Jean-Marie Le Clézio - La quarantaine

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«Que reste-t-il des émotions, des rêves, des désirs quand on disparaît? L’homme d’Aden, l’empoisonneur de Harrar sont-ils les mêmes que l’adolescent furieux qui poussa une nuit la porte du café de la rue Madame, son regard sombre passant sur un enfant de neuf ans qui était mon grand-père? Je marche dans toutes ces rues, j’entends le bruit de mes talons qui résonne dans la nuit, rue Victor-Cousin, rue Serpente, place Maubert, dans les rues de la Contrescarpe. Celui que je cherche n’a plus de nom. Il est moins qu’une ombre, moins qu’une trace, moins qu’un fantôme. Il est en moi, comme une vibration, comme un désir, un élan de l’imagination, un rebond du cœur, pour mieux m’envoler. D’ailleurs je prends demain l’avion pour l’autre bout du monde. L’autre extrémité du temps.»

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Je marche sur Gabriel, à la recherche de traces, de sépultures. Lili a pris un harpon (une simple tringle de fer aiguisée à un bout) et je l’ai vue partir du côté du récif, à la pêche à l’ourite (Octopus vulgaris).

L’îlot est désert, vide d’indices. Seul un monument de lave cimentée marque la tombe d’un certain Horace Lazare Bigeard, mort de la variole en 1887 à l’âge de dix-sept ans. Des autres, de tous les immigrants arrivés sur l’ Hydaree, sur le Futtay Mubarack, abandonnés sur l’île, il ne reste rien. Le vent, les pluies, le soleil et les embruns ont tout effacé. Tandis que j’escalade le piton central où était planté jadis le sémaphore à bras, le seul moyen de communication avec Maurice, j’entends pour la première fois les cris rauques des pailles-en-queue (Phaeton rubricauda). Les oiseaux en alerte tournent autour du piton pour défendre leurs nids.

Il y a quelque chose d’étrange, ici, quelque chose qui entre en moi lentement, sans que je comprenne. Je croyais venir sur ces îles en curieux, en visiteur anonyme. Comment en aurait-il pu être autrement? Ce grand-père que j’ai si peu connu, et ma grand-mère Suzanne, à la fois si proche et si lointaine, cette vieille dame aux cheveux courts, au regard moqueur qui me racontait des histoires et récitait pour moi Le Bateau ivre ou les poèmes de Long-fellow, comment pouvais je les imaginer ici, dans une autre vie, avant ma naissance? Et cet inconnu dont je porte le nom, disparu pour toujours, qui a tout abandonné pour une femme dont je ne pourrai jamais rien savoir, comme s’il appartenait à un rêve dont il ne reste que des bribes — peut-être parti vers les îles lointaines, Agalega, Aldabra, ou Juan de Nova dans le canal du Mozambique.

Pourtant il me semble qu’ils sont encore ici, que je sens sur moi leur regard, pareil au regard des oiseaux qui tournent autour du piton. Chaque pierre, chaque buisson porte ici leur présence, le souvenir de leur voix, la trace de leur corps. C’est un frisson, une vibration lente et basse. Je me suis couché sur la terre noire, entre les blocs de basalte, pour mieux la percevoir.

Sur la plage, Denis s’impatiente. La mer va descendre, dans quelques instants il sera impossible d’approcher du môle de l’île Plate. Pour franchir le canal de la passe, il lance brièvement le moteur, et la pirogue glisse sur son erre. À la proue, Lili est debout. Elle est une vraie fille de pêcheur, ses orteils écartés s’agrippent aux bords, elle appuie sur la longue perche. Dans le fond de la pirogue, les ourites retournées brillent au soleil.

Denis a tiré l’avant de la pirogue sur la plage, à gauche du môle. Il cherche un coin à l’ombre, pour fumer une autre cigarette. Il ne se pose pas vraiment de questions. Il doit être habitué aux caprices des grands mounes et des touristes.

Lili marche avec moi sur le sentier étroit, dans la direction du volcan. Le temps est passé très vite. Déjà il me semble que la lumière décline. Il y a un voile devant le soleil, le lagon a pris une couleur mélancolique.

Nous n’aurons pas le temps d’aller jusqu’au volcan. Au-dessus de la baie Barclay, nous arrivons dans le cimetière abandonné. Là aussi, le vent et le sel ont tout effacé. Les tombes sont jetées pêle-mêle dans les broussailles et les massifs de vieilles filles (de lantanas) et les fameux batatrans (ipomées à fleurs rouges). Lili saute comme un chat d’une tombe à l’autre. Elle aussi est indifférente aux lubies des grands mounes qui vont à l’autre bout du monde pour se promener sur des îles où il n’y a rien.

En haut de l’escarpement, déjà à l’ombre du volcan, j’ai vu la baie des Palissades, où se trouvait le camp des coolies. Les vagues déferlent sur les plaques de basalte, et tout alentour est vide, occupé seulement par les broussailles sèches et le bois de filaos qui a échappé aux incendies. Au centre de la baie, je distingue les restes de la digue, à demi ensevelie dans le sable, recouverte par les nappes d’écume éblouissante.

Je me suis hâté vers l’autre bout de l’île, pour voir les ruines de la Quarantaine avant de partir. Il doit y avoir longtemps que les toits se sont effondrés, et il ne reste que les murs de pierre de lave envahis par les broussailles.

Nous sommes entrés en écartant les plantes. Lili s’est assise dans l’embrasure d’une fenêtre, à l’intérieur de la plus grande maison, là où Jacques et Léon s’étaient peut-être assis il y a quatre-vingt-dix ans. Avec mon vieux Pentax, j’ai pris des photos souvenirs, moins pour les ruines que pour garder l’image de Lili, ma sauvageonne d’un été, que je ne reverrai plus. La lumière dorée brille sur son visage lisse, dans ses cheveux bouclés, allume une étincelle moqueuse dans ses iris couleur de miel. Je suis amoureux. Mais je ne le lui dirai pas. Je suis trop vieux, et le monde auquel j’appartiens n’a rien à lui offrir.

Qu’importent les images? Ma mémoire n’est pas ici ou là, dans ces ruines. Elle est partout, dans les rochers, dans la forme noire du cratère, dans l’odeur poivrée des lantanas, dans le froissement du vent, dans la blancheur de l’écume sur les dalles de basalte. J’ai voulu voir Plate et Gabriel, en sachant que je ne trouverais pas ce que je cherche. Pourtant il me semble maintenant, dans ces murs noirs usés par le temps, que quelque chose en moi s’est dénoué. Comme si j’étais plus libre, que je respirais mieux. J’ai longtemps cru que, par la faute du Patriarche, je n’avais pas de pays, pas de patrie. Nous étions des exilés pour toujours. Mais tandis que la pirogue traverse la passe et s’éloigne vers Maurice, bousculée par la houle, avec le grondement du moteur qui s’accélère dans les creux, je comprends enfin que c’est ici que j’appartiens, à ces rochers noirs émergés de l’Océan, à cette Quarantaine, comme au lieu de ma naissance. Je n’ai rien laissé ici, rien pris. Et pourtant, je me sens différent.

Au moment de monter dans la pirogue, Lili m’a donné un objet, un vieux bout de fer rouillé qu’elle a ramassé là-bas, dans la maison en ruine. Elle l’a mis dans ma main et elle a fermé mes doigts dessus, sans rien dire, comme si cela m’appartenait, quelque chose de précieux que j’avais oublié il y a très longtemps, et que j’avais enfin retrouvé.

Il me reste très peu de temps pour comprendre. Je veux profiter de chaque instant auprès d’Anna. Le temps compris entre l’heure à laquelle j’entre dans le jardin du couvent et l’heure du souper, le soir, à six heures, c’est si bref! Je n’ai même pas envie d’aller à la plage, ou de me promener à Port-Louis. Mon travail au laboratoire de Vincennes commence dans deux semaines. Peut-être une vie nouvelle qui m’attend, à quarante ans! Et puis ma mère qui ne se remet pas bien de la mort de mon père. Même si je voulais rester je n’ai plus où loger. Le campement de Chong Lee est réservé pour le 15 août. Un pilote d’Air France qui vient chaque année. Je pourrais essayer de trouver autre chose, aller à l’hôtel de Blue Bay, fréquenté par des employés de banque anglais rougeauds. Mais j’ai une sorte de paresse pour ces choses-là. Maurice est le dernier endroit au monde où je pourrais être un touriste.

Anna elle-même a programmé mon départ. Elle dit: «Quand tu seras retourné en France…» Ou bien, l’autre jour: «C’est dommage, les bons moments sont si vite passés.»

Peut-être l’ai-je lassée? Elle qui ne voit personne, qui ne vit que pour ces sorties au marché de Mahébourg, où elle distribue la mort aux chiots abandonnés, je l’ai obligée à me voir chaque jour, à parler, à exprimer des sentiments, des regrets, à remuer des souvenirs. C’est très injuste. Elle a besoin de se reprendre, de se refermer, d’être à nouveau cette vieille guerrière solitaire armée de son regard sans faiblesse, et qui ne se berce pas de bonnes paroles comme les grands mounes savent si bien le faire. L’insurmontable orgueil des Archambau, toujours la devise que Jacques avait inventée pour Léon, temps de la pension Le Berre à Rueil-Malmaison: l’ aphanapteryx — le dernier râle d’eau mauricien, haut sur pattes et inquiet, auquel Jacques disait que tous ceux de notre famille ressemblaient, tenant dans son long bec une banderole: Ultimus mei generis.

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