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Frédéric Dard: Princesse Patte-en-l’air

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Frédéric Dard Princesse Patte-en-l’air

Princesse Patte-en-l’air: краткое содержание, описание и аннотация

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J'ai encore jamais tringlé dans la famille royale britannique, mais je suis convaincu que tu ne peux pas y trouver une princesse aussi habile tireuse, aussi survoltée du réchaud que celle de ce book ! Et pourtant, des chaudes de la craquette, y en a eu, y en a, et y en aura encore aux alentours de Buckinguam Palace ! Des terribles, malgré leurs chailles qui traînent par terre ! Des qu'ont la coquille Saint-Jacques large comme l'entrée de Westminster Abbaye, avec plein de capitaines de horse-guards batifolant du bonnet à poils entre leurs jambons ! Mais la mienne de princesse, pour ce qui est de l'entonnoir à chibres, elle est médaille d'or. Plus forcenée de l'arrière-boutique tu meurs ! Du reste, telle qu'elle est, tu meurs aussi ! Parce que cette princesse-là, elle collectionne les coups de braque, mais pas les amants ! Style Marguerite de Bourgogne en sa tour de Nesle, si tu vois le genre ? Cela dit, faut que je t'avoue une chose : c'est pas une vraie princesse. Et que je t'avoue encore une deuxième chose : c'est pas une vraie princesse, mais c'est une vraie salope ! Est-ce que je me fais bien comprendre ?

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San-Antonio

Princesse Patte-en-l’air

À Georges Wolinski,

mon complice,

mon illustre.

Affectueusement,

SAN-A.

Les hommes ont bien raison de réclamer la Légion d’honneur. Sinon, personne ne la leur proposerait.

Nous vivons dans une société où il faut faire valoir ses mérites. Surtout quand ils sont évidents.

Il était à son aise, comme un gonocoque dans une chaude-pisse.

Fais toujours chier tes subalternes, sinon ils sont déçus.

PREMIÈRE PARTIE

FLUVIO

CINOCHE

C’est un couple au cinéma.

Il est venu voir Figure de fifre , une comédie si légère qu’elle s’envole.

Le monsieur du couple a une allure cadre très supérieur à la moyenne. Veste de touide avec du daim aux coudes et aux revers, chemise vert d’eau, cravate Cerruti chamarrée. L’élégance selon saint Jean. Brun, la quarantaine sérieuse. Il se parfume à l’Eau Sauvage.

Sa compagne est une frangine réellement sublime. Longue, mince, blonde, des formes exquises, une bouche à dire des choses suaves et à tailler des pipes plus suaves encore. Pour le cinoche, elle met des lunettes à monture Cartier qui lui vont au poil ! Elle porte une robe imprimée avec une exquise jaquette grège mijotée par Saint-Laurent-du-Var.

La rangée derrière eux est presque vide parce que le cinoche, je sais pas si t’as remarqué : ça moule à tout berzingue. Les mirontons préfèrent rester at home regarder la « Roue de l’Infortune » ou bien… un film, justement ! Pourquoi veux-tu qu’ils rentrent dans leurs godasses et se traînent la couenne en ville pour visionner ce qu’on leur programmera à la télé l’année prochaine au plus tard ? Les producteurs de films se sont suicidés en permettant au public télévisuel d’obtenir gratuitement ce qu’ils font payer dans les salles. Leur drame c’est qu’ils cavalent toujours après une pincée d’osier pour pouvoir différer la faillite. Un peu de fraîche en perspective et ils suintent. Ils filent leur gerce en prime !

Mais, bref, c’est pas l’objet de cette œuvre de qualité ; moi j’ai ma propre merde.

Deux types se pointent, juste que les loupiotes de la salle commencent à baisser. Ils s’engagent dans la rangée vide. C’est des mecs désinvoltes ; un peu crades sur les bords mais pas trop. La barbe inrasée de huit jours. Sweat-shirt portant en gros caractères un nom d’université ricaine, se donner l’air intello.

Parvenus derrière le couple, l’un d’eux se penche sur l’homme. Il lui dit :

— Je m’excuse, je viens de faire tomber ma montre de votre côté.

Le type est complaisant car il s’incline pour mater à ses pieds. Le gars profite de l’embellie et lui assène une manchette très sèche sur la nuque. L’homme bascule sur le côté.

Pendant ce temps, avec un synchronisme admirable, son pote s’est penché sur la femme et lui a saisi le visage à deux mains. Il murmure :

— Permettez…

Et il lui roule une pelle fourrée. Une terrible, avec la menteuse engagée à l’extrême et qui lui frétille dans l’embrasure. Sa dextre caresse la poitrine ferme de la femme. Bien entendu, elle insurge, rebuffe, tente de crier. Mais va gueuler, toi, avec cet organe charnu, truffé de bourgeons sensoriels, dans la clape. D’autant que ça l’étouffe, la pauvrette, un bras morcif de ce calibre.

Le gars retire sa langue pour chuchoter à l’oreille de la nana :

— Je t’attendrai demain à quinze heures pile devant le perron de l’Opéra, et je te ferai tellement jouir que tu ne te rappelleras même plus ton nom ; pense à amener une serpillière.

Pendant qu’il parle, il tient sa main plaquée sur la bouche de sa victime, et ajoute :

— N’oublie pas de venir, sinon je raconterai aux médias ta soirée du 28 janvier.

Il la lâche. Les deux mecs quittent la travée, puis la salle, sans tellement se presser.

Le générique de Figure de fifre se déroule. On l’a traité en dessin animé.

C’est ce qu’il y a de meilleur dans le film.

VISITE

Bérurier déclare, l’air abattu :

— C’est chié, la langue française !

Nous le considérons avec surprise. L’association Béru-langue française est difficile à concevoir. Très antinomiques, leurs rapports.

Il ajoute, comme pour énoncer une preuve indiscutable :

— Le corbeau croasse, la grenouille coasse et le serbo croate ; faut s’y r’trouver dans tout ça, vous y parviendez, vous aut’ ?

Son regard pourpre nous prend à témoin de cette inextricabilité du vocabulaire. À croire qu’il lui a été mijoté une vacherie, comme si les mots qu’il vient de citer étaient des pièges conçus pour lui seul, donc (des pièges à con !).

Nous nous apprêtons à le réconforter lorsque mon bigophone se met à interpréter « Décrochez-moi, ça urge ! »

— Quelqu’un est en bas, qui demande après vous, monsieur le commissaire, déclare le préposé. Un certain M. Octave Laburne. Paraît qu’il est chef d’atelier au garage où vous entretenez votre Maserati. Il voudrait vous parler d’une chose n’ayant rien à voir avec votre voiture.

— Qu’il monte ! réponds-je, surpris.

Je vais à la rencontre de Laburne, dans le couloir. Un zig drôlement sympa. Tellement passionné de bagnoles que lorsqu’il quitte son garage, c’est pour aller retaper des vieilles Lancia dans le sien. Il a le vice Lancia, cézigue. Chez d’autres c’est M.G., Porsche ou Ferrari, lui, il ravaude des ruines qu’un ferrailleur négligerait.

Il approche de la cinquantaine, avec une barbe un peu poivre et très sel, un regard clair et franc. Il a posé sa blouse kaki à écusson, et le voilà en veste de cuir craquelé dont les revers frisent comme de la chicorée.

— Je vous dérange, m’sieur Antonio ?

— Jamais, Octave. Des problèmes ?

— De conscience, précise-t-il.

— Ce sont les plus beaux. Racontez-moi ça.

Je le pousse dans une pièce neutre qui sert de salon d’attente à l’occasion. On y trouve un vieux canapé de cuir, style anglais-Barbès, très classe ; juste il s’effondre un peu sur le côté quand on s’y assoit, mais à part ça, il assure le standing de la Grande Maison.

Laburne paraît embarrassé.

— J’aurais probablement pas dû venir, soupire-t-il, je suis sûr que je vous dérange pour rien.

Il a l’accent parigot et il prononce « pour erien ».

— Et après ! le rassuré-je. Je ne suis pas le président de la République, Octave. Et même le président a des instants de déconnection puisqu’il lui arrive de lire mes bouquins.

Il pue l’essence, en sourdine, l’huile de vidange, la sueur.

— Faut vous dire que mon épouse, Hortense, raffole de Brandu, le comique de cinéma. Hier, la voilà qui me fait un cirque pour que je l’emmène voir un film de lui qui venait de sortir au Vista Palace ; une connerie intitulée Figure de fifre . Vous iriez voir ça, vous, commissaire ? Bon, c’était l’anniversaire d’Hortense, j’ai cédé. Et puis voilà qu’au ciné où il y avait très peu de monde, il s’est passé quelque chose d’insolite. À deux rangées devant nous se tenait un couple assez jeune encore. La femme : ravissante ! L’homme : pas mal ! Deux loubards se sont pointés dans la travée située entre ces gens et nous. L’un des garnements a dit au monsieur qu’il venait de perdre sa montre ; du coup, le monsieur se penche et le gars l’aligne d’une manchette au cervelet.

De ce temps-là, son pote chope la femme au menton et lui tire un patin. Après quoi il lui dit qu’il l’attendra demain (donc aujourd’hui) devant l’Opéra à quinze heures pour lui faire prendre son pied. Il ajoute que si elle vient pas, il racontera aux médias la soirée du 28 janvier. Ce voyou chuchotait, mais l’acoustique du Vista Palace est excellente ; probable aussi que j’étais placé de façon adéquate puisque j’ai entendu ce qu’il disait.

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