Karine Giébel - Les morsures de l'ombre

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Les morsures de l'ombre: краткое содержание, описание и аннотация

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Une femme rousse, plutôt charmante. Oui, il se souvient. Un peu… Il l’a suivie chez elle… Ils ont partagé un verre, il l’a prise dans ses bras… Ensuite, c’est le trou noir. Quand il se réveille dans cette cave, derrière ces barreaux, il comprend que sa vie vient de basculer dans l’horreur. Une femme le retient prisonnier. L’observe, le provoque, lui fait mal.
Rituel barbare, vengeance, dessein meurtrier, pure folie ?
Une seule certitude : un compte à rebours terrifiant s’est déclenché.
Combien de temps résistera-t-il aux morsures de l’ombre ?
Ça ressemble a un jeu. Le premier qui bouge a perdu. Dans ce roman noir magistral et tendu à l’extrême, Karine Giébel nous entraîne dans un huis clos glaçant au cœur de la folie. Un livre dont on ne ressort pas indemne.

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— Tu as froid, Ben ?

— Oui, j’ai froid…

Il claque même des dents.

Elle se recolle contre lui, comme hier soir. Passe ses bras autour de son cou, ses genoux autour de ses hanches.

Une chaleur qui l’apaise, cette fois. Malgré la peur.

— Je me sens seule…

Surtout, ne pas l’énerver. Ne pas la repousser.

— Moi aussi…

Enfin, il cesse de trembler. Se réchauffe avec le pull de Lydia, avec le visage de Lydia contre le sien. Au bout d’un moment, elle pèse un peu plus lourd.

Il comprend qu’elle s’est assoupie. Ne comprend pas pourquoi.

Elle dort encore lorsqu’il ouvre les yeux. Il n’a plus froid mais toujours aussi faim.

Il lui boufferait bien la joue, planterait volontiers ses crocs dans son cou.

Mais il n’est pas encore devenu un animal, possède toujours des gènes d’humain civilisé qui traînent quelque part.

Qu’est-ce que je fous là ? Avec ma tortionnaire endormie sur moi ?

Peut-être que tout cela n’est pas réel ? Que ce n’est qu’un cauchemar ?…

Elle ressuscite enfin, surprise de s’être laissée aller contre lui. Contrariée, même, par sa propre faiblesse.

Il s’attend à des représailles. Essaie de désamorcer la bombe.

— Tu es très jolie, même au réveil…

Elle apprécie le compliment, visiblement. Son visage se radoucit. Elle caresse sa barbe naissante.

— C’est dommage, murmure-t-elle. Dommage que tu sois mon ennemi…

— Je ne suis pas ton ennemi, Lydia ! On ne se connaît même pas…

— Tu te trompes. Je rêve de toi toutes les nuits depuis si longtemps… Depuis que tu as détruit ma vie. Les yeux de Benoît s’arrondissent de surprise. D’incompréhension.

— Oui, dommage… Parce que je crois qu’on aurait pu se plaire, toi et moi. Si tu n’étais pas la pire des ordures !

— Mais… Je te jure que…

Elle pose un doigt sur sa bouche. Le forçant à se taire.

— Tu caches bien ton jeu, remarque ! Avant de te rencontrer, je ne t’imaginais pas du tout comme ça ! Je voyais un monstre hideux, pas une belle gueule dans ton genre… Mais que tu sois beau ne changera rien, Ben. Ça ne pourra pas te sauver…

— Je ne comprends pas, Lydia. Explique-moi, s’il te plaît… Que je sache pourquoi je souffre ! Ce que tu as à me reprocher…

Elle se recoiffe en passant une main dans ses cheveux rebelles. Puis elle l’enferme à nouveau.

— Lydia, s’il te plaît ! Explique-moi !… Détache-moi, au moins… Lydia ?

La porte grince. Il a parlé dans le vide.

Le commissaire Moretti est un adepte des colères. Des grosses colères. Ce matin, ils savent qu’ils vont y avoir droit. Une mémorable.

Parce qu’ils n’ont rien. Pas le moindre indice. Pas la moindre avancée dans l’enquête. Que dalle.

Lorand s’est volatilisé. Évaporé. Comme par magie.

Alors, ils subissent le courroux du patron sans broncher. Une cascade de reproches qui semble masquer une angoisse démesurée.

Il décide que c’est Fabre qui dirigera l’enquête, désormais. Djamila ne sera plus que son adjointe. La jeune femme encaisse l’humiliation publique en silence, tandis que le Parisien ne cache pas son embarras.

Quand il s’est bien défoulé, le boss claque la porte de la salle de réunion ; abandonnant derrière lui des policiers muets. Assommés par les blâmes. Par l’échec aussi.

Quatre jours que leur chef a disparu. Et ils n’ont même pas l’ombre d’un vague début de piste. Djamila se ressaisit.

— Bon, ne nous laissons pas abattre, messieurs ! On va tout reprendre depuis le début… Il y a forcément quelque chose qui nous a échappé.

— De toute façon, il est sans doute mort, maintenant, murmure une voix faible.

Djamila ouvre la bouche pour remettre le gardien de la paix à sa place. Mais elle renonce, finalement. Peut-être n’y croit-elle plus, à son tour.

— Il ne faut pas baisser les bras ! s’offusque soudain Fabre. Et puis… Même s’il est mort, il faut le retrouver. Et on n’a pas de temps à perdre.

D’habitude, le vendredi soir, ils sortent. Sauf quand il est pris par une enquête. Ou une maîtresse. Oui, le vendredi, c’est leur soir en amoureux.

Ils déposent Jérémy chez la nounou, puis s’offrent un bon resto, un ciné ou un spectacle. Ensuite, ils s’aiment. Comme au premier jour.

Ce soir, on est vendredi. Gaëlle n’est pas là.

Menotte à une grille, seuls le froid et la faim lui chuchotent des effrois à l’oreille. La douleur, aussi. Celle qui monte et descend dans ses bras. Il ne l’a pas vue de la journée. Peut-être ne la reverra-t-il plus jamais ? Et pourrira lentement dans cette cave.

Un jour lointain, on découvrira un squelette menotte aux barreaux. Un légiste procédera à l’identification, grâce à son dossier dentaire.

Ça y est, on a retrouvé le commandant Lorand ! Il aura droit à des funérailles nationales, grandioses.

Ouvrez le ban !

La Légion d’honneur et la médaille du courage épinglées sur le petit coussin mauve, le drapeau bleu, blanc, rouge qui ornera son classieux cercueil en chêne, porté par les collègues en uniforme.

Il sera nommé commissaire à titre posthume. Même pas besoin de réussir le concours… Génial…

Fermez le ban !

D’habitude, le vendredi, c’est une belle soirée. Ce soir, il est dans le noir complet, avec le rectangle gris clair du soupirail en ligne de mire. Avec le désespoir en toile de fond. Le désespoir, voire la folie.

Oui, s’il reste là des jours et des jours, il va devenir fou.

Même si elle le laisse sortir, il sera cinglé. Comme elle.

Il réalise que sa vie ne sera plus jamais la même. À condition qu’il s’en sorte.

Il restera traumatisé.

Alors qu’il n’a pas trente-cinq ans…

Alors qu’il était promis à une belle carrière…

Alors qu’il aimait sa femme, les femmes, son fils, ses parents.

Alors qu’il avait des amis.

Alors qu’il était presque heureux.

Qu’il aimait bouffer, boire, rire, baiser.

Qu’il aimait son métier. Le danger.

Oui, il aimait même la peur, celle qui file des shoots d’adrénaline dans le sang.

Le verbe aimer se conjugue désormais à l’imparfait.

Non, il ne s’en remettra jamais.

Les larmes reviennent, mais il les garde prisonnières.

L’autre dingue peut arriver d’une seconde à l’autre. Inutile de lui donner ça en supplément !

Allez, Ben ! Ne flanche pas ! Non seulement tu vas t’en sortir, mais en plus, tu reprendras ta vie d’avant.

Vendredi prochain, tu seras au restaurant avec Gaëlle.

Ce sera merveilleux… Il pense déjà au menu.

À ce qu’il va s’empiffrer. Les mets défilent devant ses yeux. Entrée, plat, dessert. Et le vin qui va avec. Une cuite, il se prendra. Une vraie. Avant de s’effondrer dans les bras de sa bien-aimée…

Vendredi prochain…

La porte grince. Son cœur aussi. La lumière le surprend.

Il hume déjà son parfum. Subtil mais qu’il trouve pourtant écœurant. Il la devine en embuscade derrière lui.

Une main sur son épaule. Qui remonte vers son visage. Son souffle chaud dans sa nuque.

— Bonsoir, Ben… Tu as passé une agréable journée ?

— Merveilleuse !

— Tant mieux. Tu es mon hôte, je ne voudrais pas que tu aies à te plaindre de mon hospitalité !

— Non, tout est parfait, ne t’inquiète pas. Je recommanderai l’adresse à mes potes, je t’assure… !

Un petit rire discret salue la forfanterie adverse.

— Pas de resto avec Gaëlle, ce soir, hein ? Bien sûr, elle sait ça aussi.

— C’est bon pour ma ligne… Depuis le temps que je voulais entamer un régime !

— Tu veux garder une silhouette de jeune homme, Ben ? Pour plaire aux femmes, je suppose ! Mais je t’assure que tu es très séduisant comme tu es ! Je n’aime pas les hommes maigrichons…

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