Jean-Marie Le Clézio - La quarantaine

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«Que reste-t-il des émotions, des rêves, des désirs quand on disparaît? L’homme d’Aden, l’empoisonneur de Harrar sont-ils les mêmes que l’adolescent furieux qui poussa une nuit la porte du café de la rue Madame, son regard sombre passant sur un enfant de neuf ans qui était mon grand-père? Je marche dans toutes ces rues, j’entends le bruit de mes talons qui résonne dans la nuit, rue Victor-Cousin, rue Serpente, place Maubert, dans les rues de la Contrescarpe. Celui que je cherche n’a plus de nom. Il est moins qu’une ombre, moins qu’une trace, moins qu’un fantôme. Il est en moi, comme une vibration, comme un désir, un élan de l’imagination, un rebond du cœur, pour mieux m’envoler. D’ailleurs je prends demain l’avion pour l’autre bout du monde. L’autre extrémité du temps.»

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Elle m’attend avec impatience. Elle met son vieux chapeau de toile jusqu’aux yeux, pour protéger sa cataracte. Et nous sortons.

Dehors, le soleil est de plomb. Les rues de Mahébourg sont désertées pour le temps du repas, mais comme nous descendons vers le marché, la circulation devient plus dense. Les autobus cahotent vers le parking poussiéreux, il y a des bicyclettes partout, de grandes Flying pidgeon noires montées par de jeunes Indiens qui font sonner frénétiquement les timbres. C’est l’heure d’Anna. Après midi, le marché se vide peu à peu d’hommes, et les chiens arrivent.

Anna ne parle plus. Elle marche très raide, le visage crispé par la douleur. Le médecin du couvent, le docteur Muggroo, m’a parlé des articulations bloquées d’Anna, ses genoux soudés par l’arthrose, ses hanches, ses clavicules. Il y avait une note d’admiration dans son commentaire: dans l’état où elle est, elle devrait être clouée sur un fauteuil. Elle ne marche que par l’effet de sa volonté. Quand elle se hisse hors de la voiture, elle a une grimace de douleur. Elle explique avec son humour: «Tu vois, Léon, je suis comme la sirène d’Andersen, je dois souffrir pour avoir des jambes.»

Le jour où Anna ne pourra plus sortir, elle mourra. Elle l’a décidé. Elle n’a pas besoin de le dire. Est-elle orgueilleuse, comme son grand-père? Elle n’a jamais rien dû à personne, elle a toujours vécu dans cette extrême solitude. Je regarde son profil aigu de vieille Indienne, ces rides profondes qui entourent ses yeux, et le port de sa tête, le cou décharné parcouru de deux cordes tendues, et je ne peux m’empêcher de penser à la seule photo que j’ai vue de l’oncle Alexandre, à l’époque où il régnait seul sur le domaine d’Anna. La ressemblance est évidente.

Nous marchons lentement le long des allées jonchées de débris, entre les flaques croupies. Le bazar n’est pas encore complètement fermé. Il reste des étals, à l’ombre des bâches loqueteuses, avec des fruits, bananes zinzi, goyaves, papayes ouvertes montrant leurs graines noires, mangues 430 tapées, «maf» comme disait mon père, et légumes pas très frais. Au bout de l’allée, il y a un Indien qui distribue du lait caillé d’une grande jarre. «Tu vois ça, commente tout de même Anna, c’est l’horreur.» Mon père aussi détestait particulièrement le lait aigre, et généralement le lait sous toutes ses formes.

Je suis le seul Européen dans cette foule. Anna, elle, ne peut être rattachée à cette ethnie, elle est à la fois indienne par le teint et la maigreur, par son port de tête, et créole par sa façon de marcher, de parler. Quand elle passe les gens la saluent, lui disent quelques mots. Elle les écoute, la tête un peu penchée, elle répond en créole, les gens rient avec elle. Chacun sait ce qu’elle vient faire ici. Personne ne le lui reproche. C’est son rôle dans le monde. Lorsqu’elle sera partie, il ne se trouvera plus personne pour le faire à sa place. Son rôle aura été terminé, voilà tout.

Des enfants turbulents nous suivent un instant. L’un d’eux est presque nu, vêtu seulement d’un langouti taché de boue. Il est svelte, tout doré, avec de grands yeux sombres. Il tient une petite flûte de bambou à la main, et il court le long des allées du marché en soufflant des sons aigrelets. Il me semble voir le jeune Krishna sur les rives de la Yamuna, mais la comparaison s’arrête là, car la rivière La Chaux est délabrée, ses berges sont couvertes d’immondices, et Mahébourg n’est pas Mathoura.

C’est du côté des bouchers qu’Anna m’emmène. Sur un bas-côté boueux qui descend jusqu’à l’eau, les chiens sont là. Ils sont nombreux, presque aussi nombreux que les hommes, maigres, le poil hérissé, l’estomac creusé jusqu’à la ligne courbe de leur dos. Certains se querellent autour d’une carcasse. Deux plus forts tiennent la carcasse à chaque bout et grognent sans ouvrir leurs mâchoires quand les autres s’approchent.

Un peu à l’écart, malgré la faim, un couple copule, uni par l’arrière-train, en marchant de travers comme une sorte de crabe ridicule.

Anna est debout devant le terrain. Elle ne dit rien. Elle regarde, avec cette expression de dureté, cette intensité qu’elle a dans ces instants-là. Elle s’est dégagée de mon bras, elle a marché seule jusqu’au bord du terrain. Elle titube et risque de tomber à chaque instant, mais je suis resté en arrière. C’est un acte qu’elle veut accomplir seule.

Au centre de l’aire, les deux chiens méchants sont arc-boutés sur la carcasse. Ce qu’ils mangent, c’est un chien, mort de faim, ou peut-être tué par un autobus. C’est une scène terrible, insoutenable.

Mais ce n’est pas pour eux qu’Anna est venue. Son regard cherche du côté des tables des bouchers, vers les tas d’immondices rejetés le long des allées.

Elle avance lentement, très droite, son paquet ouvert à la main, et je la vois qui jette des boulettes par terre, dans l’ombre. C’est là qu’ils sont terrés. Des chiots, à peine sevrés, abandonnés. Ils semblent des squelettes, sans poils, si faibles qu’ils peuvent à peine porter leurs têtes énormes aux yeux saillants, et qu’ils titubent sur place, incapables de quitter leurs cachettes. Je me suis approché sans bruit. J’entends Anna qui leur parle doucement, d’une voix que je ne connais pas. Elle dit: «Mes pauvres chéris.» Elle leur murmure des petits mots en créole, comme à des enfants, et les chiots sortent un peu de leurs trous, en rampant, pareils à des litières de bêtes sauvages.

Ils sont attirés par la voix d’Anna, cet accent étrange, doux comme une caresse. Devant eux, je vois les boulettes empoisonnées qu’Anna a semées. Les chiots commencent à manger. Ils sont une dizaine, peut-être plus. Bientôt il ne reste plus rien dans la poussière. La strychnine fait presque aussitôt son effet. Les chiens reculent, tournent sur eux-mêmes comme s’ils étaient ivres, et meurent foudroyés. Dans la pénombre les petits corps sont couchés sur le côté.

Déjà le vent dépose de la poussière sur leur peau rose et noire, les mouches bourdonnent autour de leurs têtes.

Sans un mot, Anna s’est retournée. Dans sa main la serviette vide pend comme un grand mouchoir. Son visage est fermé, sans expression, couleur de bois brûlé, avec les gouttes claires de ses yeux.

Ensemble nous marchons sous le soleil brûlant, le long des allées qui nous mènent à la grand-rue. Sur le parking, les autobus manœuvrent dans un nuage de poussière. Les gens partent pour Plaine-Magnien, Rose-Belle, Curepipe, jusqu’à Port-Louis. Il y a de l’animation. La vie éclate dans les boutiques de la grand-rue, dans les magasins de cassettes, les marchands de tissus. Les vendeurs m’appellent: «Souvenir? Gift?» Quand Anna s’appuie sur mon bras, ils s’écartent et nous laissent passer.

Je sens sa fatigue. Son bras tremble un peu, je pense qu’elle a très mal. Elle se laisse tomber sur le siège de la Bluebird en poussant un petit cri qu’elle étouffe en soupir.

«Je suis trop vieille pour faire ça. Tu peux dire que c’est la dernière fois.» Mais ça n’est pas seulement de la fatigue. C’est quelque chose qui la ronge, l’épuisé de l’intérieur. Depuis des années, presque chaque jour, presque à chaque instant, l’idée des chiens errant sur les routes, dans les marchés, tués par les autos et s’entre-dévorant, des chiots mourant de faim dans les tanières.

Dans la touffeur de la chambre, dans le pavillon au fond du jardin du couvent, Anna s’est allongée sur son lit de sangles, sans ôter ses chaussures de cuir. Dans la pénombre, elle paraît pâle, presque livide. En la voyant ainsi, je ne sais pourquoi, j’ai pensé à Rimbaud sur son lit de mort, à l’hôpital de la Conception. C’est vrai que lui aussi empoisonnait les chiens de Harrar, sans doute pas pour les mêmes raisons — mais qui sait?

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