Agnès Martin-Lugand - Entre mes mains le bonheur se faufile

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Entre mes mains le bonheur se faufile: краткое содержание, описание и аннотация

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Depuis l’enfance, Iris a une passion pour la couture. Dessiner des modèles, leur donner vie par la magie du fil et de l’aiguille, voilà ce qui la rend heureuse. Mais ses parents n’ont toujours vu dans ses ambitions qu’un caprice : les chiffons, ce n’est pas « convenable ». Et Iris, la mort dans l’âme, s’est résignée.
Aujourd’hui, la jeune femme étouffe dans son carcan de province, son mari la délaisse, sa vie semble s’être arrêtée. Mais une révélation va pousser Iris à reprendre en main son destin. Dans le tourbillon de Paris, elle va courir le risque de s’ouvrir au monde et faire la rencontre de Marthe, égérie et mentor, troublante et autoritaire…
Portrait d’une femme en quête de son identité, ce roman nous entraîne dans une aventure diabolique dont, comme son héroïne, le lecteur a du mal à se libérer.

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— Laisse-moi deux minutes.

Je briefai les filles sur les tâches à accomplir durant mon absence et partis avec lui. Un taxi nous attendait dehors. Gabriel n’arrêtait pas de remuer ses jambes, je posai une main sur son genou pour tenter de le calmer, il la prit dans la sienne et la serra fort. Tout le trajet se fit en silence. Son angoisse me contamina. Marthe nous réservait-elle encore des surprises ? Quelle place Gabriel allait-il avoir dans sa succession ? Je n’imaginais pas qu’il n’en ait aucune ; cela me semblait logique que son nom apparaisse. Ce que je craignais, c’était sa réaction à lui. Était-il prêt à entendre les dernières volontés de Marthe ? J’en doutais, à en juger par son état de nerfs.

Jacques nous attendait devant l’étude notariale. Il donna une accolade à Gabriel et me fit la bise. Sans lâcher ma main, Gabriel annonça notre présence. La secrétaire nous invita à patienter dans un salon. Gabriel fut le seul à rester debout et se mit à faire les cent pas. Le notaire arriva et parut surpris par l’escorte dont bénéficiait Gabriel. Celui-ci ne lui laissa pas le choix, nous devions l’accompagner jusqu’au bout. Le notaire obtempéra à contrecœur. Nous pénétrâmes dans un grand bureau, l’atmosphère était solennelle, pesante. Sans préambule, le notaire nous annonça que ce serait rapide. Il avait procédé lui-même à l’enregistrement du testament de Marthe deux mois auparavant et nous assura qu’elle était en pleine possession de ses moyens. Je savais à quoi pensaient Gabriel et Jacques, je pensais comme eux. Ensuite, il s’adressa à Gabriel.

— Monsieur, vous êtes son légataire universel. La totalité de ses biens vous revient, comptes bancaires, actions, immeubles…

Je cessai de l’écouter et observai Gabriel ; il blêmissait à vue d’œil. Je percevais le mal-être qui enflait en lui. Brusquement, il se leva et quitta la pièce en courant, je le suivis. Il fonça aux toilettes… Il ne vomissait pas que son dernier repas. Il vomissait sa peine, sa culpabilité, son amour pour Marthe. Lorsqu’il ressortit, il était hagard, il s’aspergea le visage à grande eau et prit appui sur le lavabo. Je le laissai venir, s’ouvrir à moi. Il ne fallait surtout pas le brusquer.

– Ça ne pouvait pas être pire, me dit-il après plusieurs minutes, la voix encore plus éraillée que d’habitude.

— Tu aurais préféré qu’elle te déshérite ? Qu’elle t’oublie ?

— Ouais…

— Tu mérites une partie de ça, ton travail depuis toutes ces années….

— Ce n’est rien par rapport à ce que je lui ai fait…

— Ce que nous lui avons fait. Et puis, arrête avec ça…

Il secoua la tête.

— Si elle avait attendu quelques jours avant de se foutre en l’air, elle l’aurait changé son putain de testament…

Je m’approchai de lui et pris son visage entre mes mains.

— Tu n’en sais rien, lui dis-je. Elle t’aimait, j’en suis certaine.

— Je n’en veux pas de tout ça. C’est comme si tu me demandais de danser sur sa tombe.

— Tu as besoin de prendre du recul. En attendant, on doit y retourner.

Je lui pris la main et nous retournâmes dans le bureau du notaire. Gabriel s’excusa en marmonnant. Je croisai le regard inquiet de Jacques, qui fut sidéré en entendant Gabriel demander des explications sur la procédure légale pour renoncer à une succession. Le notaire marqua lui aussi un temps d’arrêt avant de reprendre sa posture stricte d’homme de loi. Il l’incita à réfléchir aux conséquences irrémédiables d’un tel acte, lui expliqua qu’il avait du temps devant lui avant de refuser ou d’accepter. Jacques posa sa main sur l’épaule de Gabriel et l’étreignit. Gabriel poussa un profond soupir et, de mauvaise grâce, il promit de prendre le temps de la réflexion.

Quand nous fûmes sortis de l’étude, Jacques l’exhorta à ne pas prendre de décision hâtive.

— Gabriel, mon garçon, ne rejetez pas en bloc ce qui fait votre vie.

— C’est Iris, ma vie, maintenant ! Et vous savez très bien que je ne mérite pas ça. Sans compter que Marthe était folle et que si elle avait pris le temps de réfléchir, elle, elle m’aurait dégagé de son testament.

— Non, je pense tout le contraire, elle vous aimait comme un fils.

— Jacques, ne faites pas celui qui ne sait rien, alors que vous savez tout, justement ! Vous êtes loyal à son souvenir, je le respecte, d’ailleurs, je suis désolé que vous n’ayez rien… Mais moi, si je reste et que je garde tout, je ne me détacherai jamais de son emprise, je n’en peux plus, ça me bouffe… La discussion est close, rentrons, nous avons à faire.

Il me prit dans ses bras et héla un taxi.

Les derniers jours avant les obsèques de Marthe, je les passai à terminer les commandes. Tout fut honoré. Gabriel, de son côté, se tuait au travail. Sa conscience professionnelle semblait décuplée. Je m’inquiétais d’autant plus pour lui. Qu’allait-il devenir s’il s’acharnait à tout bazarder ? Il n’avait pas conscience de ce qu’il était.

Ce soir-là, la veille de l’enterrement, j’étais seule, certainement pour la dernière fois, à l’atelier. J’avais dit au revoir aux filles et les avais remerciées pour le travail accompli. Lorsque la porte d’entrée claqua, je m’attendais à voir Gabriel. Et c’est Jacques qui s’avança dans le grand séjour de l’atelier.

— Quelle surprise ! lui dis-je.

— Iris, comment allez-vous ?

— J’ai hâte que tout soit fini, surtout pour Gabriel.

— Je viens de le quitter, il est chez elle, j’avais quelque chose à lui remettre. Venez vous asseoir…

Il me guida vers une chaise et s’installa en face de moi. Il m’expliqua que deux jours plus tôt il avait découvert au milieu de son courrier une lettre que Marthe lui avait envoyée le jour de sa mort. Il avait eu l’heureuse surprise de trouver le titre de propriété de l’appartement dans lequel il logeait à son nom. Mais ce pauvre Jacques se trouvait aussi mis devant le fait accompli, il était son messager d’entre les morts et devait servir de facteur si Gabriel refusait l’héritage. Le besoin de contrôle, l’intelligence de Marthe restaient intacts. Je commençai à me dire qu’effectivement elle avait bien pris toutes ses décisions en pleine possession de ses moyens, malgré sa folie. Elle avait anticipé les réactions de Gabriel en se fondant sur leur dernier échange, et aussi parce qu’elle le connaissait mieux que personne.

— Vous devriez monter le retrouver maintenant, me dit-il.

— J’y vais tout de suite.

Je fis le tour de l’atelier, éteignis tout et rejoignis Jacques sur le palier.

— On se voit demain ? lui dis-je.

— Bien sûr, je compte lui faire mes adieux.

— Merci pour tout, merci de vous occuper de lui.

— Ce n’est rien.

Il balaya une poussière invisible devant ses yeux, et descendit. Moi, je montai.

Je pénétrai chez Marthe pour la première fois depuis sa mort. Je captais sa présence, comme si elle occupait encore les lieux. Elle restait maîtresse chez elle. Gabriel sut que j’arrivais : mes talons sur le parquet. Encore. Je m’adossai au chambranle de la double porte du grand salon et l’observai. Il était assis à la dernière place de Marthe. La tête en arrière sur le dossier du canapé, il fixait le verre et le porte-cigarette qui n’avaient pas bougé de place. Lui-même tenait un verre que je devinais rempli de rhum avec une touche de jus d’orange. Sa cravate était desserrée, les premiers boutons de sa chemise ouverts. Dans l’autre main, il avait une lettre ; la lettre de Marthe. Après plusieurs minutes, il tourna le visage vers moi et esquissa un sourire.

— Super Jacques à la rescousse ?

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