Frédérick Gersal
Façon de parler ! : Petites et grandes histoires de nos expressions préférées
À Sabine,
quand l’Amour est
l’Expression
de toute une vie.
Raconter des histoires, c’est ce qui m’anime depuis de nombreuses années. Pour cela j’utilise tous les supports possibles avec, pour chacun d’eux, une approche différente.
À la radio, on peut offrir du rêve en laissant vagabonder l’imagination des auditeurs, qui n’est à aucun moment entraînée dans une direction qu’elle ne veut pas prendre.
À la télévision, c’est l’image qui donne l’impulsion en offrant un véritable « spectacle », tandis que les commentaires viennent appuyer le support visuel.
Enfin, avec les livres, on prend le temps de s’installer. L’auteur, de son côté, peut raconter une aventure, en expliquer le déroulement et créer une atmosphère… tandis que le lecteur peut l’interrompre ou même préférer changer l’ordre des chapitres en choisissant de lire celui-ci avant celui-là.
Mais, dans tous les cas, ce qui me passionne, c’est avant tout la convivialité et l’échange que ces moyens de communication peuvent offrir.
C’est pourquoi j’ai envie de partager ma passion pour l’Histoire. L’histoire des femmes et des hommes, mais aussi l’histoire des grands événements et des petits épisodes, et puis, bien sûr, l’histoire des mots et des expressions. D’autant que ce sont les petites et grandes histoires qui m’ont littéralement transporté vers les mots et les expressions et qui m’ont fait partir à la recherche de leurs origines.
Car sans les mots et les expressions, il n’est pas possible de dire, de murmurer, de s’enflammer pour raconter, avec le plaisir de VOUS faire plaisir pour seule et unique joie.
Frédérick Gersal
« À brûle-pourpoint »…, c’est tout de suite, inutile d’attendre pour poser votre question ou dire ce que vous avez envie de dire. Que ce soit une gentillesse ou une méchanceté, n’hésitez pas une seconde !
Ce sens de brusquerie, d’immédiateté, de précipitation, de rapidité, comme s’il fallait coller à la conversation, s’explique parfaitement quand on découvre l’origine de cette expression !
Ce nom de « pourpoint » vient de l’ancien français « pourpoindre ».
Le pourpoint était un vêtement porté sur le haut du corps par les hommes entre les XIII eet XVIII esiècles. Ce nom de « pourpoint » vient de l’ancien français « pourpoindre », c’est-à-dire « pour piquer » ; car à l’origine, cette veste était faite de toiles, piquées l’une sur l’autre, pour donner une certaine épaisseur.
À l’époque où le pourpoint était un vêtement militaire, il n’était pas rare de voir certains soldats tirer avec leur arquebuse, à bout portant. Ils étaient si proches de leurs adversaires, qu’ils en brûlaient leurs pourpoints…
Si vous aussi vous brûlez d’envie de déclarer votre flamme, au lieu de vous consumer lentement dans votre coin, dites-le, faites-le savoir immédiatement… « À brûle-pourpoint »…
Avoir du pain sur la planche
« Avoir du pain sur la planche », c’est avoir bien des choses à faire, ne pas manquer d’activité, ne pas avoir une minute à soi… être débordé !
Le pain dont il est question peut être du pain blanc, du pain bis, du pain aux noix, du pain de mie, du pain de seigle… et il peut se présenter sous différentes formes : la baguette, le bâtard ou la miche !
Mais attention de ne pas confondre ! « La planche à pain » sert à découper le pain une fois qu’il a été parfaitement cuit ; tandis que l’expression : « Avoir du pain sur la planche » désigne, avant tout, le travail du mitron et du boulanger…
« Avoir du pain sur la planche », c’était avoir des réserves, des provisions !
Suivant l’époque où l’on se situe, cette planche n’a pas eu le même rôle.
Avant le XX esiècle, il s’agissait d’une planche, installée sous le plafond de la cuisine, sur laquelle on plaçait ses pains cuits d’avance. « Avoir du pain sur la planche », c’était avoir des réserves, des provisions !
Depuis le XX esiècle, cette planche désigne celle sur laquelle le boulanger a placé sa pâte parfaitement préparée avant de la glisser dans son four. Pour vendre son pain et gagner sa croûte, le boulanger a encore du travail, il a « du pain sur la planche »…
« Avoir maille à partir » signifie avoir un différend avec quelqu’un, être en opposition, ne pas s’entendre sur un sujet précis, bref… ne pas être d’accord !
Cette maille dont il est question n’a rien à voir avec la maille des chevaliers du Moyen Âge. Rien à voir non plus avec les célèbres mailles à l’endroit et à l’envers des tricoteuses. Et ne cherchez pas à passer entre les mailles du filet, vous feriez fausse route !
Cette maille est en fait un terme monétaire. Ce mot d’origine latine signifie : une moitié, un demi. Au Moyen Âge, la maille équivaut à un demi-denier !
Mais attention au contresens : « Avoir maille à partir » ne signifie pas partir avec l’argent. Car ce verbe « partir » n’est pas synonyme de : s’en aller, mais plutôt de : partager !
Ne cherchez pas à passer entre les mailles du filet, vous feriez fausse route !
« Avoir maille à partir » pourrait se traduire par : « Avoir un demi-denier à partager. » Or, c’était impossible, car sous le règne des rois capétiens, la maille était la plus petite monnaie existante !
Vouloir partager une pièce de monnaie indivisible est irréalisable. Du coup le ton monte, la discussion s’envenime, les protagonistes se fâchent… c’est suffisant pour « avoir maille à partir »…
« Avoir un violon d’Ingres » signifie avoir une activité, un passe-temps, une occupation… ou plus exactement une passion, qui fut à l’origine plutôt artistique.
Dans cette expression : « Avoir un violon d’Ingres », on retrouve à la fois le mot : violon — célèbre instrument, cher à Stradivarius, le maître de Crémone — et le nom Ingres.
Entre les deux, son cœur a longuement balancé.
Jean, Auguste, Dominique Ingres est né à Montauban en 1780. Dès son plus jeune âge, il est choyé par les muses. Il semble doué à la fois pour l’art pictural et pour l’art musical et il a la chance d’avoir un père qui lui enseigne en même temps le dessin et le violon.
D’ailleurs, il hésite pendant longtemps entre le pinceau et l’archet ; entre la toile et la partition ; entre la gamme des couleurs et les notes de la gamme ; entre le « dos » académique et le « do » mélodique…
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