Le linguiste Alain Rey rappelle qu’on disait qu’une personne était « éveillée comme un chat qu’on fouette » et qu’on employait déjà l’expression bien connue « il n’y a pas de quoi fouetter un chat » pour parler d’une faute bénigne ou d’une chose sans importance.
Malheureusement, rien n’indique pourquoi c’est ce pauvre petit félin qui est condamné pour longtemps encore à se faire fouetter. Parce que pour exprimer la même chose, on aurait tout aussi bien pu dire « avoir d’autres pommes de terre à éplucher » ou « avoir d’autres bardeaux à poser sur le toit », par exemple. Alain Rey avance l’idée que « fouetter » serait une déformation de « foutre » (au sens de « baiser »), mais sans apporter de preuves particulières et sans que cela éclaire plus notre lanterne sur la raison de cet autre traitement à infliger au chat.
La version anglaise, to have other fish to fry (avoir d’autres poissons à frire) est déjà plus cohérente, puisque le sort de la plupart des poissons sortis de l’eau est de passer à la poêle.
J’avais demandé à Sydney d’en essayer certains pendant mon absence, mais il avait d’autres chats à fouetter, et je dus m’en charger moi-même à mon retour.
Francis Crick —
Une vie à découvrir — Éditions Odile Jacob — 1989
97. Avoir un chat dans la gorge
Être enroué.
Drôle d’image, tout de même ! Comment le fait d’être enroué a-t-il pu être comparé au fait d’avoir un félin dans la gorge, pauvre bête forcément paniquée, griffant et mordant pour s’échapper de ce lieu étroit et inhospitalier ?
Certains évoquent l’idée que l’enroué parlerait comme le chat ronronne, avec la gorge.
Le linguiste Pierre Guiraud propose une autre explication dans Les locutions françaises : il semble que cela vienne d’une confusion ou d’un jeu de mots entre « matou » et « maton ». Ce dernier terme désignait à l’origine du lait caillé ou les grumeaux de ce lait. Par extension, cela a aussi désigné des amas de poils, de laine, de fibres de papier qui peuvent obstruer des orifices. Or, lorsqu’on a la voix enrouée, c’est souvent qu’on est malade et qu’on a des glaires dans la gorge.
Déplu ? Je voulus lui dire que non. Qu’au contraire, ça m’avait fait plaisir […], mais une sorte de borborygme indistinct et du plus mauvais effet sortit de ma gorge. Je dus tousser plusieurs fois pour éclaircir ma voix car, c’est dur à l’admettre, mais j’avais un chat dans la gorge !
Jean Romain —
Le sixième jour — L’Âge d’Homme — 1993
1. Il n’y a absolument personne.
2. L’endroit est désert.
Ça y est, on va encore m’accuser de donner dans la grivoiserie ! Est-ce ma faute à moi si les Français, au fil des siècles, ont ainsi construit nombre de leurs expressions sur des allusions à des choses situées sous la ceinture ?
Cette locution-là a une explication évidente et une autre qui l’est un peu moins.
Pour la version limpide, il suffit de considérer que les chats se trouvent en général là où il y a des hommes. Car si ces animaux sont très indépendants, ils aiment bien que quelqu’un s’occupe d’eux lorsqu’ils en ont envie, en particulier pour la nourriture.
Donc, si on arrive dans un endroit où il n’y a pas un chat, c’est probablement qu’il n’y a pas un homme non plus. Autrement dit, que l’endroit est désert !
On sait que, depuis au moins le XVI esiècle, le chat désigne le sexe féminin. Ce n’est qu’au début du XIX equ’il est devenu la chatte par simple féminisation du mot précédent, en raison du sexe de la propriétaire. Ainsi, lorsque des jeunes gens en chasse et en rut arrivaient dans un endroit où il n’y avait personne, donc surtout pas de femmes, ils pouvaient dire trivialement « il n’y a pas un chat ».
C’est triste une gare, la nuit, quand il n’y a pas un chat et que tombe sur elle la clarté laiteuse des lampadaires.
Christian Querré —
La falaise de Paimpol — Éditions Jean-Paul Gisserot — 2006
Un homme porté sur les plaisirs sexuels.
Ceux qui ont eu l’occasion d’avoir un clapier avec, au départ, deux lapins, un mâle et une femelle, ont pu assister au miracle de la multiplication des petits lapins. Ils savent en effet que, en raison d’une certaine activité frénétique (dont je tairai les détails, car des oreilles chastes me lisent), les deux lapins ne restent pas longtemps seuls, et qu’il faut assez peu de temps pour que le clapier devienne un peu surpeuplé, sauf si un civet mijote tous les jours, histoire d’éviter que les petites bêtes soient trop à l’étroit.
Il est en effet intéressant de savoir que la gestation d’une lapine ne dure que 31 jours et qu’à peine 24 heures après la mise bas d’une portée, elle peut à nouveau être fécondée, ce que le mâle ne se prive pas de faire s’il en a l’occasion.
On comprend alors qu’on puisse qualifier un homme de chaud lapin dès qu’il se comporte avec la même ardeur que le véritable lapin, le qualificatif « chaud » reprenant le sens associé aux animaux lorsqu’ils sont en rut.
Les femmes comptent beaucoup dans la vie du jeune Liova qui est à la fois un « chaud lapin » et un « cœur d’artichaut », sentimental, romantique et en même temps porté sur les plaisirs du sexe.
Pierre Broué —
Léon Sedov, fils de Trotsky, victime de Staline — Éditions de l’atelier — 1993
100. Ne pas y aller par quatre chemins
1. Aller droit au but, sans user de moyens détournés.
2. Agir sans détour.
Quand vous voulez aller le plus rapidement possible d’un point à un autre, vous choisissez le chemin qui vous semble le plus adapté et vous le suivez. En aucun cas il ne vous viendrait l’idée de passer tour à tour par quatre chemins différents.
Cette expression date du milieu du XVII esiècle. L’idée qu’elle véhicule est très simple : il n’y a qu’un seul chemin pour aller efficacement d’un endroit à un autre [16] La seule exception, c’est quand on veut aller à Rome, puisque, comme chacun sait, tous les chemins y mènent.
; en essayer d’autres ne serait que pure perte de temps. Par extension, il faut faire de même lorsqu’on agit : aller droit au but !
Dans une lettre adressée au « ministre de l’Inculture », la fondatrice de l’association [Brigitte Bardot] n’y va pas par quatre chemins : « Vous venez de faire la plus grosse connerie de votre vie ! », tance-t-elle.
Paris-Match — Article du 27 avril 2011
101. Tous les chemins mènent à Rome
On peut obtenir un même résultat de différentes manières.
Si vous allez de Reims à Madrid, de Biarritz à Francfort, de Montréal à Québec ou bien de New York à Washington, vous constaterez aisément que vous n’êtes pas passé par Rome. On peut donc facilement en déduire que les chemins ne mènent pas tous à Rome, ce qui rend cette expression à priori plus qu’étrange.
En fait, elle fait référence au pèlerinage chrétien vers Rome qui est un des trois principaux pèlerinages avec ceux de la Terre sainte et de Compostelle. Rome est devenue une destination importante peu de siècles après Jésus-Christ. Elle est alors vue comme un point central vers lequel convergent de nombreux chemins, tous menant immanquablement à ce même lieu pour le pèlerin vraiment désireux d’y aller.
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