Hervé Bazin - Madame Ex

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Madame Ex: краткое содержание, описание и аннотация

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Après les maternités, les paternités difficiles, les révoltes adolescentes, les embarras conjugaux, voici le roman d’un divorce.
Publié par hasard au moment où s’amorce une révision de la loi, ce livre peut accessoirement lui fournir des arguments. Mais son thème n’est pas là. La procédure est une chose. L’état de divorcé(e) en est une autre qui — l’union par l’enfant restant indissoluble — dramatise souvent toute une vie. Aline, devenue Madame Ex, Louis remarié à Odile, leurs enfants divisés en Papiens et Mamiens, leurs parents, leurs amis, leurs avocats — intervenant sans cesse dans une guérilla où la rancune, l’intérêt, l’orgueil, le remords, le souvenir se mélangent — en fournissent ici un exemple tour à tour passionné et douloureux.
Madame Ex, par le ton, le trait, le mouvement, la précision du détail, est un roman typique d’Hervé Bazin et sans doute l’un des plus émouvants dans l’évocation de ce tragique quotidien où se meuvent comme nous ses personnages.

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— Vous tenez surtout à votre bonne conscience ! dit Irma.

— Quand on a tout perdu, ça aide ! dit Aline, étonnée de s’entendre.

— De toute façon ce n’est pas aux échaudées qu’on demande un jugement froid ! dit la présidente.

Et la voilà qui rameute des dames sur un projet de Fonds national, peut-être rattaché à la Sécurité sociale, peut-être financé par un pourcentage à prendre — au détriment des débiteurs — sur les pensions versées par les solvables et assurant ainsi celles des insolvables. Le fric, de nouveau. Voilà qui sauverait de la famine cinq ou six des présentes. M e Grainde voudrait y voir adjoindre une assurance-divorce, obligatoire, souscrite à la mairie qui remettrait la police en même temps que le livret. Le chorus se reforme. On vote une adresse de soutien. Aline n’est pas la dernière à lever la main.

*

Tout ceci pour elle n’a évidemment qu’un intérêt rétrospectif. Le divorce, elle l’a subi, tel qu’il était : rien n’y peut rien changer. L’avoir gagné, en principe, ne l’a pas empêchée d’y perdre l’essentiel, puis de se retrouver, dans l’affrontement qui a suivi, dépouillée du reste. Du mariage on romance le début et c’est ce qui suit l’important. Du divorce on discute la forme et c’est ce qui suit l’important. Depuis qu’elle s’occupe un peu du club, Aline, en a-t-elle vu défiler de celles qui croient résumer leur droit à l’amour dans le divorcée à son profit des petites annonces matrimoniales, qui vite s’aperçoivent qu’on devrait dire divorcée à son préjudice ! L’innocence d’une femme, pour un homme, s’apprécie comme celle de l’agneau, dont la seule vertu est d’être comestible. Sans jeunesse il n’y a plus que nanas usagées… Quatre ou cinq de celles-ci, les plus fraîches, s’en tireront peut-être. Mais les autres n’auront pour elles que l’illusion de les y avoir aidées, d’avoir frôlé cette chance, en se revanchant à la petite semaine contre l’ennemi commun.

Soudain l’électricité s’éteint et sur l’écran qu’Agnès venait de dérouler le long du mur paraissent de fortes matrones d’Evansville : homologues américaines en goguette sur les bords de l’Ohio. Aline s’assoupit dans le ronronnement du projecteur. L’Ohio peu à peu s’installe entre les quais de la Seine. Obsession. Question insoluble, toujours reposée : Paris 38, rue Claude-Bernard, pourquoi ? Agathe a-t-elle choisi ce bureau parce qu’il est près ou parce qu’il est loin de l’endroit où elle se cache ? Comment se fait-il qu’y traînant si souvent, parfois des après-midi entiers, depuis six mois, sa mère n’ait jamais pu la surprendre au moment où elle vient relever son courrier ? Qu’adviendrait-il si elle y parvenait ? La tendresse est une habitude : qui se frotte à une fausse peut oublier la vraie. Le menton d’Aline pique sur sa poitrine et vivement se relève. Les sœurs d’Evansville sont en train de rédiger une Déclaration des Droits des femmes séparées. Agathe est bien la fille de son père, mais c’est une fille et les filles, quand on a assez d’elles, on les abandonne. Pour une fois ce ne serait sans doute pas une catastrophe. Un homme marié ! Qu’il faudrait faire divorcer. Si Agathe voulait l’épouser. Si Agathe au surplus le pouvait, chose douteuse, car enfin aux dernières nouvelles, cet Edmond, maroquinier bien installé — dont Agathe serait devenue la caissière —, semble malheureusement n’avoir aucune chance de se libérer, sa femme étant internée depuis cinq ans dans un asile, donc légalement inattaquable. Dès lors à quoi bon insister ? Agathe est la fille de son père. Agathe doit savoir que ça ne durera pas. Rien ne dure. Agathe n’en souffle mot, mais une mère devine. Tout va bien, je t’embrasse : c’est trop court pour être vrai. C’est trop court en face de huit lettres par mois dont elle n’a jamais accepté, comme jamais refusé la pressante invite : Reviens, si tu veux, quand tu veux. Surtout s’il t’arrive quelque chose, ne crois pas que ce soit un obstacle. Un enfant, oui, ça s’élève très bien entre femmes. Une fille avec enfant, qui tente moins l’amant, peut rester indéfiniment.

— Alors, on dort ? souffle Emma.

Aline relève le menton. C’est la dislocation et par petits paquets ces dames s’en vont vers l’ascenseur. La discrétion d’Emma, qui ce soir n’a pratiquement pas ouvert la bouche, devient exemplaire. Elle aussi semble bien amortie, passée de la grande hargne à la petite grinche. Elle aussi recrute à tour de bras et, sans bruit, enseigne à telle ou telle comment entortiller un salaud dans ses torts. La salle se vide. Aline se soulève et, tirant de son sac un bout de papier plié en quatre, va le glisser dans la main de la présidente qui le parcourt rapidement :

— Parfait ! murmure-t-elle. Vous l’avez retrouvé, ce type. Christine n’a plus qu’à faire une saisie-arrêt.

Le front têtu, l’œil aigu, Aline écoute avec modestie.

— Je sais que c’est presque la règle, reprend Agnès, mais vous l’illustrez singulièrement. On se débrouille toujours mieux pour autrui que pour soi-même. Si vous pouviez voir Juliette, cette semaine, et la remonter un peu…

Un soupçon d’ironie lui retrousse la lèvre :

— Oui, je sais, ce n’est pas votre fort. Mais si je vous le demande à vous, c’est que Juliette est en train de se laisser avoir et qu’il y a moins lieu de la consoler que de la harceler…

— J’irai demain soir, dit Aline.

*

Elle est partie, très vite. Elle a déposé Emma au coin du bâtiment scolaire où son amie a un appartement de fonction. Elle continue, fait le tour par le bois, revient, prend de l’essence, repart, oblique vers son ancienne maison. C’est un pèlerinage qu’en général elle s’interdit, car elle n’en revient jamais intacte. Mais ce soir c’est plus fort qu’elle. D’ailleurs elle n’est pas pressée. Léon n’est pas là, Léon est sorti avec Solange. Léon dépense cette moitié de pension qu’il conserve au titre d’argent de poche. La moitié, c’est beaucoup, mais c’est comme ça. Il y a des moments où la fidélité de Léon à sa mère, à ses cours, à son stade, à sa chambre, à son horaire, à sa petite amie, on peut se demander ce que c’est. Il y en a d’autres — quand il apporte une rose dans un long étui de papier cristal (et c’est toujours le dimanche à midi et la rose vient toujours du même fleuriste) —, il y en a d’autres où l’on se dit qu’un garçon ne devrait jamais se marier avant la trentaine, que Léon sera peut-être assez sage pour ça, mais que de toute façon dans deux ans il aura fini sa pharmacie : ce n’est pas seulement pour l’armée qu’il est sursitaire…

La vieille ID s’est arrêtée toute seule, retrouvant sa place devant le pavillon comme un cheval l’écurie. Le moteur tourne au ralenti. Derrière le thuya qui a monté d’un bon mètre et qui se détache sur la baie vivement éclairée de la salle commune, bougent des ombres estompées par les rideaux : inconnus qui ont récemment racheté la maison et qui pour Aline ne seront jamais totalement chez eux. Elle passe sa langue sur des lèvres sèches, l’agace sur la pointe d’une canine. Les voisins sont restés les mêmes. Leurs chiens aboient de la même façon. Chaque réverbère s’occupe de la même zone autour de quoi s’arrondit l’obscurité familière : tout à fait dense entre le 17 et le 19, là où un renfoncement tentait pour une pause-baiser un jeune couple revenant du cinéma. Guy, confié à l’express de dix-huit heures cinq, doit avoir cessé de bouder. Quand sera-t-il donc capable de se réjouir d’un léger sacrifice qui pour trois petits jours faisait la joie de sa mère ? Qui des Quatre d’ailleurs ? Rose, n’en parlons pas. Léon peut faire semblant, c’est tout. Agathe, qui jadis se serait fait couper en morceaux… Agathe ! Une main d’Aline se porte à son côté où s’enfonce comme une longue aiguille. Ses yeux se noient. Téléphone-moi, chérie ! Téléphone-moi au moins, pour que j’entende ta voix. À chaque lettre sa mère le lui réclame. Agathe ne téléphone pas.

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