— Faut qu’m vas m’renseigner, Poulette. Dans tout’ c’ t’ bidoche, j’sus pas certain d’la mise en place à m’sieur Popaul. Y s’peuve qu’ j’égare dans des bourrelets. J’voudrerais pas déflaquer à côté d’la gagne, Trognon. Tu m’sens bien, au moinss ? C’est vrai, t’es sûre, j’sus dans le jack-pote ? J’peuve pousser les feux, c’est corrèque ? Biscotte si j’m’ trouvererais à côté du bonheur, tout c’qu’ tu y gagneras c’est d’l'irritance dans les pourtours, chérie. Non ? J’ r’monte bien les Champs-Zélysées ? Jockey. N’en c’ cas, j’envoye la brigade sauvage. Cramponne-toi au bastringage, va y avoir du gros temps, p’tit mousse.
« C’t’ crampe, faut aller la livrer à domicile, et avec un pareil paquet d’cul ça pose des problos. M’enfin j’en ai tiré d’autres, espère ! Qu’étaient pas toutes brodées à la main ! N’entr’ aut’ une giante dont elle a failli m’étouffer pendant qu’j’y f sais minouche ! Reus’ment que j’avais mon pistolet en fouille, y m’a permis d’donner l’alerte pour qu’on vinsse m’délivrerer.
« Oh ! dis donc, p’tite fée, mais tu gazouilles ! Tu découles en pâmade, on dix raies ? J’te sens v’nir un d’ces organes pas charançonnés, chérie. J’d’vine qu’tu vas gueuler au panais dans moins d’peu, mon zoisiau ! Toi, c’est l’essence qui t’mène. Mahousse comme t’es, tu dois panarder dans l’style Mare au Diable, j’ présage. Faut écoper après la séance ! R’joind’ la rive à la nage ! Vas-y du baba, ma jolie. Laisse-moi t’câliner les babines n’en même temps, qu’ça t’accrusse le charme.
« Quoi ? Allons bon, qu’est-ce qui vient ? Ah ! le facteur ! Y tombe mal, ce con. Bonjour, facteur ! Un r’commandé ? Posez-le su’ la table. Quoive ? Une signature ? Donnez vot’ carnet. Hein ? Faut qu’ ça soive maâme ? V’voiliez bien qu’elle est occupée. J’peuve pas l’interrompe, elle va pâmer d’une seconde à l'aut’. Ça lu carbonis’rait les sens. Grosse comme elle est, y aurait d’quoi y déclencher une crise cardiaque ; faut pas jouer av’c la santé, mon grand. Tu vas pas m’assassiner c’t’ vaillante gerce pour un’ signature ! C’est passib’ de corréquetionnelle. Laisse-moi l’temps qu’j’iu procède à la mise à feu.
« Assoive-toi, j’en ai pour dix s’condes montre en main. La fantasia cosaque, mon pote ! T’auras rien vu d’tel. Prends-en d’la grain’, si tu voudras d’viendre une étoile de sommier. Mate, fiston : une paluche su’ chaque meule. Et n’aye pas peur d’enfoncer les ong’ dans la bidoche, qu’é souffrasse un brin, ça pimente. V’là la décarrade annoncée à l’estérieur ! Tu la vois démener du fion, ma p’tite Miss Univers ? Je la grimpe en mayonnaise à cinq cents coups minute. A n’sait pu où qu’elle en soit ! Tu l’entends gueuler, dis, La Poste ? Ça c’est d’l’embroque de prestige, mec ! Le tourbillon géant ! A n’est pas prêt’ d’pouvoir se s’asseoir.
« Oh ! mais a crispe d’la bagouze, Miss Folie ! M’fait l’étau du diab’ en pâmoisant ! Douc’ment, fillette, j’ai déjà donné et mon panais est tout dolorié de mon emplâtrage précédent. Tu vois, facteur, comme ça chope very well son fade une grosse vachasse tell’ qu’ maâme ? Oh ! la la ! E m’fait Versailles ! C’est la féerique su’ l’ Grand Canal d’ l’urèt’, les Grandes Eaux ! Oh ! puis tiens, j’tire pas ma crampe personnelle, j’la garde pour mon quatre-heures. Tu peux lu faire signer, maint’nant, facteur.
« C’est à quel sujet, ce faf recommandé ? Le Trésor biblique ! Et c’est pour ça qu’tu viens nous perturbationner, Pé-et-Té ? Quand on n’a qu’ des fafs commak à délivrer, on les fout dans un’ bouche d’dégoût, n’au lieu d’faire chier les gens qui baisent. Cancrelat ! »
J’ai attendu la fin de la tirade avant de m’esbigner. C’était trop mobilisateur pour que je m’en aille en cours de diatribe. En cette époque d’indifférence et de mépris généralisés, il faut savoir respecter les grands textes.
Maintenant, après le coup de chiftir réparateur, les deux monstres vont claper les victuailles apportées par Casanova. Leurs ébats réclament réparation. Ça épuise, l’amour. L’essorage des glandes dévaste un organisme, même parfaitement équipé.
Retourne à ton enquête, Sana, et fais diligence comme disait Lesurcq au bourreau en montant sur l’échafaud.
C’est au claque de la dame Mina que je me rends, attiré par l’atmosphère mystérieuse et déculottante qui y règne.
Et c’est là que je retrouve le révérend Pinaud qui semble, lui aussi, sous le charme trouble de cette aire de repos dévolue aux bas instincts.
Il est en train de s’offrir les services expérimentés de la belle Sandra dont les manières mondaines l’impressionnent. Moyennant une royale rétribution, il pratique à cette personne émérite un cunnilingus perpétré avec une technique dûment affûtée, mais malheureusement perturbée par un début d’asthme mal contrôlé.
César à l’établi, ça justifie une visite guidée ! Sa partenaire, largement retroussée, est installée sur une table d’auscultation gynécologique dans la posture la plus appropriée qui soit. Le digne Pinuchet se tient assis entre ses brancards et procède en conscience, avec un déplacement de langue ascensionnel, lent et régulier, qui donnerait beaucoup de satisfaction à Sandra, s’il ne l’accompagnait d’un va-et-vient de son médius et de son index droits par trop imprégnés de nicotine (C 10H 14N 2), laquelle provoque une cuisance démobilisatrice dans la chattoune de l’excellente femme.
Je contemple un instant la tête chenue du cher Débris courbée sur ce repas de fête, me sens attendri par sa besogneuse obstination d’homme infiniment doux et appliqué.
La mactée referme avec une extrême douceur l’huis entrouvert, après que la dame bouffée nous eut adressé un petit geste de connivence affable.
— Votre enquête progresse-t-elle ? se permet-elle de me demander.
Et pour corriger sa curiosité qui pourrait me sembler mal venue :
— Je suis anxieuse de vous voir résolver cette affaire, monsieur le directeur ! Je sens bien que tant que vous n’aurez pas aboutissé, ma maison sera suspicionnée. Voyez-vous, je l’ai fondée en 1958 et j’ai démarré petitement avec tantine et ma sœur Mathilde qui sont décédées depuis (elle se signe en deux exemplaires). Jamais je n’ai eu la moindre anicroche, si on excepte M. Rabillet, le grainetier, qui est défunté d’un infractus en se faisant mettre un gode de calibre 6 dans le cul ; mais il venait de subir une transplantation cardiologique et ne nous avait pas prévenues, ce qui n’était pas raisonnable de sa part, vous en disconviendrez. On se fait pas placer un goume de ce diamètre quand on vient de vous greffer un nouveau cœur. Il se serait contenté d’un 2 pour jeune fille, je reste persuadée qu’il l’aurait encaissé sans broncher. Un 2, ça va, ça vient ! Tout autre chose est le 6 !
« Je vois mon coiffeur, Hervé, qui nous rend une petite visite de temps en temps. D’accord, il tolère parfaitement le 6, mais vous savez que c’est limite, bien qu’il ait le pot comme une porte de grange. Un gode, monsieur le directeur, c’est pas un paf, j’attire votre intention. J’ai des clients, sous prétexte qu’ils se font miser à l’occasion, qui veulent essayer le 6. Ils s’aperçussent vite qu’entre un vrai braque et un chibre de plastique il y a une différence fondementale. Le gode ne se prête pas, comprenez-vous ? Conclusion, il fait du dégât.
« Depuis le décès de M. Rabillet, je reste circonflexe. Je dis à mes messieurs téméraires : brûlez pas les étapes. Commencez gentiment par un 2 de mise en train, puis vous continuez avec du 4, ce qui vous permet de juger si vous pouvez être plus ambitieux. Les hommes sont des enfants : que ça soye pour se faire enculer ou pour avoir la Légion d’honneur, ils prennent tous les risques. »
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