Ça y est, encore deux semi-reptations de la greluse et la voici complètement à loilpé. Sous sa robe, elle ne portait ni soutien-gorge, ni culotte. Directo du producteur au consommateur. C’est étourdissant, une créature pareille à disposition (à dix positions). T’as du mal à te juguler la bandoche, à organiser tes perpétrances. Ça t’intimide, à force de trop. Tu voudrais être au four et au moulin en même temps.
Je prélude à l’après-midi d’un faune par un léger frottaillou du plat de la main sur ses cabochons. Le sursaut m’indique que je travaille pas sur le 110 mais carrément sur la haute tension. Achtung ! Ça va décoiffer !
Surtout ne brusque rien, Antoine ! Va l’amble, garçon ! Mollo ! N’oublie rien de ton abécédaire amoureux. Performe, mec ! On t’a cherché, on t’a trouvé, tu dois justifier la démarche. La princesse des bazars te veut, c’est toi qui dois l’avoir impeccable pour que ça soit parfaitement réussi. Car la femme qui te veut, veut en réalité que tu l’aies ; et pour que tu l’aies, elle doit l’avoir dans la moniche, mon fils. L’amour, en somme, n’est qu’une déclinaison du verbe avoir.
Cela dit, je pars du sommet et lui mordille alternativement les lobes, avec légère langue mouillée dans le pavillon à conneries, manière de la gouzigouziller.
N’ensuite, je passe au cou. Trop de cons le négligent. Le prennent pour un fossé et le sautent. J’ai vu quelques raffinés s’occuper des portugaises, jamais des qui se soient consacrés au cou. C’est sous les maxillaires qu’il convient d’intervenir. La belle râpeuse, ponctuée, là encore, de légers mordillages [8] Contrairement à ce que tu vas croire, « mordillage » n’est pas sanantonien, mais français. San-A.
. Je devrais pas te donner la recette, mais enfin on s’emplâtre pas les mêmes gerces, je risque rien. Un seul inconvénient à cette pratique, c’est que c’est l’endroit où la frangine que tu entreprends pose sa touche de № 5 de Chanel, et que ça te picote la menteuse. Mais dis-toi, Eloi, qu’on n’a rien sans tracasseries. Faut éplucher son orange, se brûler les doigts avec les asperges, et se les meurtrir avec les carcasses de langoustes avant de déguster ces produits de la ferme.
Qu’ensuite du cou, je descends toujours pour un bivouac aux robloches. De deux choses l’autre : ta partenaire est mamellidienne ou pas. Si elle l’est, tu le piges illico, en ce cas, ne crains pas de t’attarder à ce point d’eau, tu ne lui en feras jamais suffisamment. Si elle ne l’est pas, son absence de réaction te l’indiquera rapidos, et alors ne lui fait pas perdre son temps, c’est trop grave.
La môme amorce déjà sa décarrade de printemps. La travailler est un bonheur. Je me sens devenir concertiste, solo de tous les instruments, alternativement : clarinette, piano, batterie, violon, hélicon, basse… Ah ! elle ne regrette pas son audace qui l’a poussée à s’introduire dans ma chambre, la belle Chiang Li.
Mais bon, si je te détaillais par le menu la totalité de ce que je lui pratique, ce bouquin n’y suffirait pas ; faudrait me lancer dans le roman-fleuve et pas seulement Fleuve Noir. Pondre l’équivalent de la Comédie Humaine , des Rougon-Marcquart , des Hommes de bonne volonté ! Ça prendrait des jours, te ferait goder et éternuer dans ton Kangourou dix fois l’heure ! Je suis obligé de gazer, surtout avec tout ce qui me reste à te narrer ! T’as remarqué que je deviens de plus en plus abondant ? Et pour le même prix ! Mes éditeurs s’arrachent les tifs, comme quoi leur marge bénéficiaire est nazebroque. Ils me supplient de prendre exemple sur Marguerite Duras dont les books sont mignards, d’à peine cent quarante pages ! Elle a trouvé une astuce formide, cette écrivaine : elle les fait très chiants pour donner l’impression qu’ils sont longs. Moi, ma directrice littéreuse me répète sempiternellement : « Mais fais-les courts et chiants, toi aussi, bordel ! Tu vas nous ruiner en composition ! » Je réponds chaque fois que je vais voir. Mais quand je suis à l’établi, bernique ! La conscience professionnelle m’empare et je ponds du palpitant, du bien bandant, un tantisoit drôlatique. Je pars du principe que le client est roi. Un lecteur, tu le biteras une fois, deux fois, jamais trois ! Note qu’elle sent bien que je suis dans le vrai, la Founi (c’est le surblaze de la dirluche que je te cause), mais à propos de composition, faut qu’elle compose elle-même avec les tronches pensantes du Groupe. Tout le monde rend des comptes à plus haut perché que lui. C’est l’escalade sans fin. Ça grimpe, ça grimpe ainsi de suite jusqu’au bon Dieu, lequel, parfois, salement embêté, renvoie la balle dans le camp des hommes, et tout est à recommencer. On pure-perte en couronne !
Cette déconnade pour te dire que Chiang Li, c’est un coït de super-gala que je lui sers. Je laisse la bride sur le cou de mon imagination. La bricole dans le très somptueux. On pourrait imprimer tout ce bingntz sur papier couché, papier mâché, ou d’Arménie, comme les chansons d’Aznavour.
Elle, c’est pas une bruyante. Elle laisse les clameurs aux charcutières de banlieue qui vont se faire tirer à Pantruche leur jour de fermeture. Qu’à peine un léger gémissement lui échappe, temps à autre, sous mes assauts. À propos, mes redoutances étaient infondées. Ninette, elle a dû déjà se respirer tant tellement de braques que ce qui, originellement, avait l’apparence d’un œillet de boutonnière est devenu une porte de hangar. À se demander si elle serait pas zoophile, mine de rien, au plus fort de ses transports. Si elle copulerait pas avec un bourrin, et même un éléphant, les jours de liesse ? T’as le nœud qui lui déambule dans la craquette comme toi au Louvre ou au Grand Palais.
Lorsqu’elle atteint l’apogée et qu’elle va larguer les amarres, simplement, elle chuchote :
— Je crois !
Et ça m’émeut, tu peux pas savoir l’ô combien ! Jamais on ne m’avait balancé ces deux minuscules mots : « je crois » ! Ça m’emplit de bonheur. J’en ai les testicules flattés. Dès lors je l’accomplis en grandes pompes en sortant mon coup de reins d’exception qui m’a valu une médaille d’or à Séoul.
Là, tout de même, elle exhale une plainte légèrement plus sonore. Son fabuleux regard de chat siamois (si à moi) reste fixe. Sa poitrine sublime se soulève. Elle laisse filer une minute avant de chuchoter « Merci ». Ça aussi, c’est gentil, je trouve. Une bête de race, j’ai affaire. Tu sais que pour une fille à papa, une princesse ajouterais-je, au tempérament de feu dans un corps de déesse, elle est pas mal du tout. Elle a reçu une bonne éducation, Chiang Li. L’aurait été élevée chez les religieuses que ça ne me surprendrait pas : baiser avec autant de tact.
Je m’allonge à côté d’elle. Je veux la prendre dans mon bras pour la câliner, bien lui démontrer que je sais vivre et ne suis pas de ces butors qui, leur cargaison larguée, se cassent en allumant une cigarette, sans toujours dire au revoir ; mais elle refuse la caresse. Pour elle c’est terminé. J’ai rempli mon office, elle m’a dit merci et à présent il est l’heure d’aller voir autre part si elle y est.
Dépité, je chuchote :
— Attendez, princesse, ce n’est qu’une pause. Nous allons poursuivre cette félicité.
Sans piper (c’est vrai, elle pipe pas, mais je m’en suis bien passé), elle renfile sa robe-fourreau, puis ses fines chaussures. Elle va à la porte, toujours sans se retourner, et l’ouvre en grand. Elle sort dans le couloir sans la refermer. J’ai l’air malin, moi, avec mon panais encore dodelineur sur les cuisses. Quelqu’un passerait à ce moment-là…
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