derrière moi… Déjà finie .

La sauver, c’est ce que j’attendais depuis longtemps… Depuis toujours… La sauver, c’est faire enfin quelque chose de beau avec ma vie… C’est lui donner un sens .

C’est la rédemption, Franck. Un mot que j’aime bien, tu vois ! La délivrance, si tu préfères

Tu leur diras que j’ai choisi de mourir pour elle, qu’ils le sachent, qu’ils s’en souviennent… que je ne suis pas aussi lâche qu’eux .

Franck ferma les yeux une demi-seconde. Quand il les rouvrit, Marianne jeta sa cigarette par terre.

Le signal.

Il sentit une main sur son épaule. Ils étaient venus, bien sûr.

Une voix s’abattit sur leurs têtes. Le TGV, en gare dans deux minutes.

Franck rassura ses amis. Eux qui semblaient la proie d’un désespoir sans limite.

— Elle nous attend, dit-il simplement. Elle a besoin de nous…

Il fit quelques pas en avant. Marianne se leva, se retourna. Elle leur adressa un sourire, un vrai. Les regarda, chacun leur tour. Franck ne pleurait pas. Il lui souriait, aussi. Elle fixa les émeraudes qui étincelaient au soleil. Deux pierres si précieuses.

Puis elle se tourna à nouveau vers les rails. Au loin, le train.

Un soupçon de peur dans son ventre. Juste un soupçon. Celui qui vous prend, quand l’inconnu s’ouvre à vos pieds.

Franck dégaina son arme.

— Police !

Elle se retourna, encore. Quelques cris, dans la foule. Elle écarta le pan droit de sa chemise.

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