Il hésite mais n’obtempère pas ; une petite supplique ne lui est pas désagréable à entendre. Il est d’humeur joueuse ce matin. Envie de se divertir un peu.
Encore tant d’heures à tuer avant de prendre enfin le large…
Il souhaite que cette parenthèse prenne fin, mais réalise que cette femme va lui manquer. Qu’il aimerait passer cette dernière journée dans cette chambre. Près d’elle. Le plus curieux, c’est qu’en partant il n’a pas la sensation de la libérer d’un calvaire, mais plutôt de l’abandonner.
À quoi ? Ça, il l’ignore.
Il fait descendre la couverture, Sandra frissonne de plus belle.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Du calme, murmure Raphaël. Je me demandais un truc…
Il a relégué la couverture en laine au pied du lit, posé une main sur sa jambe.
— Qu’est-ce que tu lui trouves à ce type ?
Sandra ferme les yeux. Elle, n’a pas du tout envie de jouer.
— Ça ne te regarde pas !
— Exact. Mais tu n’es pas en position de me refuser quoi que ce soit. À moins que tu veuilles passer ta journée ligotée à ce plumard ! À toi de choisir.
— Va te faire foutre ! marmonne Sandra entre ses dents.
— Je préfère quand tu me dis merci ! sourit Raphaël. C’est beaucoup plus agréable à entendre…
Sa main remonte lentement et se bloque entre les cuisses de la jeune femme qui pousse une sorte de petit cri avant de se figer totalement.
Les politesses sont terminées, il est temps de reprendre leurs joutes, qui oscillent entre attraction et répulsion.
— En tout cas, il n’a pas l’air de tenir beaucoup à toi.
— Qu’est-ce que tu en sais ?
— Ça se voit, ça se sent…
— Tu ne sais rien ! Ni sur moi, ni sur lui ! Et enlève ta main…
— Réponds à ma question et on verra.
Il déboutonne un à un les boutons du jean, Sandra essaie de le repousser avec ses jambes. Il la bloque sur le lit, continue à la torturer. En douceur.
Ses doigts se sont insinués à l’intérieur du pantalon, Sandra a du mal à respirer. Mais elle essaie de se contrôler.
— Alors, qu’est-ce que tu trouves à ce minus ?
— Me touche pas, fumier !
— Cette nuit, tu voulais exactement le contraire… C’est parce que ton mec est de retour au bercail que tu as changé d’avis ?
Raphaël semble bien s’amuser. Et surtout, il veut savoir. Comprendre.
— Il vient de m’autoriser à me servir. À mes risques et périls, certes, mais j’ai son assentiment…
Sandra le fixe sans comprendre. Elle a de plus en plus de mal à maîtriser sa respiration et ses nerfs.
— Il y a deux minutes, je lui ai dit que j’avais envie de toi, explique Raphaël. Et figure-toi qu’il m’a dit de ne pas me priver. Tu le crois, ça ?
— Salaud !
— Lui ou moi ?
— Enlève ta main ou je hurle !
— Et après ? Vas-y, hurle autant que tu veux ! Ce n’est pas ton héros qui viendra à ta rescousse. Même s’il était libre de ses mouvements, il ne lèverait pas le petit doigt pour toi !
— Qu’est-ce que tu veux ? gémit Sandra.
— Que tu répondes à ma question.
Elle ferme à nouveau les yeux, essaie encore de bouger ses jambes. Mais Raphaël pèse de tout son poids dessus.
— Il me comprend…
— C’est tout ?! Voilà une belle histoire d’amour, vachement émouvante et romantique ! N’empêche que je ne vois toujours pas ce que tu peux aimer chez ce type qui a l’âge d’être ton père… Je suis mieux que lui, non ?
— Tu ne lui arrives pas à la cheville ! rugit Sandra. Tu me donnes envie de vomir !
— Oh… Doucement ma belle !… C’est ton esclave, c’est ça ? Tu le mènes par le bout du nez ? Ou par le bout de la queue, peut-être… Non, ça ne colle pas. Parce que apparemment, tu as peur de lui.
Raphaël se fait plus persuasif, il est entré en terrain interdit. Sandra pousse un hurlement.
— Ça ne te plaît pas ?
— Arrête ! Arrête, je t’en prie !
— Je suis sûr que t’aimes ça…
— Arrête ! Par pitié !
La peur panique lui coupe la respiration, elle commence à s’étouffer. Elle ne contrôle plus rien. Raphaël enlève sa main, elle éclate en sanglots. Ses poumons font le bruit d’une loco à charbon poussée à plein régime.
— Eh ! Du calme, doc… Qu’est-ce qui te prend ? demande Raphaël avec un sourire moqueur.
Ça empire. Il comprend qu’elle souffre vraiment, comme s’il venait de la brûler au troisième degré. Alors il libère ses jambes, puis ses poignets. Elle se recroqueville sur elle-même, va jusqu’à se mordre les doigts.
— Pourquoi tu te mets dans cet état ?
Elle se noie dans ses larmes, continue à se bouffer les doigts en silence.
— T’es vraiment bizarre comme nana…
Elle saute brusquement du lit, se précipite vers la porte. Raphaël l’attrape par une manche, mais elle lui glisse entre les mains. Il se jette à sa poursuite, la retrouve dans le salon, accrochée à son mari comme à une bouée de sauvetage. Elle est à genoux devant lui, les bras autour de son cou, le front posé sur son épaule.
Raphaël se plante devant ce couple étrange, bras croisés. Vexé d’avoir été éconduit de la sorte.
— T’as fini ton cinoche ?
— Visiblement, elle n’a pas voulu de vous dans ses draps ! raille Patrick avec un ignoble sourire.
— Toi, ta gueule ! ordonne Raphaël en saisissant Sandra sous les aisselles.
— Lâche-moi, pauvre con !
Il la soulève du sol, la plaque contre la table.
— Tu me parles autrement !
Elle redevient hystérique, essaie même de le frapper. Il la tient par les poignets, la secoue brutalement. Elle lui crache à la figure, il a envie de lui coller une beigne. Mais se retient.
— Tu te calmes ou je démolis la gueule de ton cher mari ?
Elle cesse immédiatement de gesticuler. Il a trouvé une menace visiblement efficace.
— T’attends quoi pour nous préparer du café ? aboie-t-il.
— Je vais y aller, murmure la jeune femme.
— Il faudra aussi que tu refasses les pansements de mon frère. Et le mien, par la même occasion.
— D’accord. D’accord… Excuse-moi, je sais pas ce qui m’a pris…
Il la libère, elle se sauve vers la cuisine alors que Patrick sourit toujours de cette façon si particulière.
Abjecte.
*
Le petit déjeuner terminé, Raphaël fume sa clope, attablé en face de son frère. Tandis que Sandra finit sagement la vaisselle.
— Prépare-moi une tasse de café et quelque chose à manger pour Christel, ordonne-t-il.
Sandra attrape un plateau posé en haut du frigo.
— Tu pourrais peut-être détacher Patrick, dit-elle soudain. Il doit avoir faim, lui aussi.
— Je m’en branle, rétorque sèchement Raphaël.
Sandra réfléchit un instant, cherchant les mots pour le décider. Mais c’est William qui vient finalement à son secours.
— Allez, Raph… Détache-le, ce pauvre type !
Son frère lève sur lui un regard glaçant.
— Je te rappelle que ce pauvre type est gendarme. T’as déjà oublié ?
— Il n’a pas l’air bien dangereux, raille William. Il a même l’air carrément inoffensif !
— Qu’est-ce que ça peut te foutre qu’il reste attaché ?
— Pauvre vieux, il me fait un peu pitié je dois dire.
— Pitié ? File-moi un Kleenex, j’vais pleurer, bougonne Raphaël.
Sandra lui balance un rouleau d’essuie-tout.
— Tiens ! Mais ça m’étonnerait que tu pleures sur quoi ou qui que ce soit. Parce que pour pleurer, faut avoir un reste d’humanité en soi. Mais peut-être que tu ne le détaches pas parce que tu as tout simplement peur de lui !
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