Daniel Pennac - Chagrin d'école
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- Название:Chagrin d'école
- Автор:
- Издательство:Éditions Gallimard
- Жанр:
- Год:2007
- Город:Paris
- ISBN:978-2070396849
- Рейтинг книги:5 / 5. Голосов: 1
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Comme un roman
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Je ne l’ai jamais mieux mesurée qu’un matin de solitude, la peur méchante de celui qui se sent exclu, confronté à ceux qui le sont vraiment.
Ce matin-là, je ne me lève pas. Minne est quelque part dans le Sud-Ouest. Elle visite les élèves d’un lycée technique dans une zone toulousaine. Écrivain invitée. Ce matin, donc, pas de réveil amoureux sous les auspices de la caféine. Je devrais me mettre tout de suite à mon livre, mais non, je reste au lit, le regard dans le vide, tout comme jadis devant le devoir que je ne faisais pas (« Ne dérangez pas le petit, il travaille »). Finalement, j’allume la radio. Ma chaîne favorite. C’est le jour et l’heure d’une de mes émissions préférées. Une fois la semaine, s’y croisent des intelligences patentées qui parlent sur le ton aujourd’hui si rare de gens qui n’ont rien à vendre. On y échange posément des idées à propos des essais (qu’on vient d’écrire, avec des références judicieuses à ceux qu’on a lus. Exactement ce dont j’ai besoin en ce matin de paresse ; on va penser pour moi. Ne le dites à personne, je vais consommer de la pensée aussi paresseusement que si je m’envoyais le premier feuilleton venu. Délicieux. Je salive à la musique du générique et, dès la présentation, je me laisse glisser dans le toboggan des phrases, élever mollement par les volutes de l’argumentation, et je me sens bien, en terre de connaissance, rassuré par l’aménité des voix, la souplesse du phrasé, le fondé du propos, le sérieux du ton, l’acuité des analyses, l’irréprochable béchamel par quoi le meneur de jeu fait le lien entre les thèses en présence, atténue les différends éventuels, et développe copieusement sa propre pensée… J’ai toujours aimé cette émission, entre autres pour ses qualités d’élégance ; on y polit le réel au point de me le rendre lisible, sinon rassurant. Il se trouve que la causerie, ce matin-là, se met à tourner autour de la jeunesse des « quartiers ». À un moment donné, mes trois voix parlent d’un film. Je dresse l’oreille. Un film qui semble avoir traumatisé le meneur de jeu. C’est un film sur la banlieue. Non, c’est un film sur une pièce de Marivaux. Non, c’est un film sur un projet pédagogique. Oui, voilà, c’est un film sur des lycéens de banlieue montant une pièce de Marivaux sous la direction de leur professeur de français. Cela s’appelle L’esquive. Ce n’est pas un documentaire. C’est un film scénarisé comme un documentaire. Il ne dit pas le réel, il tente d’en donner la représentation la plus fidèle possible. J’écoute d’autant plus attentivement que j’ai vu le film en question. Je n’étais pas chaud, pourtant : un film sur l’école, encore, et qui se passe en banlieue, une fois de plus… Je l’ai vu, néanmoins, sans doute poussé par une curiosité atavique. (Les mânes de l’oncle Jules : « Va voir L’esquive, neveu, ne discute pas ! ») Et ce fut un bon moment : une professeur guide ses élèves, par la voie du théâtre, sur le chemin des plus belles lettres. La classe monte Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. On y voit des gosses consacrer à cet exercice une énergie et une concentration que n’épuisent ni leurs histoires d’amour, ni leurs problèmes de famille ou de quartier, ni leurs rivalités adolescentes, ni leurs petits trafics, ni leurs difficultés de langage, ni même la réputation du théâtre, cette activité de « bouffon ». Je suis sorti de ce cinéma conforté dans la certitude que je retire de la plupart de mes déplacements dans les lycées de banlieue : l’oncle Jules n’est pas mort ! Il existe encore aujourd’hui des oncles Jules et des tantes Julie qui, malgré l’extraordinaire difficulté de ces sauvetages, vont chercher les enfants où qu’ils se trouvent pour les élever à hauteur d’eux-mêmes par les sentiers de la langue française, celle du XVIII e, en l’occurrence.
Ce n’est pas du tout le sentiment de mon meneur de jeu. Aucunement rassuré, lui. Pas le moindre enthousiasme. Il est sorti de son cinéma horrifié par le langage de ces jeunes gens dès qu’ils cessent de fréquenter Marivaux. Mon Dieu, ce ton ! ces hurlements permanents ! cette violence ! cette pauvreté de vocabulaire ! ces éructations ! la grossièreté sexuelle de ces injures ! Ah, comme la langue française a souffert en lui pendant ce film ! comme il a eu mal à son français ! comme il l’a senti menacé dans ses fondements mêmes ! que dis-je menacé, condamné ! irrémédiablement condamné par cette haine langagière ! Qu’allait devenir la langue française ? Qu’allait-elle devenir, face à ces hordes de cancres hurleurs ?
Je n’ai malheureusement pas enregistré ce morceau de… bravoure… mais l’essentiel y est ; ce n’était plus un homme qui parlait de ces adolescents, c’était la peur dans cet homme. Ses interlocuteurs semblaient d’ailleurs un peu surpris. L’auditeur devinait à demi-mots les demi-gestes qu’on tentait pour le rassurer, mais en vain ; la peur était la plus forte.
Pour un peu mes cheveux se seraient dressés sur ma tête et j’aurais fini par me dire, tout seul dans mon grand lit : Tu es fou d’avoir laissé ta femme partir chez ces sauvages, ils vont te la manger toute crue ! Au lieu de quoi, j’ai eu envie de prendre le meneur de jeu dans mes bras et de le rassurer. Là, là, calme-toi, tu sais le pauvre parle fort, c’est une de ses caractéristiques, un invariant historique et géographique, il parle fort depuis toujours et dans le monde entier, il parle d’autant plus fort qu’il est entouré de pauvres, le pauvre, et qui parlent fort eux aussi, pour se faire entendre, comprends-tu ? Le pauvre a la cloison mince. Et il jure beaucoup, c’est vrai, mais sans penser à mal, rassure-toi, et plus la pauvreté descend vers le sud plus le pauvre jure sexuel, voire religieux, voire les deux ensemble, mais naturellement pour ainsi dire, parce qu’il ne t’a pas rencontré sur sa route pour lui faire observer que c’est mal, tiens, rien que dans mon enfance, « Pute vierge ! » disaient les pauvres de mon village, ils n’arrêtaient pas de dire « Pute vierge ! », « porca madona » , des pauvres venus du grand Sud italien, et pourtant ils n’en voulaient ni à la putain du samedi soir ni à la Vierge Marie du dimanche matin, c’était façon de parler, quand ils se donnaient un coup de marteau sur les doigts, voilà tout ! Un coup de marteau sur l’index, et hop, un petit oxymore : « Pute vierge ! »… Savais-tu que les pauvres pratiquent l’oxymoron ? Eh bien si ! C’est un point commun entre nous, dis donc ! Nous le stylo, eux le marteau, mais nous ensemble l’oxymoron ! Encourageant, non ? Toi qui crains tant que la déferlante de leur sabir ne balaie toutes les subtilités de notre langue, ça devrait te rassurer ! Ah ! je voulais te dire aussi, n’aie pas peur de leur sabir. Le sabir du pauvre d’aujourd’hui, c’est l’argot du pauvre d’hier, ni plus ni moins ! Depuis toujours le pauvre parle argot. Sais-tu pourquoi ? Pour faire croire au riche qu’il a quelque chose à lui cacher ! Il n’a rien à cacher, bien sûr, il est beaucoup trop pauvre, rien que des petits trafics par-ci par-là, des broutilles, mais il tient à faire croire que c’est un monde entier qu’il cache, un univers qui nous serait interdit, et si vaste qu’il aurait besoin de toute une langue pour l’exprimer. Mais il n’y a pas de monde, bien sûr, et pas de langue. Rien qu’un petit lexique de connivence, histoire de se tenir chaud, de camoufler le désespoir. Ce n’est pas une langue, l’argot, juste du vocabulaire, parce que leur grammaire, aux pauvres, c’est la nôtre, réduite au minimum certes, sujet, verbe, complément, mais la nôtre, la tienne, rassure-toi, ta grammaire française à toi, notre grammaire à tous, les pauvres ont besoin de notre grammaire pour se comprendre entre eux. Reste leur vocabulaire, bien sûr, à ces jeunes gens du énième cercle, un vocabulaire que tu estimes d’une pauvreté insigne (et considéré de ton altitude ce n’est pas douteux), mais là encore rassure-toi, il est si pauvre, ce lexique du pauvre, que la plupart des mots sont très vite emportés par le vent de l’histoire, brindilles, brindilles, trop peu de pensée pour les lester… Presque aucun ne se pose dans les pages du dictionnaire : « meuf », « keuf », « teuf », par exemple, pour ces jeunes gens d’aujourd’hui, c’est tout ce que j’ai trouvé, j’ai cherché mollement, il faut dire, un petit quart d’heure, mais je n’ai trouvé que « meuf », « keuf », « teuf », dans le dictionnaire, c’est tout, pas grand-chose tu vois, trois petits noms très communs, et qui disparaîtront une fois tournée la page de l’époque ; les dictionnaires ne garantissent qu’un brin d’éternité…
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