Frédéric Dard - Un éléphant, ça trompe

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Un éléphant, ça trompe: краткое содержание, описание и аннотация

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Rappelez-vous bien ce que je vais vous dire, les gars : si Béru ne m'avait pas demandé d'assister à la distribution des prix de Marie-Marie, votre descendance allait se trouver drôlement compromise.
Car une bande d'olibrius britanniques s'occupait déjà sérieusement de vos hormones, mes chéries ! Heureusement que le Gros est à la hauteur des situations les plus périlleuses comme les plus scabreuses !
Seulement, le problème, avec lui, c'est qu'il croit parler anglais.
Enfin, grâce à des gestes éloquents, il s'en tire tout de même.
Surtout avec les Anglaises !

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Des appels gutturaux retentissent. Durant plus d’une heure la sarabande des torches se propage dans la campagne. Enfin le rassemblement s’effectue. Une période de silence succède aux battues. À nouveau des portières claquent, des moteurs ronflent, La caravane d’autos s’éloigne.

— Ohé, fiston, fait Sam Gratt, vous n’avez pas des crampes, vous ?

— Taisez-vous ! intimé-je sourdement, ils ont peut-être laissé une permanence…

Un nouveau quart de plombe passe. L’odeur de suint des moutons commence à me filer mal au crâne. M’est avis que la nuit nous a beaucoup aidés à tromper les roussins…

— San-Tonio ! Vous pouvez radiner !

La gentille voix de Miss Tresse éclate à nos oreilles, plus mélodieuse que toutes les trompettes des archanges.

— Allons-y, mister Sam ! dis-je à mon compagnon de misère.

Nous nous relevons en geignant.

— Par tous les démons de l’enfer, mes os craquent comme la mâture d’un vieux rafiot ! déclare le chemineau.

Nous claudiquons jusqu’à la maison.

J’y trouve une Marie-Marie aux yeux pleins de larmes.

— Qu’est-ce que tu as, mon chou ?

— Ils ont embarqué m’n’onc’, me dit-elle. Ah ! les vaches, si tu les aurais vu, San-Tonio : des brutes ! Plus ils trouvaient rien, plus ils mécontentaient. Ils ont relevé les empreintes de l’auto…

— Malédiction, fais-je !

— … reusement, je les avais essuyées avant qu’ils arrivent ! continue la gamine.

Je la stoppe.

— Tu as pensé à ça, toi ?

— Ben ouais.

— Toute seule ?

— Tu te figures pas que c’est ma pauvre gonfle de tonton qu’aurait z’eu c’t’idée.

Elle secoue la tête.

— Y’en avait qu’un qui causait français. Pas très bien d’ailleurs. Il faisait que dire à m’n’onc’ que son tailleur était riche, et il répétait en gueulant comme un centaure ! « Voulez-vous coucher avec moi ce soir, mademoiselle, je ne connais pas Paris. C’est un très jolie ville. J’aime très beaucoup la tour Eiffel. » Complètement déplafonné, ce gus, ou alors il voulait faire croire aux autres qu’il parlait not’ langue. ».

— Et ensuite ?

— Ben, t’as vu, ils ont dragué partout dans la maison et à l’estérieur, sans rien trouver. À la fin, ils ont ordonné à m’n’onc de les suivre.

— Ils lui ont mis les menottes ?

— Non.

Je réfléchis.

— Ils l’ont emmené pour enregistrer sa déposition.

— Tu crois ?

— Probablement. On ne peut rien prouver contre lui, mens-je. Mais je me dis in petto que si les poulardins sont venus ici, c’est parce qu’ils savent que je me suis servi de l’auto louée par Béru.

Une nouvelle lueur zigzague dans le sentier.

— Vingt-deux, les revoilà ! m’exclamé-je.

La gamine file sa pipe à l’extérieur.

— Non, ça c’est Honnissoy qui rentre de son travail à vélomoteur.

Tiens, voilà qui m’intéresse. Car, tandis que je bêlais parmi les ovidés j’ai préparé un petit plan d’action, le rôle de fugitif ne me seyant pas mieux que celui de prisonnier.

San-A., mes polissonnes, c’est avant tout un baroudeur.

Alors il va barouder.

Aimable jeune fille au demeurant que cette miss Honnissoy. Un peu copieuse, convenons-en, puisqu’aussi bien on pourrait confectionner trois personnes normales en taillant dans son académie. Sur son vélomoteur, elle ressemble quelque peu à un hippopotame femelle déguisé en girouette ; pourtant on voit au rayonnement de ses bajoues, à l’éclat de ses grands yeux glauques, à la violette peinte sur sa bouche en forme d’anus que l’amour vient de labourer ses sens. Regardons la réalité en face (ce qui n’est guère difficile en l’occurrence, la jouvencelle faisant cent soixante de large) : Bérurier, l’intrépide, l’a révélée. Avant la venue du glorieux, elle végétait dans ses ternes besognes subalternes, ne connaissant en fait d’évasion que l’harmonium de m’sieur le pasteur. Entre sa vieille maman en mal de caveau et les armures de l’hostellerie de « la Licorne d’abondance et de la livre dévaluée », Honnissoy menait une vie végétative, une vie embryonnaire, une vie d’infusoire.

Désormais, grâce à Dieu (et un petit peu à Alexandre-Benoît) la chère fille connaît l’extase et ses limites. Elle a percé le grand mystère animal. Elle est initiée à la sublimation des instincts. Le Gravos a fécondé un être nouveau dont l’épanouissement appartient aux phénomènes de la nature. Il a su trouver dans ces dédales de viandasse la corde du trou du luth et percuter de son marteau magique les délicates plaques du vibraphone secret. Qu’il en soit remercié, le chérubin rose. Sa hardiesse, ses efforts et sa technique ont porté leur fruit. Dorénavant, la gente Honnissoy n’est pucelle que vous croyez. Elle se désempale du vélomoteur et s’avance vers le seuil de l’ancestrale demeure. Marie-Marie se jette dans ses bras pour la bisouille d’accueil.

— Où qu’est mon Jules ? demande la femme de chambre (et particulièrement de celle de Gros).

Car, depuis quarante-huit plombes, elle s’est mise au français de bas en haut et sous la braguette de Béru a fait, du nord au sud de sa personne, des progrès spectaculaires.

— Les matuches viennent de l’alpaguer ! soupire ma minuscule collaboratrice.

— Ah ! les tantes ! fait Honnissoy.

Elle m’avise et ses grosses joues montgolfieuses tremblotent d’émotion.

— Ça y est, vous avez pu décambuter, Mec ? me demande-t-elle.

— Vous parlez donc français ! m’ébahis-je.

— Je avais studié juste un petit vers l’école laborieuse-t-elle, car, sortie du français béruréen, elle estropie le français académique. Il est Alexandre-Binoite de m’apprendre. Alors commako, ces carnes l’ont emballé ?

— Pas pour longtemps, j’espère… On ne peut l’accuser que de complicité d’évasion, et encore faudra-t-il qu’on le prouve. Ne vous tracassez pas pour Béru, il est malin.

— Ce est un homme très beaucoup intelligent, s’extasie Honnissoy. Il a pas de la mortadelle dans le caberlot, Cézigue-pâteux !

Un chant altier retentit. On s’effare, on s’affaire. Renseignement pris, il s’agit du vieux Sam qui vient de lamper une boutanche de scotch, histoire de se remettre de ses émotions. Vu son état de faiblesse, les effets de l’alcool ont été immédiats et il est blindé comme un porte-avions. Il brame à tue-tête le fameux air de la garde écossaise intitulée : « Du vent dans les jupes » et dont je vous donne hâtivement la traduction :

Si j’l’avais pas vu
J’l’aurais pas cru
Que la Margaret avait du poil occulte.

Je ne vous reproduis pas toute la chanson, car mon éditeur m’accuserait de faire du remplissage.

J’explique à la brave servante les circonstances de mon évasion. Mais elle ne paraît pas émue le moins du monde par la présence chez elle de Sam Gratt.

Elle le connaît bien. C’est un vieux gredin qui passe le plus clair de son temps en prison.

— Quoi est-ce votre projet ? questionne-t-elle.

Je mets la main sur l’un de ses jambons supérieurs. Ma dextre s’y enfonce mollement comme une jatte de crème fraîche.

— Chère miss Honnissoy, attaqué-je, je sais que vous avez fait beaucoup pour nous, sans crainte de vous compromettre…

Elle batifole des ramasse-miettes !

— Il est votre ami faire merveilleusement beaucoup à moi aussi, dit-elle pudiquement.

Son émotion lui suinte du glandulaire.

— Vraiment, c’était bien ? m’intéressé-je.

— Formide ! répond-elle chastement. Tu parles d’un composteur, mon neveu ! Y pleure pas le coup de reins, ton pote. Oh ! c’numéro de clarinette, ma douleur ! Un vrai intrépide de sommier il est, Julot.

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