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Frédéric Dard: Circulez ! Y a rien à voir

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Frédéric Dard Circulez ! Y a rien à voir

Circulez ! Y a rien à voir: краткое содержание, описание и аннотация

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Roman délimité de qualité supérieure par la chambre de commerce de Pointe-à-Pitre. Aurait dû s'intituler ce qui était bien plus marrant, moi je prétends ; mais « ils » ont trouvé que ça faisait vulgaire. Alors, bon, qu'est-ce tu veux que je te dise, hein ? Mais franchement, la démocratie, c'est juste l'idée qu'on s'en fait ! Toujours est-il que la tour Eiffel est bel et bien dans le train et que tout ce qui s'ensuit, ben mon vieux, tu m'en diras des nouvelles ! Tu connaissais pas « Les Mystères de Nouille York » ? Les voici !

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San-Antonio

Circulez ! Y a rien à voir

A

Françoise,

François

et Guillaume SAMARD,

merveilleux représentants de ma maigre tribu.

En grande tendresse.

San-A.

Je me sens happé par un formidable mystère que la mort, je le devine, n’élucidera pas.

Qu’ajouter encore de plaisant ?

Ce livre ?

San-Antonio

PROLOGUE

Qui nous permet d’entrer dans le vif du sujet.

Le professeur Mac Heubass se lavait longuement les mains dans la petite pièce carrelée jouxtant la salle d’opérations. Une coquette infirmière rousse (qui le suçait chaque matin, sous son bureau, pendant qu’il prenait connaissance des rapports de la nuit), attendait tenant prêts les gants de caoutchouc qu’elle venait de retirer d’un emballage stérilisé.

Le professeur maugréa :

— Je ne sais pas ce qu’ont certaines gens à s’introduire dans le rectum les objets les plus ahurissants !

Il s’essuya longuement les mains et se retourna. Par la porte ouverte, il pouvait voir la salle d’opérations où ne manquait plus que lui. L’anesthésiste était à pied d’œuvre, de même que ses deux assistants, Herbert et Franck.

— Franck ! lança-t-il, regardez donc un peu dans le cul de monsieur pour voir ce dont il s’agit.

L’interpellé s’empara d’une fibre optique et l’introduisit tant mal que bien dans le rectum bondé du patient. Au bout d’un instant d’examen, il s’écria :

— Oh ! Seigneur !

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Mac Heubass.

— L’on dirait la tour Eiffel, monsieur le professeur !

Le mandarin (cuirassé) éclata de rire.

— Que me chantez-vous là ! Vérifiez donc, vous, Herbert !

Tandis que le second assistant prenait la place de son coéquipier à l’œilleton du périscope, il se laissa enfiler ses gants par la jolie rousse qui lui coulait des regards salaces. Il se dit qu’un de ces jours, il devrait passer cette gosse à la casserole. En vieillissant, il devenait paresseux et avait une fâcheuse tendance à remplacer l’étreinte classique par la fellation, beaucoup moins contraignante.

— Alors ? jeta-t-il au second assistant.

Ce dernier, un blond tirant sur le blanc, continua d’examiner « la chose » avant de répondre.

Il releva enfin la tête et déclara catégoriquement :

— C’est bien la tour Eiffel, monsieur le professeur, et il neige !

CHAPITRE PREMIER

De très bonne qualité, n’ayant encore jamais servi ; adaptable sur n’importe quel roman, même littéraire. Peut se lire à deux mains car il ne contient aucune scène dégueulasse.

L’officier de police, en bras de chemise, qui m’interviewe au Kennedy Airport est un brave vieux juif de Brooklyn, blanchi sous le harnois. Il a un nez qui ravirait un caricaturiste facho, les dents écartées et des lunettes cerclées d’or. Il examine mon passeport comme si c’était un pot de rillettes du Mans que je lui propose à bas prix.

Puis il me demande les raisons qui m’amènent aux U.S.A.

— Touriste ! réponds-je avec une laconicité de bon ton.

J’ai mon second passeport, c’est-à-dire celui où à la rubrique « Profession », il est marqué « Homme de Lettres » au lieu de « Commissaire de Police », car les Ricains sont sceptibles. Ils n’aiment pas les gens qui emportent leur nougat à Montélimar, non plus que ceux qui, à l’instar de Jean-Marie Le Pen, débarquent chez eux avec un feu dans l’attaché-case.

— Et vous pensez rester ici longtemps ? s’informe le flicard des frontières.

— Une semaine environ.

— Ça veut dire quoi « heumeu di laiteurs » ? demande cet esprit curieux.

— Homme de lettres signifie que j’écris des livres.

— Au poil ! affabulise mon terlocuteur. Ils sont traduits en américain ?

— Quelques-uns, mais on ne les délivre que sur ordonnance médicale, tant ils sont explosifs !

Il se gondole et agrafe à mon passeport un visa de séjour.

Bye !

Ensuite, on méandre à travers des bâtiments jaunassous jusqu’à la salle des bagages. J’ai pris ma grosse Vuitton de bois qui, vide, est plus lourde qu’une pleine en toile. Je la traîne jusqu’à la sortie. Et c’est alors que deux mecs m’abordent : un gros Noir avec une casquette de chauffeur, et un grand mince au long nez, qui ressemble à un pélican lassé d’un long voyage. Le Noir me demande en français des îles :

— C’est toi, Antonio ?

— Complètement.

— O.K., mec ! O.K. !

Il me décerne ce magnifique rire qui fait la fortune de Banania et chope ma valoche. Se met à la coltiner comme s’il s’agissait d’un sachet géant de chips au curry.

Je suis le tandem sans même poser une question. On se dirige alors en direction d’une énorme limousine noire d’au moins dix mètres de long, dont les vitres teintées ne laissent rien deviner de l’intérieur. Ces carrosses-là, tu ne les trouves qu’aux States où l’on a des goûts simples. Un vrai navire de croisière. T’as pas intérêt à disputer le rallye de Monte-Carlo avec, vu que pour la tenue de route, une cave à liqueurs sur roulettes lui ferait la pige. Mais pour les déplacements en ville et les petits trajets polissons au Bois, c’est plus confortable que le salon de Mme Rosine Bernard, dite Sarah Bernhardt. Deux copieux fauteuils recouverts de velours rouge ayant en face d’eux une banquette du même tapissier. Un bar d’acajou surmonté d’un poste télé. Le téléphone et puis une chiée d’autres combines que j’ai pas à te décrire, la bagnole n’étant pas à vendre.

Le Noir me tient la porte ouverte et je m’installe. Le pélican prend place sur la banquette. On nous ferme. Décarrade mollasse qui me fait évoquer, non sans nostalgie, ma Maserati.

Le pélican ouvre le bar.

— Bourbon, champagne, scotch ? énumère-t-il en ricain.

— Bourbon ! décidé-je, histoire de me mettre dans le bain.

Il m’en sert un bien tassé, dose grand convalescent. N’ensuite de quoi il tape un numéro sur la margelle du bigophone. Quand on décroche, il baragouine un mot que je pige pas. Puis un second et, sans plus se casser le tronc, me tend le combinoche.

— Heureux de te souhaiter la bienvenue, grand perdreau ! me lance une voix pâlichonne, mais que je reconnais. J’aurais été heureux d’aller t’accueillir moi-même, mais je ne tiens plus sur mes fumerons !

« Ses fumerons ! » Un mot de chez nous ! Qui signifie « les jambes ». Je sens se resserrer les liens un peu maçonniques qui m’attachent au pays de mes aïeux.

— Y a pas de mal, Marcus ! Je suis traité comme si j’étais le gouverneur de l’Etat.

— Manquerait plus que ça. Dis à Duvalier qu’il remue un peu son accélérateur, j’ai hâte de te faire la bise.

— S’il accélérait, je serais obligé de courir derrière l’autocar, ton corbillard long châssis me flanque la gerbe.

Je raccroche pour écluser mon bourbon. Le pélican me propose alors une boîte de cigares made in Cuba , tellement grosse qu’elle pourrait aussi bien servir d’emballage à un piano à queue.

Je décline d’un signe de tête. On arrive au péage du pont livrant l’accès à Manhattan et le chauffeur allonge un talbin d’un dollar au préposé. Au loin se profilent les malabars : l’Empire State Building et ses frangins.

Je me sens joyce, tout à coup, de retrouver Nouille York. Sacrée ville. La plus étonnante du monde avec Venise, dans un style différent, of course !

En moins de temps qu’il n’en a fallu à l’homme de Cro-Magnon pour repeindre sa caverne néanthropienne, on déboule dans le trafic de Roosevelt Drive. Mais ça roule impec. C’est ça, le miracle de N.Y. : dix millions de personnes, une marée de bagnoles, et ça reste presque fluide !

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