A la mémoire de René MAGRITTE, l'un des génies de ce siècle
S.-A.
Contrairement à l'homme, ses amours se décomposent avant de mourir.
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Il est faux de croire que Jeanne Bourin fasse de l'équitation.
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Ayant rapidement compris que demander était vain, je me suis mis à donner.
Et, depuis, tout baigne.
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Elle était myope. Lorsque je me suis déshabillé, je lui ai demandé d'ôter ses lunettes pour qu'elle ne prenne pas peur.
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Les enfants ?
Ils naissent, ils ratent le bac, ils se marient… Tu as à peine le temps de les apercevoir.
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Réflexion d'une dame ayant visionné Jurassic Park : « On ne distingue pas les faux dinosaures des vrais. »
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Rébus béruréen :
J' pourrais pas viv' sans mon premier.
Mon s'cond et mon troisième aident mon premier.
Mon tout est un État ricain.
Réponse : Wisconsin (vice-con-sein).
PREMIÈRE PARTIE
LE CONSORTIUM
Un Chinois à la con a écrit que l'expérience est une lanterne qu'on porte dans son dos et qui n'éclaire que le passé.
Vivre, c'est arpenter un tapis roulant allant en sens inverse de ton déplacement. T'as beau arquer, ce que tu peux espérer de mieux, c'est de pas trop reculer.
Se maintenir est une victoire, avancer, une utopie. Tes forces déclinent, et le moment vient où tu te retrouves à la case départ, la gueule déjà barbouillée de mort.
Cela dit, il n'y a pas de quoi s'affoler : on aura mis tout ce temps-là à cesser, sans avoir l'air d'y croire.
Je réfléchissais à ça, et à une petite Asiatique incroyablement menue. J'avais eu l'impression, en la calçant, de passer un préservatif après avoir soufflé dedans pour le préparer à la manœuvre.
Le car climatisé gravissait peinardement les pentes de la « Montana de Fuego ». L'horizon s'élargissait au fur et à mesure qu'on grimpait, sinistre et magnifique à la fois.
Lanzarote est une île sans arbres, plus glabre que la chaglatte d'une vieillarde. Un essaim de volcans provisoirement éteints compose des sortes de bubons émergeant de cette mer de rocaille. Les rares constructions, blanchies à la chaux, sont alanguies au soleil, entourées de plants de vigne poussant dans des creux sertis de pierres plates.
Monde étrange, unique. Un astre mort ! Pas en plein, mais tout comme.
Et puis on arrête de monter, tourner, virer. Nous atteignons une esplanade haut perchée où se dresse un vaste restau panoramique. En opérant un 360 degrés, tu vois partout la mer. Yes, sir : on est bel est bien dans une île.
A sa manière, notre planète en est une, cernée d'infini, avec des archipels : Mars, Vénus, Jupiter et consorts.
Notre bus pullman se paie un majestueux arc de cercle avant de se ranger entre deux monstres de son espèce.
Les touristes pullulent : des Japs blêmes, des Scandinaves trop blonds, des Teutons trop gras, dont les femelles portent des culottes de cheval consécutives aux excès de lard fumé. Un ramassis de glandus, nantis de coups de soleil et de chapeaux de toile ridicules, coltinant un matériel photo qui achève de les enconner. La horde habituelle !
Installé sur le siège proche de la porte, je suis le premier à quitter le véhicule. Le zef contonde durement. Un vieil ilote nous rameute aussi sec dans un anglais qui n'a plus cours depuis les Plantagenêts, et nous entraîne en direction d'une crevasse.
Près de l'excavation : un tas de foin dans lequel est plantée une fourche.
L'ancêtre explique qu'ici, à Umanfaya, la température du sol atteint trois cents degrés à deux mètres de profondeur. Effectivement, une haleine brûlante monte de la fosse. Un rien théâtral, le vioque saisit la fourche et jette une brassée d'herbe dans la cavité. Un grésillement, et la gerbe s'embrase totalement.
Impressionnante, cette démonstration de la nature. Elle affirme sa puissance avec force et ironie, dirait-on.
Le Canarien est fier de sa flambée, comme d'un exploit physique que lui seul réussirait. Tout juste s'il n'attend pas des ovations. Se résigne à enfouiller quelques pourliches parcimonieux puis, d'un geste autoritaire, nous embarque un peu plus loin, là où s'ouvre une autre faille dont le diamètre n'excède pas dix centimètres.
Il ouvre un jerricane de flotte et verse son contenu dans l'orifice.
Putain d'elle ! T'as pas le temps de compter jusqu'à quatre ! Un sourd grondement monte de la terre et un geyser d'au moins vingt mètres jaillit vers le ciel avant de retomber en fine pluie sur les épaules du groupe hétérogène que nous formons.
L'assistance crie de surprise, de peur peut-être aussi ?
Une ravissante jeune fille accompagnant son père paralysé, a eu un élan de frayeur et s'est blottie contre mon épaule. Aussitôt, elle s'écarte, confuse.
— Excusez-moi ! balbutie-t-elle avec un délicieux accent anglo quelque chose.
— Tout le plaisir a été pour moi, j'y rétroque dans un français se la jouant entre l'inflexion dauphinoise et l'intonation parisienne.
Son kroume paternel, gambe tout plein (puisqu'il est le contraire d'ingambe), ne s'aperçoit même pas de ma présence. En pleine choucroute, il semble se trouver ! N'a pas l'air tellement vieux, mais il a dû morfler un court-jus dans le cigare qui le fait patauger du bulbe. Sa grande fille le drive dans une chaise roulante ultramoderne, télescopique de partout, se pliant menu et pouvant se loger dans une poche de kangourou, voire de pardessus si t'as pas de marsupial à disposition.
Ce gazier a dû être quelqu'un de bien, ça se distingue encore sur ses traits. Cheveux bruns, grisonnants aux tempes, yeux de Delft, pommettes longtemps encaustiquées à l'aquavit. Dommage qu'il soit en pleine crise de décroissance !
Profitant de cette éminence sur laquelle on vient de faire halte, nous panoramons à la ronde. Notre troupeau prend la direction du restau avec une résignation bovine.
On clape morne dans cette ambiance lamentable de touristes au rabais, toujours soucieux d'obtenir le maximum en échange du minimum.
Le pinard de l'île n'a jamais mis en danger la réputation des pomerols et autres richebourgs, mais c'est déjà beau qu'un sol volcanique produise du vin, non ? La nature fait de ces cadeaux inattendus !
Je guigne sans déplaisir la demoiselle au papa déjanté. Si tu saurais ce qu'elle est chouque dans sa robe de lin blanc ! Blonde et bronzée ! T'aimes ? J'imagine son corps gracieux, peint au bain de soleil, avec le mignard triangle d'or de ses Bermudes. Son joli dargif tiendrait dans mes deux mains en conques.
Dis, je vais pas me mettre à goder devant ma tranche d'animal mort ! Je me morigène. C'est toujours du kif avec ma pomme : une bioutifoule polka s'insère dans mon champ visuel et j'ébullitionne du bulbe, trépigne de la bistougne ! La trempe-trempe de chérubin, ça devient systématique, à la longue. Je pourrais tenter de faire un usage différent de ma vie. Me consacrer aux autres sans leur carrer ma bite dans le fion ! Aller au secours des populations sous-alimentées du tiers monde. M'occuper de jeunes délinquants. Convoyer des malades à Lourdes. Aider les veuvasses à couper leur bois pour l'hiver. L'homme de bonne volonté trouve toujours à s'employer. Un moment, que la charité le dispute chez moi à la braguette. N'à force de copuler, tu finis par te vider l'âme plus vite que les bourses. Il avait raison, Machin : faut « servir ». Le jour où Félicie me laissera (en admettant qu'elle déhotte avant moi), je m'engagerai dans une noble cause. Ça ne la remplacera pas, mais me rapprochera d'elle.
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