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Marianne s’était tapé une sieste monstre. Enroulée comme une couleuvre au soleil, en plein milieu de son lit. Elle s’éveillait à peine, regarda tendrement son réveil, quinze heures.
Elle s’offrit une douche, ne se lassant pas de ce plaisir pourtant si simple. Une douche ou un bain quand elle en avait envie… Ensuite, elle détendit ses muscles de pierre devant le miroir. Il faudrait pouvoir courir, s’enfuir à toute vitesse. Frapper fort. Mais la douleur la stoppa rapidement. C’était encore trop tôt, blessures encore trop fraîches. Son visage portait toujours les marques des supplices récents. Elle n’était pas au zénith de sa forme mais se sentait prête. La douleur, elle la combattrait, comme toujours. Il lui fallait juste attendre le bon moment…
Justement, quelqu’un frappa à la porte. La Fouine montra son museau. Marianne eut un sourire un peu féroce.
Mais se força à l’adoucir aussitôt.
— Salut Marianne… Comment ça va, aujourd’hui ?
— Bonjour Didier. Ça va mieux, je vous remercie. Et je vous prie de m’excuser pour hier…
— Ce n’était pas de ta faute… Mais tu faisais peine à voir…
Il déposa un sachet de pharmacie sur le bureau, le sourire de Marianne s’élargit démesurément.
— Laurent a acheté ça pour toi… Alors, tu te sens mieux ?
— Oui mais… J’ai pris une douche pour me détendre, mais j’ai si mal au dos !
Elle posa ses mains sur ses reins, grimaça de douleur.
— Ça va peut-être m’aider un peu, continua-t-elle en prenant le tube de pommade dans le sachet. C’est pour détendre les muscles. Mais, dans le dos, ça va pas être facile…
Elle s’approcha de lui, avança sa main vers son visage. Il eut un léger recul.
— N’ayez pas peur ! railla-t-elle. Je veux juste vous enlever un truc sur la joue…
Elle effleura sa pommette, y enleva une poussière imaginaire.
— Vous vous êtes roulé dans l’herbe avec une demoiselle, Didier ?
— Non ! J’ai juste fait un tour dans le jardin…
— Ah ! Je vous trouve très sympa, vous savez… Pas comme Laurent !
— Laurent est une brute, mais il n’est pas méchant. Et puis c’est un flic hors pair…
— Peut-être. Mais vous, vous êtes nettement plus gentil… Vous ne semblez pas me condamner sans cesse.
Il s’assit près du bureau, Marianne fit de même sur le lit défait.
— Je peux te piquer une cigarette ? demanda Didier.
— Allez-y, je vous en prie. Si vous pouviez m’en allumer une… J’ai la flemme de me lever !
Il approcha la chaise du lit. Alluma une première Camel, la lui tendit. Il enflamma la sienne et elle se laissa tomber en arrière, faisant remonter son tee-shirt un peu au-dessus de la ceinture de son jean. Elle devinait le regard du flic qui s’attardait sur chacune de ses courbes. Elle lança son mégot par la fenêtre puis se redressa.
— Putain ! murmura-t-elle. Qu’est-ce que j’ai mal… Didier, pourriez-vous me rendre un grand service ? Ça vous embêterait de me passer de la pommade dans le dos ? Seule, j’vais pas y arriver…
Elle s’allongea sur le ventre.
— Ça vous embête ?
— Non…
— Ça vous prendra pas longtemps. Je peux presque plus bouger, ça me ferait vraiment du bien…
Il s’installa près d’elle, enleva le capuchon du médicament.
— Euh… Il faudrait soulever ton tee-shirt…
— Bien sûr ! Où ai-je la tête !
Elle se remit sur ses fesses, en faisant mine de souffrir à chaque mouvement. Elle ôta son tee-shirt, imaginant les yeux de la Fouine en train de sortir de leurs orbites. Elle se rallongea sur le ventre et ferma les yeux.
Étape numéro une, l’allumer. C’était en bonne voie.
Il lui massa le creux des reins avant de remonter lentement le long de la colonne vertébrale.
— C’est bon ! murmura Marianne d’une voix voluptueuse. Vous êtes doué !
— Tu peux me tutoyer, si tu veux…
Marianne tourna la tête vers lui. Histoire de lui décocher une œillade un peu sensuelle. Elle poussa même un ou deux gémissements qui pouvaient être de plaisir comme de douleur.
Vraiment nul pour les massages, cet abruti ! Il va finir par me niquer le dos… Déjà que je souffre le martyre…
— Ça fait du bien ! Tu vas me remettre sur pied en moins de deux. Je vais plus pouvoir m’en passer, fais gaffe !
Il continua de longues minutes. Puis Marianne se retourna avec le tee-shirt pour cacher sa poitrine.
— Merci beaucoup, Didier… Je me sens déjà beaucoup mieux…
— Je vais me laver les mains.
Il partit presque en courant jusqu’à la salle de bains. Marianne se rhabilla. Il revint une minute plus tard. La trouva debout, près de la fenêtre. Elle le fixa droit dans les yeux. S’approcha de lui à la manière d’un félin gracieux.
Étape numéro deux, l’enflammer.
Elle s’arrêta lorsque sa poitrine effleura la sienne.
— Comment tu me trouves, Didier ? J’ai morflé en taule, pas vrai ?
— Je trouve pas, non…
L’incendie se propageait. Elle recula un peu, s’adossa au rebord de la fenêtre. Puisa au fond d’elle les ressources nécessaires.
Étape numéro trois, le faire fondre. Juste une larme ou deux.
— Tu pleures ? Qu’est-ce que tu as ?
— Rien… C’est juste que… Il y a si longtemps qu’un homme ne m’a pas dit que j’étais jolie… Si longtemps qu’un homme ne m’a pas prise… dans ses bras.
Il approcha. Ça y est, il est ferré.
— Tu es très jolie, Marianne…
— Tu dis ça pour me consoler, pas vrai ?
— Non… Pas du tout.
— Quatre ans sans mec, c’est long tu sais…
— J’imagine…
Elle plongea son regard dans le sien. Des flammes. Elle versa de nouvelles larmes, posa la tête au creux de son épaule. Passa ses bras autour de lui.
— Serre-moi fort…
Il l’attira contre lui, une main sur sa nuque, l’autre juste sous la taille. Il promenait ses doigts sur son dos. Restait plutôt sage. Elle redressa la tête, posa ses lèvres sur les siennes. Ferma les yeux lorsqu’il l’embrassa. Son froc n’allait pas tarder à exploser.
Étape numéro quatre, se faire désirer.
Elle se dégagea doucement.
— Il ne faut pas, murmura-t-elle. Si Franck nous surprend, il va… Il va me brutaliser…
Didier était pétrifié. Il reprenait ses esprits.
— Il ne saura rien…
— Il débarque dans ma chambre à l’improviste ! chuchota-t-elle.
— Il est en train de réviser la bagnole avec Laurent.
— Non, fit Marianne en secouant la tête. J’ai trop peur, excuse-moi…
Elle revint se coller contre lui, l’embrassa à nouveau. Attisa le brasier.
— Mais j’ai tellement envie de toi, susurra-t-elle au creux de son oreille, tout en frôlant sa braguette. J’aimerais tellement que tu reviennes à un moment où on risquera moins… Cette nuit, par exemple.
Il l’embrassa dans le cou.
— Je viendrai.
Il quitta la chambre et Marianne s’auto-congratula en silence. Puis elle ouvrit les boîtes de médicaments, broya quatre cachets de chaque spécialité.
C’est ça, la Fouine, reviens vite… Je vais te concocter un rancard que t’es pas près d’oublier !
Elle retourna bien vite sous la douche pour effacer les traces immondes de ses mains sur sa peau.
*
— Qu’est-ce qui t’a pris, Daniel ? demanda Sanchez.
Le directeur était descendu pour accueillir ce prévenu peu ordinaire.
— Je n’ai pas aidé Marianne. Mais ils ont su que je couchais avec elle et… ils en ont tiré les conclusions que tu connais.
— Mais… Il paraît que t’as avoué ?
— J’ai craqué… Ils m’ont interrogé pendant plus de douze heures d’affilée. Je n’en pouvais plus alors j’ai dit n’importe quoi… Mais le juge ne veut pas m’écouter.
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