Karine Giébel - Purgatoire des innocents

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Purgatoire des innocents: краткое содержание, описание и аннотация

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Je m'appelle Raphaël, j'ai passé quatorze ans de ma vie derrière les barreaux. Avec mon frère, William, nous venons de dérober trente millions d'euros de bijoux. Ç'aurait dû être le coup du siècle, ce fut un bain de sang. Deux morts, un blessé grave. Le blessé, c'est mon frère. Alors, je dois trouver une planque où il pourra reprendre des forces.
Je m'appelle Sandra. Je suis morte, il y a longtemps, dans une chambre sordide. Ou plutôt, quelque chose est né ce jour-là… Je croyais avoir trouvé le refuge idéal. Je viens de mettre les pieds en enfer. Quelque chose qui marche et qui parle à ma place. Et son sourire est le plus abominable qui soit… « Fascinant. »
Sud-Ouest

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— Évidemment.

— C’est pas plutôt l’infection à la jambe qui a gagné du terrain ?

Elle sourit, le toisant un peu de haut. Comme les scientifiques ont tendance à regarder le vulgaire ignare.

— Non ! C’est viral. Le hasard ne fait pas toujours bien les choses. Et on risque tous de choper son virus.

— Il devrait peut-être porter un masque dans ce cas.

Sandra hausse les épaules.

— Peut-être. Ceci dit, si on doit l’attraper, c’est sans doute déjà fait.

Elle veut sortir du réduit mais il lui barre le chemin. Une habitude.

— En tout cas, merci, dit-il. Je dois avouer que tu t’occupes bien de lui.

Sandra reste médusée.

— Je suis désolé pour cette nuit… Tu aurais dû m’appeler, je t’aurais accompagnée.

La jeune femme fixe le sol.

— Tu as envie d’une douche ? demande-t-il. Je vais virer la poignée de la fenêtre, ça évitera à Christel de t’accompagner.

Elle saisit le sous-entendu.

— Merci, dit-elle.

8 h 25

Sandra est sous la douche, Raphaël près de William.

— Moi aussi, j’ai envie de me laver, soupire le jeune homme. Putain, ça fait trois jours que je me suis pas douché, je dois puer à des kilomètres !

— Mais non ! assure son frère en souriant.

— Tu parles…

— On verra avec Sandra ce qu’elle en pense, poursuit Raphaël.

— File-moi une clope.

— T’es malade, non ? Dans l’état où tu es…

Comme pour lui donner raison, une quinte de toux emporte William. Il reprend son souffle, une main posée sur sa blessure à l’épaule.

— Qu’est-ce qu’on fera quand on s’en sera sortis ?

Raphaël hausse les épaules.

— Tout ce qu’on voudra, répond-il simplement.

— T’as bien une idée, non ? sourit William.

— Pas qu’une seule !… Et toi ?

— Pareil ! On pourrait s’acheter un putain de gros bateau et faire le tour du monde… Du pôle Sud au pôle Nord. Une semaine ou un mois dans chaque port… Les pays chauds, les pays froids…

Raphaël s’installe dans son fauteuil, sourire aux lèvres.

— Survoler le Saint-Laurent en automne, murmure-t-il.

— En hydravion ?

— Ouais… Je rêve de ça depuis que je suis gosse.

— Je savais pas, dit William.

Ils restent un moment silencieux. Des nuages, des vagues et des horizons plein la tête. Des icebergs et des dunes. Des ciels et des terres inconnus…

Plus jamais séparés par le moindre barreau.

— Tu vas pas la tuer, hein ? demande soudain William.

Raphaël revient un peu brutalement dans le réel. Comme il ne répond pas, son frère sonde son regard.

— Tu vas pas la buter ? répète-t-il.

— Je ferai ce que j’ai à faire, conclut Raphaël en se mettant debout. Repose-toi maintenant.

*

Christel rejoint Fred au bord de l’étang où il s’est exilé après le petit déjeuner et la discussion houleuse avec Raphaël.

— Tu m’en veux ? demande-t-elle en se posant à côté de lui.

Il ne desserre pas les lèvres, les yeux prisonniers de l’eau grise.

— Y a un truc que je t’ai pas dit, reprend Christel. Hier, la véto m’a balancé des infos. Elle a entendu Raphaël parler à son frangin. Il lui disait que j’étais cinglée…

Fred arbore un mauvais sourire.

— Cinglée, toi ? Quelle drôle d’idée !

Christel glisse une main sur la cuisse de son homme, juste au niveau de l’entrejambe.

— Peut-être, mais n’empêche que ça te plaît.

— Ça commence surtout à me casser les couilles. Alors tu me lâches.

Elle enlève sa main, soupire.

— La suite t’intéresse ?

— Quelle suite ?

— Il a dit aussi à Will qu’il se débarrasserait de nous à la première occasion pour ne pas avoir à nous filer notre part.

Enfin, il tourne la tête vers elle. Son regard est terrifiant ; elle adore quand il a son visage de tueur.

— Parce qu’il considère que c’est à cause de nous que le braquage a mal tourné. Qu’on n’est pas dignes de confiance.

— Qu’est-ce que tu me chantes ?

— Je te répète simplement ce que m’a dit notre chère amie des bêtes.

— Des conneries ! Cette salope cherche la merde…

— Vraiment ? Et c’est quoi, son intérêt ?

Fred ne trouve pas de réponse. Il attrape une pierre, la jette dans l’étang.

— J’en sais rien, je ne sais pas à quoi elle joue. Mais je ne peux pas imaginer une seule seconde que Raph ait dit ça. C’est pas son genre. C’est un mec droit.

— Bien sûr, sourit Christel. Bien sûr…

Fred l’abandonne sans ajouter un mot.

10 h 15

William s’est rendormi, calmé par les médicaments. Raphaël en a profité pour aller faire un tour, laissant Sandra sous la surveillance de Fred qui tire une gueule de six pieds de long.

Il s’avance vers l’enclos des chevaux, irrésistiblement attiré par les quatre magnifiques bêtes.

Il n’est jamais monté en selle de sa vie, mais a toujours trouvé cet animal fascinant. Et ceux-là sont particulièrement beaux, avec leur fougueuse prestance, leur élégance.

Arrivé près de la clôture, il attend qu’ils s’approchent, les appelle. Les intrigue.

Comme la veille, trois d’entre eux viennent rapidement, alors que le quatrième, le fameux frison, reste à distance.

Raphaël sort quelques morceaux de pain rassis des poches de son blouson et commence la distribution, en prenant garde de ne pas se faire broyer un doigt entre les puissantes mâchoires.

En plus du pain, il donne quelques caresses sur les museaux d’une extraordinaire douceur.

Avec un sourire de gosse émerveillé.

Peut-être s’offrira-t-il des chevaux, lui aussi. Un ranch en Amérique du Sud, quand ils auront terminé leur tour du monde. Car il faudra bien se poser un jour, quelque part…

Se sentir chez lui, quelque part.

— Je savais pas que t’aimais les canassons.

Raphaël a un léger sursaut à peine perceptible, mais ne prend pas la peine de se retourner. Christel vient près de lui.

Très près.

— Qu’est-ce que tu fous là ? interroge-t-il.

— Je prends l’air, comme toi… c’est mortel, cet endroit.

— Y a pire, rappelle Raphaël.

— Pire, t’es sûr ?

— Ouais. Ça s’appelle Clairvaux.

Elle sourit, pose une main sur son bras.

— Bien sûr, pardonne-moi… Ça doit être vachement dur le cachot, non ?

— T’imagines même pas. Maintenant, tu devrais enlever ta main.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne suis pas ton mec. Et que ton mec n’aimerait pas ça.

Raphaël pivote sur lui-même pour lui accorder enfin un regard.

— Je ne sais pas ce qui se passe entre vous, et d’ailleurs je m’en balance. Mais…

— Il se passe qu’on n’a pas baisé cette nuit, explique Christel avec aplomb. Ni les nuits d’avant d’ailleurs… Et qu’il est resté sur sa faim. J’avais pas envie, je peux rien contre ça.

Raphaël dégage son bras.

— Vos histoires de cul ne m’intéressent pas. Et puis tu perds ton temps avec moi. Parce que c’est pas mon genre.

— C’est pas ton genre de quoi ? demande-t-elle d’un ton ingénu.

— De me taper la femme d’un autre.

— Vraiment ? répond Christel en venant se coller à lui. Pourtant, tu te taperais bien la vétérinaire, je me trompe ?

Elle passe ses bras autour de son cou, grimpe sur la pointe des pieds pour mettre son visage au niveau du sien. Il lui faudrait un escabeau.

— À quoi tu joues, ma petite ?

— À ton avis ?

Elle sent qu’il hésite, qu’il n’est pas si inflexible qu’il veut bien le laisser croire. Et surtout, qu’il n’est pas indifférent à ce magnétisme animal dont elle joue à merveille.

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