Karine Giébel - Juste une ombre

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Juste une ombre: краткое содержание, описание и аннотация

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Tu te croyais forte. Invincible. Installée sur ton piédestal, tu imaginais pouvoir régenter le monde.
Tu manipules ? Tu deviendras une proie.
Tu domines ? Tu deviendras une esclave.
Tu mènes une vie normale, banale, plutôt enviable. Tu as su t’imposer dans ce monde, y trouver ta place.
Et puis un jour…
Un jour, tu te retournes et tu vois une ombre derrière toi.
À partir de ce jour-là, elle te poursuit. Sans relâche.
Juste une ombre.
Sans visage, sans nom, sans mobile déclaré.
On te suit dans la rue, on ouvre ton courrier, on ferme tes fenêtres.
On t’observe jusque dans les moments les plus intimes.
Les flics te conseillent d’aller consulter un psychiatre. Tes amis s’écartent de toi.
Personne ne te comprend, personne ne peut t’aider. Tu es seule.
Et l’ombre est toujours là. Dans ta vie, dans ton dos.
Ou seulement dans ta tête ?
Le temps que tu comprennes, il sera peut-être trop tard…
Tu commandes ? Apprends l’obéissance.
Tu méprises ? Apprends le respect.
Tu veux vivre ? Meurs en silence…
Karine Giébel a reçu le Prix Marseillais du Polar en 2005 pour
, son premier roman ; le prix Intramuros, le prix Polar SNCF et le prix Derrière les murs pour
.
Meurtres pour rédemption Ses livres sont traduits dans plusieurs pays, et, pour certains, en cours d’adaptation audiovisuelle.
Juste une ombre

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— Son père est mort, sa mère à l’hosto… Alzheimer. Elle se souvient même plus de lui.

Gomez réalise qu’il ne savait quasiment rien de Laval.

Je suis le dernier des salopards. Une ordure, comme Bashkim finalement.

— Il avait une copine, non ?

— Je crois pas, répond Villard. En tout cas, il ne nous en avait jamais parlé et personne ne s’est manifesté.

Gomez se souvient de la belle histoire d’amour, racontée entre deux bières au pub. Une fable, sans doute, inventée pour lui faire plaisir. Car le Gamin s’intéressait à lui. Il était généreux. Intelligent et drôle.

C’était un mec bien. Et je l’ai tué.

— Tu devrais rentrer chez toi, ajoute le capitaine.

Il ne lui propose pas de revenir au bureau. Ils n’ont plus besoin de lui.

— Pour quoi faire ?

— Et ici, tu restes pour quoi faire ? Tu comptes le réanimer en moisissant dans ce couloir ?

Alexandre serre les dents, son visage se durcit encore.

— Fous-moi la paix.

Puis, sans crier gare, c’est l’attaque. Celle que Gomez attendait depuis un moment déjà.

— Qu’est-ce qui t’a pris d’intervenir dans ces conditions, hier soir ? Pourquoi tu nous as pas appelés ? T’es devenu barge, ou quoi ?

Cette fois, ce sont les poings que serre le commandant.

— J’ai toujours été barge.

— Peut-être. Mais avant, tu ne jouais pas avec la vie de tes hommes.

— Fous le camp.

Villard se lève, considérant son chef avec une colère mâtinée de tristesse.

— Tu perds les pédales, Alex.

— Dégage, je te dis.

Gomez se met debout à son tour, jaugeant son adversaire. Conscient qu’il ne fait pas le poids face au commandant, Villard abandonne la lutte. De toute façon, lui mettre son poing dans la figure ne ressusciterait pas Laval.

— Je reviens demain. Je dois assurer l’intérim. S’il y a du nouveau, appelle-moi. Même si c’est une mauvaise nouvelle et que c’est au milieu de la nuit.

— Bien sûr, acquiesce Gomez.

Il regarde s’éloigner son adjoint avec l’envie de le rattraper, de s’excuser. De lui dire à quel point il a mal, lui aussi.

— Commandant ?

Alexandre tourne la tête vers le médecin qui s’est approché en silence.

— Vous pouvez le voir quelques instants, si vous le souhaitez.

Son cœur s’emballe. Alors qu’il le croyait mort.

Ils s’engagent dans un de ces fameux couloirs, un autre.

— Je préfère vous prévenir, commandant, vous risquez d’être choqué.

— J’étais avec lui quand c’est arrivé, rappelle Gomez.

— Mais là, c’est pire, annonce le toubib. Alors accrochez-vous.

Le médecin ouvre une porte, Gomez le suit.

— Impossible de rentrer, vous pouvez le voir à travers la vitre.

Gomez s’approche de la cloison de verre et comprend soudain ce qu’a voulu dire l’interne.

Pire, oui.

Monstrueux, même.

Laval est méconnaissable. Son visage n’a plus grand-chose d’humain. Difforme, effrayant. Une gueule de noyé repêché au bout de quinze jours. Cerné d’engins barbares, des aiguilles plantées dans chaque bras, un tuyau enfoncé dans la gorge, le Gamin ressemble à un amas de chairs à vif. Son torse en partie bandé se soulève au rythme de la machine.

— Il… souffre ? murmure Gomez.

Le toubib observe lui aussi son patient. Avec l’indispensable indifférence.

— Il est dans le coma. Je ne peux pas vraiment vous dire. On fait ce qu’il faut pour soulager la douleur en tout cas.

— S’il s’en sort… comment… comment sera-t-il ?

— Là non plus, je ne peux pas vous dire. La seule chose certaine, c’est qu’il ne marchera plus jamais normalement. On a été obligés…

Gomez ferme les yeux un instant. Les rouvre aussitôt. Il doit le regarder. Affronter.

— On a été obligés de l’amputer d’une jambe, poursuit le médecin. Au niveau du genou. Pour les autres séquelles, il faudra attendre son réveil pour être fixé. Mais je ne vous cache pas que les chances qu’il revienne sont assez minces. Toutefois, rien n’est désespéré. Il est jeune, en bonne santé… Enfin, il était en bonne santé, je veux dire. Une solide constitution. Alors, le miracle peut se produire.

Il y a bien longtemps qu’Alexandre ne croit plus aux miracles.

— Il faut que je vous laisse. Vous avez dix minutes. Ensuite, merci de retourner dans le couloir pour ne pas gêner le service. Bon courage, commandant.

Gomez reste pétrifié derrière la vitre. Il y pose ses deux mains à plat, puis son front.

— Accroche-toi, Gamin. Ne meurs pas, s’il te plaît.

Les larmes arrivent, creusant un sillon d’humanité sur ce visage de pierre.

— Je te demande pardon… Tu m’entends ? Oui, je sais que tu m’entends. C’est pas vraiment ma faute, tu sais. C’est à cause de Sophie… Non, je n’ai pas d’excuses, tu as raison. Je voudrais tellement être à ta place !

— Monsieur, il ne faut pas rester là, ordonne une voix féminine.

L’infirmière le prend par les épaules, le reconduit vers la porte. Il se laisse faire, incapable de la moindre rébellion.

— Vous croyez qu’il pourra me pardonner ?

La femme le considère d’un air désolé. Elle ouvre la porte, le pousse doucement vers la sortie.

Un petit vent frais permanente l’eau grise. Aussi grise que le ciel.

Cloé marche lentement, tout au bord de la rivière, étrangère aux bruits, à l’agitation, à la vie.

De temps en temps, elle jette un œil derrière elle. Bien sûr, elle ne le verra pas. C’est lui qui choisit de se montrer ou pas. Lui qui décide. Qui mène ce jeu de massacre à sa guise.

Elle, n’est qu’un pion, une proie, un gibier.

Sa chose, déjà.

Elle a fui sa maison alors que midi sonnait. N’a pas songé une seule seconde à rejoindre le bureau, ni même à appeler Pardieu. Qu’ils aillent au diable.

Par contre, elle a laissé plusieurs messages à Bertrand et attend désormais qu’il la rappelle.

Il viendra la prendre dans ses bras. La rassurer, l’apaiser. L’aimer.

Elle a pris sa voiture, sans destination précise. A roulé un moment et s’est retrouvée là par hasard. À moins que ce soit lui, encore, qui l’ait guidée jusqu’ici.

Qu’a-t-elle fait pour mériter ça ? Quelle faute a-t-elle commise pour se voir infliger un tel châtiment ?

Elle s’assoit sur un banc, regarde passer une péniche chargée jusqu’à la gueule.

J’ai tué Lisa. J’ai détruit ma petite sœur, ma propre sœur. Elle que je devais protéger.

Alors, j’ai forcément mérité de souffrir.

Alexandre a finalement pris la fuite. Besoin d’air. Urgent.

L’image de Laval sur son lit d’hôpital, ou lit de mort, refuse de s’estomper. Elle crève l’écran de ses pensées. S’impose en relief, en couleurs, en horreur.

Il stoppe la voiture, descend directement sur les bords de Marne.

Marcher, respirer.

Rien ne le soulagera, pourtant. De sa faute, de sa peine, de sa souffrance.

Il avance, tel un robot, une effroyable rengaine en tête.

C’est alors que le choc se produit.

Cette femme, qui semble aussi perdue que lui. Assise sur un banc.

Gomez s’immobilise. Elle ressemble tellement à…

Est-ce qu’il rêve ? En est-il au stade des hallucinations, déjà ?

Un signe ? Un message ?

L’inconnue se lève, prend son sac et se dirige droit sur lui d’un pas lent. Sans même le voir.

Mais au moment où ils se croisent, leurs regards s’effleurent. Leurs yeux sont lourds, leurs malheurs proches, il le sent.

Gomez se retourne tandis qu’elle s’éloigne. La ressemblance avec Sophie est si frappante qu’il manque défaillir.

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