Daniel Pennac - Chagrin d'école

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Chagrin d'école: краткое содержание, описание и аннотация

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Chagrin d’école
Comme un roman

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— Bon.

Vous vous fiez à l’ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu’il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui regarde vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet ; les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d’en être exempts ? Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors ? Tout ce qu’ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire ; il n’y a de caractères ineffaçables que ceux qu’imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. Que fera donc, dans la bassesse, ce satrape que vous n’aurez élevé que pour la grandeur ? Que fera dans la pauvreté ce publicain qui ne sait vivre que d’or ? Que fera, dépourvu de tout, ce fastueux imbécile qui ne sait point user de lui-même, et ne met son être que dans ce qui est étranger à lui ? Heureux qui sait alors quitter l’état qui le quitte, et rester homme en dépit du sort ! Qu’on loue tant qu’on voudra ce roi vaincu qui veut s’enterrer en furieux sous les débris de son trône ; moi je le méprise ; je vois qu’il n’existe que par sa couronne, et qu’il n’est rien du tout s’il n’est roi ; mais celui qui la perd et s’en passe est alors au-dessus d’elle. Du rang de roi qu’un lâche, un méchant, un fou peut remplir comme un autre, il monte à l’état d’homme, que si peu d’hommes savent remplir…

— Qui dit mieux ?

Je ne les abandonnais pas dans ces textes. J’y plongeais avec eux. Il nous arrivait d’apprendre les plus complexes ensemble, pendant le cours lui-même, au fil de leur analyse. Je me faisais l’effet d’un maître-nageur. Les plus faibles avançaient en peinant, la tête hors de l’eau, segment par segment, accrochés à la planche de mes explications, puis ils nageaient seuls, quelques propositions d’abord, jusqu’à s’offrir bientôt une longueur de paragraphe, sans lire, de tête. Dès qu’ils avaient compris ce qu’ils lisaient ils découvraient leurs capacités mnémoniques, et souvent, avant la fin du cours, un bon nombre récitait le texte entier, s’offrait une longueur de bassin sans l’aide du maître-nageur. Ils commençaient à jouir de leur mémoire. Ils ne s’y attendaient pas du tout. On eût dit la découverte d’une fonction nouvelle, comme s’il leur était poussé des nageoires. Tout surpris de si vite se souvenir, ils répétaient le texte une deuxième fois, une troisième, sans accroc. C’est que, l’inhibition levée, ils comprenaient ce dont ils se souvenaient. Ils ne se contentaient pas de réciter une suite de mots, ce n’était plus seulement dans leur mémoire qu’ils s’ébrouaient, c’était dans l’intelligence de la langue, la langue d’un autre, la pensée d’un autre. Ils ne récitaient pas Émile, ils restituaient le raisonnement de Rousseau. Fierté. Ce n’est pas qu’on se prenne pour Rousseau dans ces moments-là, mais tout de même, c’est la divination imprécatoire de Jean-Jacques qui s’exprime par votre bouche !

15

Parfois, ils jouaient. Ils s’entraînaient ensemble, ils faisaient des concours de vitesse ou récitaient leur texte sur un ton étranger à sa nature : la fureur, la surprise, la peur, le bégaiement, l’éloquence politique, la passion amoureuse ; à l’occasion l’un ou l’autre imitait le président du moment, un ministre, un chanteur, un présentateur de journal télévisé… Ils se livraient à des jeux dangereux aussi, de périlleux exercices d’agilité mentale ; ils se lançaient des défis acrobatiques qu’une classe de seconde me révéla un soir, pendant un dîner de fin d’année. (Ils avaient gardé la chose secrète, pour épater le prof.) Entre la poire et le fromage, une Caroline pointa son doigt vers un Sébastien :

— Défi : je veux le premier paragraphe du 3, la deuxième strophe du 11, la quatrième du 6 et la dernière phrase du 15.

Le Sébastien défié assembla mentalement le patchwork qu’il récita presque sans hésitation comme un texte unique et biscornu. Puis, il lança son propre défi :

— À ton tour, envoie-nous Le pont Mirabeau. Il précisa :

— À l’envers.

— Facile.

Et voilà qu’à mes oreilles stupéfaites, sous le pont Mirabeau la Seine se mit à remonter son cours, du dernier vers au premier, jusqu’à disparaître sous le plateau de Langres. Satisfaite, Caroline lâcha le nom de l’auteur : Erianillopa !

— Et ça, monsieur, vous savez le faire ?

Un inspecteur d’académie n’aurait peut-être pas aimé voir la Seine retourner à sa source ou le tambour d’une machine à laver mélanger tous les textes de l’année, ou mes sixièmes décorer notre classe avec des banderoles où pendaient leurs fautes d’orthographe les plus spectaculaires comme des dépouilles de vaincus. On aurait pu aussi me reprocher de laisser mes plus grands élèves confier leurs copies à la correction assassine des plus petits ! Ne serait-ce pas flatter les uns pour humilier les autres ? On ne plaisante pas avec ces choses-là, tout de même ! Il m’aurait fallu plaider : pas de panique, monsieur l’inspecteur, il faut savoir jouer avec le savoir. Le jeu est la respiration de l’effort, l’autre battement du cœur, il ne nuit pas au sérieux de l’apprentissage, il en est le contrepoint. Et puis jouer avec la matière c’est encore nous entraîner à la maîtriser. Ne traitez pas d’enfant le boxeur qui saute à la corde, c’est imprudent.

En mélangeant leurs textes, mes secondes ne manquaient pas de respect à dame Littérature, ils exaltaient la maîtrise de leur mémoire ! Ils ne rabaissaient pas un savoir, ils s’admiraient dans l’innocence d’un savoir-faire ! Ils exprimaient leur fierté en jouant, sans se hausser du col. Et puis ils taquinaient Rousseau, ils consolaient Apollinaire, ils amusaient Corneille — qui avait le goût de la blague lui aussi, et qui doit trouver son éternité un peu longue. Et surtout, ils installaient entre eux un climat de confiance ludique qui fortifiait l’esprit de sérieux de chacun. Ils en avaient fini avec la peur. C’était leur façon de le dire, de s’écrier : Enfin !

Parfois d’ailleurs je jouais avec eux.

Il nous arrivait de considérer la bêtise avec le plus grand intérêt, d’étudier les effets de sa cohabitation avec l’intelligence la plus rare. Émerveillés mais épuisés par notre ascension du Neveu de Rameau, nous nous accordions, par exemple, une pose carambar. Un carambar par élève (j’avais un budget à cet effet). Celui qui tombait sur l’histoire la plus stupide proposée par ces friandises, la blague la plus insultante au sommet d’intelligence où nous bivouaquions, celui-là gagnait un second carambar et nous reprenions notre ascension, le pied léger, plus honorés encore de fréquenter Diderot. Nous savions que si l’intelligence du texte est une rude et solitaire conquête de l’esprit, la blague stupide établit, elle, une connivence reposante qui ne se partage qu’entre amis de confiance. C’est avec nos intimes que nous échangeons les histoires les plus bêtes, façon de rendre un hommage implicite à la finesse de leur esprit. Avec les autres, on fait les malins, on déballe son savoir, on en installe, on séduit.

16

Qui étaient-ils, mes élèves ? Pour un certain nombre d’entre eux le genre d’élève que j’avais été à leur âge et qu’on trouve un peu partout dans les boîtes où échouent les garçons et les filles éliminés par les lycées honorables. Beaucoup redoublaient et se tenaient en piètre estime. D’autres se sentaient simplement à côté, hors du « système ». Certains avaient perdu jusqu’au vertige le sens de l’effort, de la durée, de la contrainte, bref du travail ; ils laissaient tout bonnement aller la vie, s’adonnant, à partir des années quatre-vingt, à une consommation effrénée, ne sachant point user d’eux-mêmes et ne mettant leur être que dans ce qui était étranger à eux (la réflexion de Rousseau, transposée au plan matériel, ne les avait pas laissés indifférents).

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