Je me penche sur elle et je lui roule un patinuche qui foutrait des idées polissonnes à un congrès eucharistique.
C’est le record de plongée ! Quand je la lâche, faut lui faire des inhalations… Sans perdre une broquille, je lui masse l’avant-scène. Et ça durcit rapide sous son corsage…
— Allez, viens ! j’ordonne en délourdant de son côté.
Sur le bitume, une tapineuse qui fredonne Un gamin de Paris en attendant d’éponger un clille nous regarde en se marrant. Elle songe à l’époque où un gars lui a fait le même cinéma. Elle avait sa vertu et elle y tenait comme à son livret de caisse d’épargne… et maintenant…
Maintenant elle grimpe interminablement des escadrins avec des mâles en rut sur ses talons. Pour elle, la vie c’est un escalier sans fin, des souffles d’hommes avides derrière elle… Des discussions, des bidets à musique…
Annette résiste encore, je suis sur le point d’abandonner parce que j’aime pas qu’on me prenne pour une crêpe. Mais comme je suis en pleine forme, et que c’est gênant pour marcher, je fais une dernière tentative qui aboutit.
Elle cède, la môme. Elle cède. Je la catapulte dans un hôtel, la pousse dans un ascenseur ; puis dans une piaule. Je cloque un lacsé à la soubrette en lui disant de garder la mornifle. Je pousse le verrou et je me trouve dans l’état d’esprit de l’homme-canon après son exercice périlleux. J’ai envie de saluer… Mais, Dieu merci, le public est restreint puisqu’il se limite à une personne. Et encore il s’agit d’un exo !
Maintenant, le plus duraille est fait. Franchir une porte d’hôtel pour la première fois avec une souris équivaut à franchir le mur du son. Après ça va tout seul.
Elle s’assied sur le lit et attend.
— Vous êtes méchant avec moi, pleurniche-t-elle.
— Attends, je murmure, on va te donner un peu de douceur.
Je commence à la déloquer en lui distribuant des baisers fous qui lui font un peu perdre la tronche.
Un moment plus tard on se trouve à loilpé sur le divan. La chambrette est conçue pour ce qu’on vient y faire. Elle est toute en glaces, avec des éclairages savants. J’ai l’impression de passer en attraction aux Folies Bergère. Partout où je porte mes châsses, je me vois. C’est assez intimidant. J’avance la pogne pour couper le jus, mais la môme Annette doit être une sérieuse vicelarde car elle chuchote :
— Non, n’éteins pas !
— O.K., je fais, tu préfères que ça soit télévisé… C’est comme tu veux.
Alors je fais abstraction des miroirs. Et je commence mon turbin de bipède en proie au démon de la viande.
D’abord c’est l’escargot baladeur, nature ! Un petit truc à moi qui fait autant plaisir aux dames qu’un service à vaisselle de quatre-vingts pièces. Puis j’enchaîne sur l’Angora chanté, une de mes toutes dernières créations ; vous ne la trouverez pas encore dans le commerce ! Là c’est le gros délire ! Annette se dit qu’elle vient de grimper avec tout le Kama-sutra. Pas besoin de lui jouer Fascination ! Elle gueule tellement que dans les piaules voisines, les gnaces remettent le couvert. Ça me fait penser à ma visite de l’après-midi au Mont-Chauve. Ce que c’est que la life : il y a quelques heures je me fendais la poire à cause de deux paumés qui se frottaient la couenne chez Magnin ; je les prenais en pitié… Je me foutais ouvertement d’eux, bien cynique, bien sûr de moi… Et voilà que c’est moi qui fais la manœuvre de printemps !
Annette appelle tour à tour sa mère, son père, le bon Dieu ; mais fort heureusement, personne des interpellés n’annonce son blaze. On est bien seuls et nos anges gardiens eux-mêmes doivent faire une partie d’auréoles dans le couloir…
Après l’Angora chanté, je reviens à des choses plus humaines avec la balançoire cubaine et le Carillon de Westminster.
Du coup, Annette se met à débiter des choses tellement salées que le patron de l’hôtel lui-même, pourtant blasé, doit galoper sous la louche pour enrayer l’incendie !
Il sait choisir ses secrétaires, Pauvel. Ça oui !
CHAPITRE XVII
POCHE RESTANTE
Quand on se retrouve dans ma tire, minuit sonne de tous les côtés. Le clocher de la Trinité est plus péremptoire. Annette compte les coups (c’est une habitude qu’elle vient de contracter).
… dix, onze, douze…
— Repos, fais-je, jamais une horloge n’a accouché de treize plombes !
Elle se jette sur ma poitrine, folle de reconnaissance.
— Oh ! Antoine, fait-elle, comme ça a été bon !
Ces salopes vivantes, non seulement elles se conduisent comme des chattes en rut, mais après faut qu’elles en parlent. Elles n’ont pas de pudeur.
Moi, suivant le vieux proverbe, je me sens assez désabusé, lorsque la cérémonie est terminée. J’aime mieux penser à autre chose de plus noble, de plus reluisant. Mais les poufiasses non, quand elles font pas de saletés, elles les évoquent.
Je lui dépose sur la joue un baiser discret.
— Bon, je vais te ramener chez toi. Où pioges-tu ?
— Nogent !
Je fais la grimace. Nature, cette conne habite une banlieue opposée à la mienne. Va falloir que je me cogne deux fois la traversée de Paname. Après la petite séance que je viens de subir, la perspective n’est pas enthousiasmante. Moi je donnerais plutôt un bifton grand format pour pouvoir me filer dans les torchons et en écraser savamment.
— O.K., Nogent…
Je bombe jusqu’à la République, ensuite je bifurque en direction de la Nation, je fonce jusqu’au château de Vincennes, prends par le bois et débarque à Nogent. Elle m’indique sa carrée, à l’autre bout du patelin bien entendu, juste à côté du viaduc…
— Quelle merveilleuse soirée, déclare-t-elle, sur un ton très synchro.
Et elle me tend sa menteuse. Je la lui suçote par politesse, une dernière claque au réchaud…
— A bientôt, je fais, je passerai te voir à ton bureau, ou je te téléphonerai…
— Demain ! demande cette gourmande.
— Je ferai l’impossible !
— Veux-tu dîner à la maison, j’aimerais te présenter à mes parents…
— On verra…
Elle doute de rien, la gamine ! En v’là une qui perd pas de temps ! Sa combine est aussi grosse qu’une excavatrice : elle a trouvé un Jules qui lime comme un pape (ce qui est une façon de parler naturellement), qui n’est pas mal basculé du tout et qui a le canard à l’orange facile, et elle se dit que ça serait une chouette affure de le traîner tout cru à la mairie de Nogent !
Seulement je vous le dis, elle se fait des berlues, Annette. Le jour où je dirai « Oui » à un mec portant une ceinture tricolore au lieu d’une ceinture de flanelle, ce jour-là vous pourrez m’apporter une douzaine de bavoirs. Pas pour la progéniture à suivre, mais pour mon usage personnel, car je serai certainement à deux doigts du gâtisme intégral.
— Allez, fais dodo, je murmure…
— Je vais rêver de toi !
Elle a ligoté ça dans la collection « Je me caresse comme une grande ». Elle lève la tête pour me montrer son bon angle. Elle se barbouille de clair de lune, se badigeonne d’idéal.
Moi, je mets mon bahut en marche.
— A bientôt ! je lui lance…
Une manœuvre impec et je tombe sur Pantruche.
Ma viande est nostalgique. Je me dis qu’en arrivant à la cabane je me tasserai un whisky grand format avant de me mettre sur la voie de garage.
Toute réflexion faite, pourquoi attendre d’être at home alors qu’il y a encore des chiées de troquets ouverts ?
Je stoppe devant une grande brasserie de la Nation où des voyous tristes mettent des pièces de vingt balles dans une boîte à disques…
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