— Je t’aime, Iris, me dit-il à l’oreille. Je veux te voir. Regarde-moi.
Je lui obéis. Et je ne vis que de l’amour et du désir dans ses yeux. Ma gêne et ma pudeur s’envolèrent. Nous nous embrassâmes à en perdre haleine. Nous ne fûmes plus que baisers, caresses, soupirs. C’était si simple de m’abandonner à lui, nos gestes, nos peaux s’accordaient en parfaite harmonie. Lorsqu’il fut en moi, il me tint les mains de part et d’autre de mon visage. Ses coups de reins étaient lents, profonds. Nos yeux se soudèrent jusqu’à ce que l’orgasme nous emporte. Gabriel nicha sa tête dans mon cou. Nous restâmes de longs instants sans bouger. Notre respiration finit par s’apaiser. Il m’embrassa l’épaule, se détacha de moi et roula sur le côté. Je le regardai, il dégagea des mèches de cheveux collés sur mon front. Je ne supportai pas de le sentir loin de moi, même de si peu ; je me blottis contre lui et il me serra fort.
— Merci de ne pas avoir cédé à mes avances ces derniers mois, chuchota-t-il.
Je me redressai et posai mon menton sur son torse.
— Moi, je regrette, lui rétorquai-je. Ça nous aurait évité bien des souffrances et une séparation inutile.
— Tu te trompes, parce que je ne t’aurais pas aimée comme il faut.
— Je suis sûre du contraire, tu aurais été parfait, et tu aurais tout compris.
Il leva les yeux au ciel.
— Tu sais quoi ? lui dis-je.
Il me regarda et sourit.
— Non, mais tu vas me le dire.
— On s’en fout, ce qui compte c’est maintenant.
Son visage s’illumina, la canaille était de retour. Il me retourna et me bloqua sous lui. J’éclatai de rire. Il me chatouilla à coups de baisers dans le cou, sur les seins, sur le ventre… qui se mit à gronder. Gabriel rit et lui parla :
— T’es pas content, toi ? Je vais t’arranger le coup.
Il sortit du lit et se dirigea vers le séjour.
— C’est pas vrai !
Il râlait parce que j’avais fait le ménage. Je riais.
— Il fallait bien que je m’occupe pendant que tu cuvais, lui répondis-je. Par contre, tu m’excuses, j’ai dû fouiller dans les placards, je voulais que les draps soient propres.
Il éclata de rire. J’étais moulue, comblée, une légère dose d’adrénaline encore dans le corps. J’étais aussi bouleversée par ce qui venait de se passer. Faire l’amour avec Gabriel avait été libérateur, révélateur. Le sexe était devenu inexistant avec Pierre, et lorsqu’il avait à nouveau fait partie de notre vie de couple, il était mécanique et faux. Le sexe avec Gabriel était simple, puissant, sincère. Pour la première fois de ma vie, j’avais eu l’impression d’être moi-même en faisant l’amour. Marthe me semblait très loin. Je me laissai glisser dans la torpeur. De toutes mes forces, je tentai de garder les yeux ouverts.
Une main, sa main, caressait mon dos. J’étais sur le ventre, je clignai des yeux et tournai la tête pour le voir. Il se pencha et m’embrassa délicatement.
— Je n’ai que du champagne à te proposer, me dit-il.
— Tu me nourris liquide ?
— On va en profiter avant que les robinets ne se ferment.
Il attrapa une coupe sur la table de nuit et me la tendit. Je me redressai, remontai le drap sur mes seins. Nous trinquâmes en nous regardant dans les yeux. Après quelques gorgées, il reprit ma flûte et me força à m’allonger. Il me passa au peigne fin : il débuta par mon cou, traça un sillon sur mes bras écorchés, alla vérifier l’étendue des dégâts sur mes genoux et finit par remonter le long de mon corps pour embrasser les griffures sur mon épaule.
— Je pourrais la tuer pour ce qu’elle t’a fait, murmura-t-il.
— Ne dis pas ça…
— Pendant que tu dormais, j’ai entendu ton téléphone s’affoler.
— C’était forcément elle.
— Exact. Elle doit piquer une crise de nerfs à l’heure actuelle, et préparer sa vengeance.
— Elle a vraiment le pouvoir de te couper les vivres ?
— Oui, elle a procuration sur tous mes comptes. Ça date de l’époque où Jules me les a ouverts. Les sociétés sont à son nom, je ne suis que le gérant. Tout a été fait pour que je ne la laisse jamais seule. Au moment de mourir, Jules m’a confié qu’il était heureux du cadeau qu’il avait fait à Marthe, parce qu’il avait eu le sien aussi. Le cadeau, c’était moi.
— Tu n’as jamais eu envie de t’en aller ?
— Non… quoi qu’elle ait pu faire, j’aime Marthe, je n’ai qu’elle. Avant toi, avant notre rencontre, j’étais intimement convaincu qu’il n’y aurait qu’elle dans ma vie, que rien ne pouvait être différent. C’est en la voyant faire avec toi que j’ai compris à quel point elle m’avait manipulé. Elle m’a ancré dans le crâne qu’aucune autre femme ne pourrait véritablement m’aimer, et qu’elle serait la seule et l’unique à pouvoir me supporter. Et comme le sexe n’existait plus entre elle et moi, je croyais que nous avions une relation certes tordue, mais plus saine qu’avant. Mais je veux que tu saches que… qu’elle ne m’a pas forcé au début…
— Tu veux dire…
— Oui.
— Pourquoi avoir accepté ?
— Remets-moi dans le contexte, j’étais jeune, con, arrogant. Et une femme d’une beauté incroyable, avec une expérience sexuelle qui ferait rougir une actrice porno, se glissait dans mon lit sans que j’aie besoin de rien faire…
— Si tu pouvais éviter de me donner trop d’images de vous deux, ça m’arrangerait.
— Pardon, me répondit-il, penaud.
Je l’embrassai. Il me sourit.
— Qu’allons-nous faire maintenant ? lui demandai-je.
— Je vais l’appeler.
— Tu veux que je le fasse ? Après tout, c’est moi qui me suis enfuie de chez elle, sans oublier que c’est moi qu’elle a agressée.
— Sauf que maintenant c’est entre elle et moi. C’est difficile à accepter, mais dans son esprit, tu es un objet dont on se dispute la possession. Et c’est important pour moi de le faire, je dois me détacher d’elle et de son pouvoir.
— Tu es prêt à ça ?
— Bien plus encore…
Il m’embrassa et partit à la recherche de son téléphone. Puis il s’assit au pied du lit. Je restai en retrait. Il fixa son portable et s’ébouriffa les cheveux en soupirant. Il composa le numéro et colla l’appareil à son oreille, sa main libre partit à la recherche de la mienne. À quatre pattes, je traversai le lit, et la saisis. Il me la broya en la ramenant contre son ventre. Je me lovai contre son dos, caressai son tatouage ; ses muscles étaient tendus.
— Marthe, c’est moi… Iris est ici…
— Vous êtes ridicules ! l’entendis-je dire à travers le combiné.
Gabriel souffla.
— Je ne jouerai pas à la grand-mère quand vous aurez l’idée de pondre des rejetons.
Le ton était acerbe.
— Ce n’est pas ce que nous te demandons. On veut juste que tu nous laisses vivre en paix.
— Tu n’as pas le droit de me la prendre, éructa-t-elle. Rends-la-moi !
— Iris n’est pas à toi.
La voix de Gabriel se durcissait. Ses muscles se contractèrent sous mes mains.
— Ne la touche plus jamais, tu m’entends ?
— Tu n’as pas le droit de me menacer, tu le sais, ça, mon chéri ? lui dit-elle de sa voix ensorcelante, séductrice.
Gabriel chercha l’air, de la sueur perla à ses tempes ; il luttait.
— Et moi non plus, je ne suis pas à toi, continua-t-il d’un ton brusque.
— Bien sûr que si ! Depuis que je t’ai vu, que tu es entré chez moi, tu m’appartiens.
— C’est fini, Marthe.
— Tu sais ce que ça signifie ! Tu vas tout perdre. Sans moi, tu n’es rien. Il te faudra oublier ton travail, le pouvoir, l’argent.
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