Karine Giébel - Les morsures de l'ombre

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Les morsures de l'ombre: краткое содержание, описание и аннотация

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Une femme rousse, plutôt charmante. Oui, il se souvient. Un peu… Il l’a suivie chez elle… Ils ont partagé un verre, il l’a prise dans ses bras… Ensuite, c’est le trou noir. Quand il se réveille dans cette cave, derrière ces barreaux, il comprend que sa vie vient de basculer dans l’horreur. Une femme le retient prisonnier. L’observe, le provoque, lui fait mal.
Rituel barbare, vengeance, dessein meurtrier, pure folie ?
Une seule certitude : un compte à rebours terrifiant s’est déclenché.
Combien de temps résistera-t-il aux morsures de l’ombre ?
Ça ressemble a un jeu. Le premier qui bouge a perdu. Dans ce roman noir magistral et tendu à l’extrême, Karine Giébel nous entraîne dans un huis clos glaçant au cœur de la folie. Un livre dont on ne ressort pas indemne.

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Si je veux m’en tirer, va falloir adopter un profil bas… Ou bien l’inverse. Car peut-être que si je cède, elle ne voudra plus jouer et me butera…

Benoît enroule ses bras autour de son corps, remue les jambes pour se décongeler.

Il tente de réfléchir. Pas évident en hypothermie !

Comprendre ce qu’elle me veut, si toutefois il y a quelque chose à comprendre… Mais même la plus grande des folies a son mécanisme. Sa logique.

Il faut que je devine ce qui la motive.

Se frayer un chemin dans les méandres de la pensée adverse, percer une brèche dans cet imprenable bastion. Y entrer, tel un cheval de Troie, pour le dynamiter de l’intérieur.

Devenir un fin stratège, doublé d’un psychiatre de génie, mission difficile pour un simple flic… qui plus est un simple flic en caleçon et en cage !

Quoi qu’il en soit, cette salope me le paiera. Si je m’en sors, je jure qu’elle me le paiera…

Cultiver la haine… Elle, capable d’aider à supporter tant de choses. Cet extraordinaire dopant, plus efficace encore que la vitamine C, les amphét’ ou la coke…

La porte grince, la lumière s’allume.

Matinale la Bête, aujourd’hui ! Pressée de constater les dégâts d’une nuit d’insomnie glacée sur sa victime. Elle se présente, une tasse de café fumant à la main. Toujours aussi jolie, déjà apprêtée.

Soudain, un flash : il l’a déjà vue. Et ailleurs que dans cette cave.

Mais si elle le suit depuis des semaines, rien d’étonnant à cela… Il peut l’avoir croisée n’importe où : dans un troquet, une rue, ou même dans le reflet de son rétroviseur. Il essaie de se rappeler tandis qu’elle lui sourit. Un sourire tout en douceur venimeuse.

— Bonjour, commandant…

Il serre les dents, pour les empêcher de s’entrechoquer. Espère que le café est pour lui.

Elle s’assoit, en boit une gorgée, le provoquant par ce simple geste. Mais il tient bon. Ne lui donne ni insulte, ni supplique.

— Vous avez une sale tête, Benoît !… Vos maîtresses vous trouveraient beaucoup moins séduisant si elles vous voyaient comme ça !

Elle s’octroie encore un peu du précieux arabica.

— Vous en voulez ? Il est très bon, vous savez…

— Je n’en doute pas.

Il s’efforce de contrôler sa voix qui a tendance à trembler sous les morsures du froid.

— Mais il faut d’abord que vous me présentiez vos excuses pour hier…

— M’excuser ? Et pourquoi ?

— Pour m’avoir insultée, peut-être ! Je t’emmerde, va te faire foutre… Toutes ces gentillesses que l’on dit pas à une femme lorsque l’on est un homme doué de galanterie !

Il se refuse à offrir quoi que ce soit. Elle s’approche des grilles, la tasse bien en évidence.

— Allez, Benoît, viens chercher…

Il tourne la tête vers le soupirail.

— Tu veux pas t’abaisser à ça, n’est-ce pas ? T’es trop fier… Mais dans quelques jours, peut-être quelques heures, je t’aurai fait ravaler ta fierté. Il n’en restera rien. Pas même un soupçon.

— C’est ça ton plan ? M’humilier ? Tu crois que je vais ramper, peut-être ?

— Sans doute… Les larves, ça rampe.

— Les larves, oui. Pas moi. Désolée, chérie ! Encore une gorgée.

— Vraiment délicieux, ce café… T’es sûr que t’en veux pas ?

— Tu peux te le mettre où je pense, ton jus !

— Tu es grossier, Benoît…

— Oh pardon, mademoiselle ! Mais ça m’arrive, surtout quand on me casse les couilles, d’ailleurs !

— Tu sais, je peux t’abandonner au froid ou à la faim… Ta vie dépend de moi.

— Eh bien, laisse-moi crever, c’est pas un problème ! Je préfère mourir plutôt que de jouer au clebs devant toi !

— Oh… Mais on dirait que tu as déjà oublié la petite leçon d’hier soir ! Tu veux que j’aille chercher ton revolver, Benoît ? Il est là, derrière moi… A portée de main.

Il ferme les yeux. Marche arrière, vite. Blessé, il ne survivrait pas longtemps.

— OK, je m’excuse de t’avoir insultée… De t’avoir traitée de salope, et tout le reste.

— Ça ne semble pas du tout sincère !… Un petit effort, commandant !

Il trouve la force de sourire à son tour. Se lève, avec difficulté. Elle ne bat pas en retraite. De toute façon, il ne tentera pas de l’attraper. Il a compris que les clefs ne sont pas là. Que la solution n’est pas là.

Ils sont face à face, leurs mains pourraient se toucher, accrochées aux mêmes barreaux.

— Dis-moi, Lydia, j’ai l’impression de te connaître… Je t’ai déjà vue quelque part, non ?

— Le jour où nous nous sommes rencontrés, sans doute… Il y a trois mois déjà.

Trois mois qu’elle m’épie ? Et je n’ai rien vu, rien soupçonné. Je ne suis décidément pas un bon flic. Ou alors, elle possède un talent particulier pour la filature !

— J’étais venue à ton commissariat, pour porter plainte. On avait volé ma voiture.

— C’est moi qui ai pris ta plainte ? Non, je m’en souviendrais… Tu es si jolie qu’on ne peut pas t’oublier !

— Tu me joues ton numéro de charme ?

— Non, je le pense vraiment…

— Effectivement, ce n’est pas toi qui as pris ma déposition. C’est une femme qui m’a reçue. Une jeune, un peu revêche ! Le capitaine Fashani, je crois… Mais tu es entré dans son bureau, juste quand j’en sortais. Nous nous sommes croisés, quelques secondes…

— Ah… Et c’est là que tu as décidé de me tuer ? Aurais-je oublié de te saluer ? Ou… est-ce parce que ma collègue n’a pas retrouvé ta bagnole ?!

Elle effleure son cou, descend doucement tout en le fixant.

Il ne bronche pas. Ça lui procure une agréable sensation de chaleur. Curieux.

— Tu es froid comme la mort, Benoît… Mais je te préfère sans barbe. J’ai horreur des mecs mal rasés !

— File-moi un rasoir et je te promets de remédier à ça !

— Je vais y réfléchir.

— J’ai droit à mon café ?

Elle a toujours une main sur lui, il a envie de lui briser les doigts. Ou de la dévorer. La fringale, sans doute, qui continue à le tenailler. Envie d’autre chose, aussi. Inexplicable attirance.

Lydia prend la tasse, la lui donne. Elle est vide.

— Bonne journée, chéri !

Réunion de crise au commissariat. Le capitaine Djamila Fashani mène la danse. Ils font le point sur leurs investigations.

— Qu’a donné l’enquête de voisinage, lieutenant Thoraize ? demande-t-elle d’un ton autoritaire.

Éric Thoraize, un des fidèles acolytes du commandant Lorand. Son adjoint le plus précieux. Et surtout, son ami intime.

— Rien du tout, résume-t-il. Rien d’intéressant… Des potins de quartier, guère plus !

— Vous avez pu interroger tout le monde ? s’inquiète Fabre. Vous êtes certains de n’avoir négligé personne ?

Thoraize le toise froidement. Il croit qu’il va nous apprendre notre métier, celui-là ?! Il nous prend pour des débutants ?

— Oui, commandant, tout le monde, rétorque-t-il courtoisement. Enfin presque tout le monde…

— Comment ça, presque ?

Le lieutenant est ravi : monsieur je sais tout vient de tomber dans le panneau.

— Il y a une mamie qu’on n’a pas pu interroger, précise-t-il sous le regard amusé de ses équipiers. La voisine directe des Lorand… Mais c’est parce qu’elle est à l’hosto !

— Qu’attendez-vous pour aller la voir ?! insiste le Parisien.

— Vous savez, commandant, la dame est en réanimation, en train de casser sa pipe ! Et elle a été admise aux urgences bien avant la disparition de Ben ! Mais si vous y tenez, je peux toujours aller au service des soins intensifs, tenter de la réveiller et la cuisiner pour savoir ce qu’elle a fait du commandant Lorand ! Peut-être que je serai plus efficace que les toubibs !!

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