Karine Giébel - Les morsures de l'ombre

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Les morsures de l'ombre: краткое содержание, описание и аннотация

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Une femme rousse, plutôt charmante. Oui, il se souvient. Un peu… Il l’a suivie chez elle… Ils ont partagé un verre, il l’a prise dans ses bras… Ensuite, c’est le trou noir. Quand il se réveille dans cette cave, derrière ces barreaux, il comprend que sa vie vient de basculer dans l’horreur. Une femme le retient prisonnier. L’observe, le provoque, lui fait mal.
Rituel barbare, vengeance, dessein meurtrier, pure folie ?
Une seule certitude : un compte à rebours terrifiant s’est déclenché.
Combien de temps résistera-t-il aux morsures de l’ombre ?
Ça ressemble a un jeu. Le premier qui bouge a perdu. Dans ce roman noir magistral et tendu à l’extrême, Karine Giébel nous entraîne dans un huis clos glaçant au cœur de la folie. Un livre dont on ne ressort pas indemne.

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Oui, quelqu’un a souhaité lui infliger une mort atroce, terrifiante.

Sans se salir les mains. Sans même affronter son regard.

Quelqu’un qui doit vraiment le haïr…

L’aurore abreuve la forêt de ses pâles lueurs.

Une ombre slalome au milieu des arbres encore endormis.

Aujourd’hui est un jour particulier. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la petite Géraldine. L’anniversaire de sa mort, en tout cas.

La silhouette s’agenouille sur la tombe de fortune. Pas de marbre ou de pierre, ici. Un simple sarcophage de terre humide.

Sur lequel l’assassin vient déposer son offrande.

Une fleur, une seule, comme toujours. Comme chaque année.

Joachim effleure le sol, murmure à l’oreille de la fillette disparue, engloutie. Lui rappelle l’amour qu’ils ont partagé, pendant quelques heures.

— Tu vois, je ne t’oublie pas… Je pense encore à toi…

Macabre commémoration.

Il se relève, frissonne sous les assauts du coup de gel matinal, contemplant encore la sépulture qu’il est le seul à connaître. Puis il s’éloigne doucement, se volatilisant dans l’aube.

Bientôt, à deux cents kilomètres de là, du côté d’Osselle, pas très loin de chez lui, il ira rendre visite à une autre de ses âmes blanches.

Bientôt, le 6 janvier, il n’oubliera pas Aurélia. Sa plus jolie proie, son festin le plus royal, du temps où il n’était encore qu’une bête sans pitié.

Hôtel de police de Besançon, 14. heures

Fabre, arrivé ce matin à la gare après un week-end prolongé en famille, se demande soudain pourquoi il est revenu ici.

Parce qu’un flic manque à l’appel.

Mais l’espoir de le retrouver vivant s’amenuise chaque jour un peu plus.

Alors, au moins s’efforceront-ils de ramener son cadavre. Ils lui doivent bien ça. À lui comme à sa famille.

Dans le petit bureau qu’on lui a alloué, il réfléchit. Tentant de détecter l’erreur qu’ils ont commise. Le détail négligé.

Il est persuadé que cette disparition n’a rien à voir avec sa vie professionnelle. Qu’il faut chercher du côté privé. D’ailleurs, faute de la moindre preuve, ils ont dû relâcher José Duprat et sa copine.

Ils repartent donc de zéro.

Auguste ouvre le dossier, décide de le relire depuis le début.

— Qu’est-ce qui a bien pu nous échapper, nom de Dieu ?!

Le visage de Gaëlle le harcèle sans cesse. Cette épouse bafouée, humiliée tant de fois.

À sa place, n’aurait-il pas eu envie de vengeance ? Djamila apparaît à l’entrée de son cagibi.

— Bonjour, capitaine Fashani…

— Bonjour. Vous êtes déjà au boulot, à ce que je vois…

Il la dévisage un instant, avec une certitude au fond des yeux.

Dans cette histoire, la clef est une femme. Ce n’est pas un crime crapuleux. Non. C’est passionnel.

— Croyez-vous madame Lorand capable de se débarrasser de son mari infidèle ? lance-t-il de façon abrupte.

Djamila s’assoit en face de lui, un peu interloquée apparemment.

— Je… J’avoue que j’y ai pensé, moi aussi… Mais elle a un bon alibi.

— Et si elle avait payé quelqu’un pour le sale boulot ?…

— Réveille-toi, Ben…

En ouvrant les yeux, il devine un visage penché sur lui, dans un halo de clarté.

— Gaëlle, c’est toi ? murmure-t-il avec espoir.

Lydia caresse son front. Enfin, la brume tenace se déchire, il la reconnaît. Pousse un cri.

— Du calme… N’aie pas peur !

Il essaie de bouger les bras, réalise qu’il est à nouveau menotte dans le dos, allongé dans son cachot, tout près du mur. Son épaule droite le martyrise, lui rappelant brutalement les épisodes récents de l’enfer qu’est devenue son existence.

— Tu étais dans les vapes, alors, je suis entrée…

— Qu’est-ce que tu vas me faire ? s’angoisse une voix meurtrie.

— Pour le moment, je vais t’empêcher de mourir. Ensuite, on verra… J’ai quelques idées… !

Elle l’aide à s’asseoir contre le mur ; il considère, hébété, la serviette de bain écarlate qui gît sur le sol. Il a perdu tant de sang ? Et il est encore vivant ?

Lydia déboutonne sa chemise, la décolle de la plaie sanguinolente.

— Bonne idée, la serviette ! Sinon, je crois que tu serais mort, déjà…

— Et alors ?

— Alors, c’est moi qui dis quand tu meurs. Moi et moi seule…

— Fallait pas me tirer dessus…

— Fallait pas t’enfuir. Ou me mentir.

— Oui, je t’ai menti.

— Heureuse de l’entendre. Je vois que tu deviens raisonnable…

— Je t’ai menti lorsque j’ai raconté que j’avais assassiné Aurélia ! Je n’ai jamais tué ni violé personne… Le seul mort que j’ai sur la conscience, c’est un type que j’ai buté en service. En légitime défense.

Le visage de Lydia se métamorphose.

— T’as de la chance d’être à l’agonie… Mais dès que ça ira mieux, je te ferai bouffer tes mensonges, Ben !

Elle prend une bassine pleine d’eau chaude, des compresses, commence à nettoyer la blessure.

— La balle n’est pas ressortie, explique-t-elle avec détachement. Tant pis, tu la garderas en souvenir de moi…

Il ferme les yeux, serre les dents, geint de douleur. Elle désinfecte sans ménagement, avec un truc qui brûle ses chairs. Il essaie de la repousser avec les jambes, s’épuise rapidement.

— Tu devrais pas bouger comme ça…

— Va te faire foutre !

— Doucement… Sinon, je te calme avec un petit électrochoc. Compris, commandant ?

Il y a longtemps qu’elle ne l’a pas appelé ainsi. Ça lui rappelle qu’il a été flic, dans une autre vie. Elle pose une gaze sur la plaie, des pansements étanches par-dessus. Contemple le résultat avec une apparente satisfaction.

— Je crois que j’aurais fait une excellente infirmière ! dit-elle en souriant.

— Si tu continues comme ça, tu feras une excellente meurtrière… Et une excellente détenue, aussi ! Qui aura pris perpète.

— Allons, commandant ! Vous me sous-estimez ! Je vous rappelle que vos petits copains pataugent depuis des jours et des jours et qu’ils ne vous ont toujours pas retrouvé !

Il tente de lui flanquer un coup de pied, rate sa cible.

— Ne sois pas mauvais joueur, mon grand !

Mon grand ? Bientôt, elle l’appellera mon petit ou pourquoi pas mon amour… Complètement déjantée !

— Tu sais que tu es vraiment sexy comme ça ? lance-t-elle d’une voix moqueuse.

Elle passe un doigt impudique sur les scarifications, effleure ses hématomes impressionnants. Remonte jusqu’à la plaie.

— Toutes ces cicatrices, c’est vachement viril ! Dommage, ta fidèle épouse ne pourra pas les voir ! Je suis sûre que ça lui aurait plu…

— T’es complètement barge !

— Oui. Mais c’est par ta faute, Ben… N’oublie jamais ça. C’est toi qui m’as rendue folle.

Elle vide la bassine d’eau rougeâtre dans les chiottes, sort de la cage, remonte à l’étage. Il sait qu’elle va revenir très vite, vu qu’elle n’a pas fermé la porte. Mais il n’a même plus la force de se lever pour tenter une sortie.

Elle réapparaît, quelques minutes plus tard, avec un plateau qu’elle dépose devant lui.

Un bol de soupe lyophilisée, une cuillère en plastique, un verre d’eau et quelques comprimés.

— Tu as même le droit à un repas ! annonce-t-elle.

— T’appelle ça un repas ? grogne Lorand.

— Si t’en veux pas, je peux toujours le ramener.

Il préfère se taire. Elle sort du cachot, ferme la porte à double tour.

— Je vais manger sans les mains ?!

— Approche-toi, je vais te détacher.

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