Elle suivit le bâtiment, trouva la porte du réfectoire entrouverte et la poussa.
— C’est fermé, madame. Vous cherchez quelque chose ?
L’endroit, vide de tables et de chaises, était méconnaissable. Des rouleaux de fils électriques jonchaient le sol.
— Je peux vous renseigner ? demanda l’ouvrier, occupé à visser un interrupteur.
— Oui, non… C’est-à-dire, j’ai été pensionnaire ici… il y a longtemps… à l’internat… je voulais jeter un coup d’œil…
— Ah, je comprends. Mais c’est fermé. Les vacances…
— Bien sûr. Excusez-moi… Je ne veux pas déranger. Est-ce que vous savez si on peut ouvrir cette petite porte, là, au fond ?
— Ah, la cave ? je ne sais pas. Mais il y a un trousseau de clefs suspendu au clou, là. Si vous voulez essayer… Vous pouvez même prendre ma torche dans la boîte à outils.
La troisième clef ouvrit la serrure. Helen braqua le faisceau de la torche dans les ténèbres et descendit l’escalier. Une fois en bas, elle suivit la galerie dont le plafond était tapissé de toiles d’araignée poussiéreuses. La porte du cachot, arrachée et brisée en deux, barrait le chemin. Elle l’enjamba. L’odeur de moisi prenait à la gorge. Au sol, la couchette effondrée se confondait avec la terre. Un seau troué et couvert de rouille gisait dans un coin.
Il n’y avait plus de dessin, plus de Ciel, plus rien.
Les oiseaux s’étaient envolés. Tous.
Le moment le plus dur, et Helen ne s’y était pas attendue, fut celui où Octavo dut donner le tour de clef et fermer derrière lui la petite maison de Paula. Sur les marches de l’escalier, ils ne purent ni l’un ni l’autre retenir leurs larmes.
Mais sur la route, ils bavardèrent gaiement, parlèrent de leur vie et s’amusèrent à évoquer le passé. Tu te souviens de “Maguise” ? demandait Helen. Et de “Un pied – une main” ? » Octavo, qui avait oublié, riait aux éclats. Il était drôle et plein de joie de vivre.
Il déposa Helen chez elle au milieu de la nuit. Ils se séparèrent sur la promesse de se revoir de temps en temps pour parler de Paula. Elle se glissa sans bruit dans sa maison endormie, mais comme elle poussait la porte de sa chambre, une autre s’ouvrit au bout du couloir et sa fillette apparut.
— Tu ne dors pas, mon ange ?
La petite secoua la tête. Elle tirebouchonnait le devant de sa chemise de nuit et n’était pas loin de pleurer.
— J’ai fait un mauvais rêve, maman, et puis tu étais partie.
Helen la prit dans ses bras, la recoucha dans son lit et resta assise près d’elle pour la rassurer.
Elle caressa les cheveux de sa fille, lui parla doucement.
Il lui semblait que dans ses mains caressantes et dans sa voix coulait l’amour reçu de Paula, et qu’elle le transmettait à son tour, aussi puissant que le fleuve.
— Je suis revenue, dit-elle. Dors, ma toute belle , dors. Tout va bien.
REMERCIEMENTS
Je veux dire mes remerciements aux quelques personnes qui m’ont accompagné pendant l’écriture de ce roman : Thierry Laroche, de Gallimard Jeunesse, pour ses remarques pertinentes et toujours amicales ; Jean-Philippe Arrou-Vignod, de Gallimard Jeunesse, qui a su me rassurer à propos de mon écriture à « la lanterne » ; Patrick Carrère, médecin, pour son apport concernant les choses médicales ; Christopher Murray, musicien, pour son aide, tout aussi précieuse, concernant la musique ; Rachel et mes enfants Emma et Colin, qui me font tous les trois le cadeau inestimable et sans cesse renouvelé de leur présence à mes côtés.
Je voudrais enfin exprimer mon immense gratitude à Kathleen Ferrier, contralto britannique, dont la voix et le destin bouleversants ont traversé toute mon écriture. Sans elle, ce roman ne serait pas.
J.-C. M.