— On peut en savoir plus ?
— Un manque d’autorité ; je ne sais quoi d’un peu flou dans son personnage d’ordinaire si incisif. J’ai cru…
— Qu’as-tu cru, ma belle âme ?
— Qu’il s’était drogué avant de venir et que les effets de son shoot continuaient de se faire sentir ici.
Je souris avec un début de reconnaissance dans les commissures.
— Tu parles d’or, chérie. Et puis ?
— Une fois, contrairement à ses habitudes, il n’a pas voulu baiser, se contentant de regarder.
— Regarder quoi, mon petit cœur ?
— La fille qui l’accompagnait m’a broutée, très bien d’ailleurs. Elle aimait ça, si vous voyez ce que je veux dire.
— Elle était déjà venue ?
— Pas impossible, mais alors elle avait changé sa coiffure et son maquillage.
— Tu me la décris ?
Elle s’exécute, consciencieusement. Il fait vraiment bon « travailler » avec Sandra.
— On s’y croirait, jubilé-je. Tu es une femme épatante, ma chérie. Je bénirai ton surnom jusqu’à soixante jours fin de mois et tous les lundis de Pâques.
Alors elle tombe à genoux devant l’être d’exception que j’aurais pu être si le Seigneur était allé avec moi au bout de Son propos pourtant bien amorcé. Me dégage le malandrin et se met à battre de ses longs cils sur sa partie en forme de coupole.
Exquis.
Et je pèse mon mot ! J’irais jusqu’à prétendre « exequis ».
Caresse suave, raffinée, presque chinoise, céleste, en tout cas.
Elle me dépolarise l’engouffreur à basse fréquence avec une conviction déterminante qui n’est pas le fait d’une pro, mais bien plutôt, d’une amatrice passionnée, comme dirait M. Calvet qui s’y connaît mieux en bagnoles qu’en vocabulaire, et c’est tout ce qu’on lui demande.
Je passe, en cette chambre vouée à la truciderie, un instant de charme dans une ambiance pondérée. La remarquable Sandra me ponctue le Nestor avec brio. On pourrait penser qu’elle passe un examen, quelque chose comme une licence ès licence.
Lorsqu’elle s’est beaucoup prodiguée, de louables scrupules m’engagent à lui valoir la monnaie de sa pièce. Foin de cet égoïsme masculin qui a ruiné tant de foyers, démantelé tant de couples. En toutes circonstances, le mâle se doit de veiller à la satisfaction pleine et entière de sa partenaire. Je sais des types (dont je tairai les blases, n’étant pas mouchard) qui se purgent le vase d’expansion sans la moindre pensée pour leur partenaire. Dure sera la chute de ces bas jouisseurs sans scrupules.
Un jour, leur zézette deviendra flasque et grise en leurs braies aux remugles de pisse froide. Elle leur sera peu à peu étrangère et ne leur servira plus qu’à des mictions laborieuses.
Il arrive que des musiciens (de fanfare principalement) jouent en marchant. N’en ce qui me concerne, je parviens, sans trop de difficulté, à penser en baisant.
Ne m’en prive pas. La période de la levrette maltaise, celle du tirlipotage modulé, puis de l’ecclésiaste à binocle et du zaunure glouton ayant été appliquées avec succès, je passe à l’en-fourchement berbère qui me vaut de sa part des cris de fantasia dont ma vanité se réjouit. Il est toujours méritoire de faire se pâmer une professionnelle de l’amour. Oh ! je sais : tu vas penser qu’elle me le fait au chiqué ; mais comme je n’ai pas de sécrétions pour toi, laisse-moi t’avouer, avec cette impudeur qui m’honore, qu’elle m’en profusionne de telle sorte qu’aucun doute ne saurait planer à propos de ses sentiments.
La magnifique Sandra entre en fade comme d’autres en religion, avec un élan total et une conviction suprême. On sent qu’elle est à biter !
Lorsqu’elle pantelle, les cannes en fourche caudine, anéantie par un orgasme-typhon, je constate que son regard est révulsé, sa respiration sporadique et sa vie enrichie d’un merveilleux souvenir.
Ma pomme, bénaise en plein, a terminé, en cours d’essorage, sa trajectoire mentale.
Le Seigneur qui me pardonne tout parce qu’il sait que je L’aime, m’a inspiré pendant mon déduit.
Me voici avec, à disposition, un plan large comme l’avenue des Champs-Elysées.
Je baise Sandra au front, pour changer un peu.
Voilà qui semble la ranimer.
— Tu dois être facile à aimer, balbutie cette bonne petite.
— Très, admets-je, mais pas longtemps.
Je caresse ses cheveux fous sur ses tempes. C’est un truc dont je raffole chez la femme, tout de suite après les poils de sa toison pubienne.
Elle soupire, voulant me faire un présent :
— Je m’appelle Marie.
— C’est le plus beau prénom du monde, soupiré-je, mais tu as bien fait d’en changer dans le travail.
Là-dessus, au fond des forêts…
Non, je te réciterai « Le loup et l’agneau de lait à 120 F le kilo » une autre fois. Pour l’instant, j’ai mieux à foutre.
Au salon, je retrouve La Pine que Béru vient de rallier. Ces messieurs causent cul avec les pécores putes et la mère Tatezy. Le Mastard explique qu’il n’est pas parvenu à prendre son fade avec l'exquise M meLanprendeux (laquelle ignore encore son veuvage, mais rien ne presse). L’éléphantiasis de cette dernière, en fin de compte, a joué contre leurs débordements sexuels. Une jonction incomplète, nonobstant l’importance du chibraque béruréen, a amené une progressive « désabusance » de son emportement. Alexandre-Benoît a bien fini par prendre congé de la veuve en lui promettant, sans trop s’avancer, une session de rattrapage en septembre.
— T’as b’soin d’moive ? s’inquiète l’homme-goret sur un ton révélant qu’il espère la négative.
Je lui donne satisfaction.
— N’en c’cas, j’vas aller rend’ une visite à not’ voisine ne serait-ce-t-il qu’pour prende des nouvelles d’son beau-père ; j aimerais savoir s’il tient la distance.
Il sort, l’air plus faux-cul qu’un garago qui a mis de la sciure de bois dans la boîte de vitesses d’un de ses clients.
— Où est Toinet ? m’informé-je, ne voyant pas mon fils adoptif.
— Parti, fait Pinuche. Ça l'a pris comme une colique. Un moment qu’il réfléchissait, en faisant les cent pas dans l’entrée. Tout à coup, il a filé sans rien dire, un peu comme s’il se sauvait.
La surnommée Pervenche soupire :
— Vous savez qu’il tire comme un homme d’expérience, ce garçon ? On sent le don chez lui.
Et puis, je sais pas : il a la façon, le tact. Rien que la manière qu’il vous ajoute un doigt dans la moniche en limant, ça sent son gentleman. C’est inné, quoi !
Ce genre de louanges, émanant d’une personne compétente, c’est de la musique pour un père.
Je rougis.
La vanité.
La voiture sort juste du garage aussi privé que son terrain de l’ambassade quand nous débouchons (de carafe) dans la rue. Une Bentley. Nez à nez avec une Rolls, ça ne fait pas désordre, espère. J’aperçois le diplomate à l’arrière, occupé à lire Le Monde dans le texte.
Il ne m’a pas aperçu au volant de l’opulente charrette pinulcienne. Quant à son driver, un basané en livrée, il navigue dans un nuage bleu davantage que dans une chignole de grand prestige, et son pauvre père aurait été à mon volant qu’il n’y aurait pas prêté attention.
Leur tire tourne le coin de l’avenue alors que la nôtre se range sous la hampe du drapeau. Un personnage important en descend : moi. Un autre continue d’y roupiller : César, que ses récentes tribulations de la chair ont proprement soporifié.
De nouveau, je me prête au manège de l’arrivée. Mais cette fois les formalités d’admission sont plus brèves pour un homme ayant déjà été (dûment) admis dans le saint des seins où lui fut réservé un accueil déchirant.
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