Jean-Marie Le Clézio - Étoile errante

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Pendant l'été 1943, dans un petit village de l'arrière-pays niçois transformé en ghetto par les occupants italiens, Esther découvre ce que peut signifier être juif en temps de guerre : adolescente jusqu'alors sereine, elle va connaître la peur, l'humiliation, la fuite à travers les montagnes, la mort de son père.
Comme dans 
, avec lequel il forme un diptyque, on retrouve dans 
le récit d'un voyage vers la conscience de soi. Tant que le mal existera, tant que des enfants continueront d'être captifs de la guerre, tant que l'idée de la nécessité de la violence ne sera pas rejetée, Esther et Nejma resteront des étoiles errantes.

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J’ai compris que c’était là qu’ils étaient passés, mon père en tête, les fugitifs derrière lui, à la file indienne, femmes enveloppées dans leurs châles, enfants plaintifs ou insouciants, et les hommes derrière, portant les valises, les sacs de vivres, les couvertures de laine. Le cœur battant, j’ai continué à monter à travers les hautes herbes. C’était la fin de l’été, comme il y a quarante ans, je m’en souviens très bien : le ciel immense, bleu, comme si on voyait le fond de l’espace. L’odeur des herbes brûlées, les bruits stridents des criquets. Au-dessus des vallées sombres, les milans qui tournoyaient en poussant leurs gémissements. J’ai le cœur qui bat parce que je vais vers la vérité. Tout cela est encore là, je n’ai pas oublié, c’était hier, quand nous marchions, ma mère et moi, sur le chemin de pierres aiguës, vers le fond de la vallée, vers l’Italie, à travers les nuages d’orage. Les femmes étaient assises au bord du chemin, leurs paquets posés à côté d’elles, leur regard vide, fixe. Ici l’herbe enivre, à la manière d’un parfum capiteux, peut-être que les fermiers du village l’ont fauchée et qu’elle a commencé à fermenter. La sueur coule sur mon visage, dans mon dos, tandis que je marche le long du sentier, vers le haut de la pente d’herbes. Maintenant, je suis dans une prairie immense qui va jusqu’aux rochers des sommets. Je suis si haut que je n’aperçois plus le fond de la vallée. Le soleil est redescendu vers les montagnes bleues, sur l’autre versant. Les nuages sont gonflés, magnifiques, j’entends quelque part le grondement du tonnerre.

Devant moi, il y a les cabanes des bergers. Ce sont des huttes de pierre sèche, sans âge. Peut-être qu’elles étaient déjà ici avant que les hommes ne construisent leurs villes, leurs temples et leurs citadelles. Au fur et à mesure que j’approche des cabanes, je sens comme un frisson au fond de moi, qui grandit, malgré la chaleur du soleil et l’odeur enivrante des hautes herbes qui fermentent. Tout d’un coup, je le sais, j’en suis sûre. C’est ici. Ils étaient cachés ici, dans les cabanes de pierre. Quand les fugitifs sont arrivés dans la plaine, les tueurs sont sortis, leur mitraillette à la hanche, quelqu’un a crié, en français : « Fuyez ! Vite, vite, fuyez ! Partez, on ne vous fera aucun mal ! » C’est un homme de la Gestapo qui a crié cela, il était vêtu d’un complet-veston gris élégant, coiffé d’un feutre. À travers les hautes herbes, les femmes et les enfants ont commencé à courir, les vieilles femmes, les hommes, pareils à des bêtes affolées. Alors les S.S. ont appuyé sur la détente, et les mitraillettes ont balayé le champ d’herbes, couchant les corps les uns sur les autres, et les cris aigus de la peur se noient dans le sang. D’autres sont encore vivants, des hommes cherchent à fuir vers le bas de la pente, le long du sentier par lequel ils sont montés, mais les balles les frappent dans le dos. Les paquets, les valises, les sacs de farine sont tombés dans les herbes, il y a des vêtements éparpillés, comme pour un jeu, des chaussures. Les soldats ont laissé les bagages. Ils ont tiré les corps par les jambes jusqu’aux cabanes de bergers, et ils les ont abandonnés là, à la lumière du soleil.

Le soir, la pluie a commencé à tomber sur la pente d’herbes, sur les cabanes de pierre. Le sentier descend à travers les hautes herbes, vers la vallée pleine d’ombres, comme autrefois, quand les lames coupantes étaient à la hauteur de mes lèvres, et que je ne savais plus où j’étais. Plus personne ne vient ici. Peut-être, à la fin de l’été, les troupeaux de moutons conduits par un vieux sourd qui parle en sifflant avec son chien, qui s’assoit sur une pierre pour regarder glisser les nuages.

J’ai descendu la montagne, presque en courant, à travers les hautes herbes, sur le sentier glissant. Y a-t-il toujours des vipères enlacées dans leur combat amoureux ? Y a-t-il encore quelqu’un qui sache les appeler, comme Mario, doucement, en sifflotant entre ses dents ? Tout tourne autour de moi, comme si j’étais le seul être vivant, la dernière femme échappée aux guerres. Maintenant, il me semble que la ville de lumière, Jérusalem, celle que mon père voulait voir, c’était là-haut, sur cette pente d’herbes, tous ses dômes célestes, et les minarets qui relient le monde terrestre aux nuages.

Dans la vallée, l’ombre était tiède. La pluie glissait sur la route avec un bruit doux. C’est un camion conduit par un Italien qui m’a ramenée jusqu’à Nice. J’ai appris ce que je suis venue chercher. Dans deux jours, Philip et Michel seront là. Je les aime. Avec eux, je repartirai de l’autre côté de la mer, dans mon pays où la lumière est si belle. C’est dans les yeux des enfants qu’elle brille surtout, dans leurs yeux d’où je veux chasser la souffrance. Je sais que tout va commencer. Et je pense encore à Nejma, ma sœur perdue il y a si longtemps dans le nuage de poussière du chemin, et que je dois retrouver.

La mer est belle, au crépuscule. L’eau, la terre, le ciel se mélangent. Il y a une brume qui traîne et cache l’horizon, imperceptiblement. Et le silence, malgré le mouvement des autos, malgré les pas des habitants. Tout est calme sur la digue, là où Esther est assise. Elle regarde devant elle, presque sans ciller. Il y a plusieurs jours qu’elle vient à cet endroit, quand le soleil décline, pour regarder la mer. Ce soir, c’est la dernière fois. Demain, Philip et Michel seront là, ensemble ils prendront le train pour Paris, pour Londres. Il faut partir, pour oublier.

Chaque soir, à la même heure, les pêcheurs viennent s’installer. Sur les dalles de ciment des brise-lames, ils préparent avec soin les appâts, les cannes, les moulinets, ils ont des gestes précis et sûrs. Esther aime les regarder. Ils sont si affairés, si soigneux, c’est comme si tout le reste n’était que rêves, délire, l’imagination d’un fou divaguant tout seul dans le couloir de son asile. Alors Esther pense que c’est cela, la réalité, ces pêcheurs dans la lumière du crépuscule, leurs lignes qu’ils lancent maintenant dans la mer, les plombs qui sifflent et cinglent les vagues molles, et le miroitement de la lumière tandis que le soleil dilaté disparaît dans la brume. Le regard d’Esther se perd dans l’immensité bleu-gris, devant elle, puis se fixe sur un seul petit bateau, une seule voile mince et triangulaire qui traverse lentement la brume.

C’est la fin de l’été, encore. Les journées sont plus courtes, la nuit vient brusquement. Esther frissonne, malgré la douceur de l’air. Sur les brisants, les pêcheurs ont allumé un poste de radio. La musique arrive par bouffées dans le vent, une voix de femme qui chante fort, on dirait faux, et les grésillements des parasites à cause des orages dans les montagnes.

Les pêcheurs se retournent de temps à autre, ils la regardent d’un air goguenard, ils disent des choses en nissart, et elle se doute bien qu’ils parlent d’elle, parce qu’ils rient un peu. Certains sont de tout jeunes hommes, qui ont l’âge de son fils, très bruns, l’air italien, avec des chemises roses à manches courtes. Que peuvent-ils dire d’elle ? Elle a du mal à l’imaginer, vêtue comme elle l’est, comme une vagabonde, avec ses cheveux courts qui grisonnent, son visage encore enfantin, noirci par les journées au soleil, dans la montagne. Mais d’une certaine façon, elle est contente d’entendre leurs voix, leur musique vulgaire et leurs rires. C’est la preuve qu’ils sont réels, que tout cela existe, cette mer lente, ces blocs de ciment, cette voile qui avance dans la brume. Ils ne vont pas disparaître. Elle se sent envahir par la légèreté de l’air, par la brume lumineuse. La mer est entrée en elle, avec son ressassement, les éclats de la lumière réfractée. C’est l’heure où tout bascule, où tout se transforme. Il y a si longtemps qu’elle n’a pas connu une telle paix, une telle dérive. Elle se souvient, le pont du bateau, la nuit, quand il n’y avait plus de terre, ni de temps. C’était après Livourne, ou plus au sud peut-être, pour le passage du détroit de Messine. Malgré l’interdiction du capitaine, Esther avait grimpé l’échelle, elle était sortie par l’écoutille entrebâillée, et elle avait rampé sur le pont, dans le vent froid, jusqu’au poste avant, avec des précautions de voleur. C’était Silvio qui était de quart, et il l’avait laissée faire, sans rien lui dire, comme s’il ne l’avait pas vue. Esther se souvient maintenant comme le navire glissait sur la mer lisse, invisible dans la nuit, elle se souvient du bruit doux de l’étrave, de la vibration des moteurs sous le pont. Dans le gaillard d’avant, la radio était allumée et les marins écoutaient une musique nasillarde et crachotante comme celles qu’écoutent les pêcheurs en ce moment. C’était la radio des Américains, en Sicile, à Tanger, la musique de jazz trouait la nuit par bouffées, comme aujourd’hui, on allait on ne savait où, perdus dans l’espace. Cela s’éloignait, revenait, la voix puissante, rauque, Billie Holiday qui chantait Solitude et Sophisticated Lady, Ada Brown, Jack Dupree, les doigts de Little Johnnie Jones sur le piano. C’est Jacques Berger qui lui avait appris les noms, plus tard, quand ils écoutaient les disques sur un vieux phono, dans la chambre de Nora, à Ramat Yohanan. Jealous Heart. Esther se souvient de l’air, elle le chantait à voix basse, quand elle marchait dans la rue, et tout cela qu’elle avait retrouvé au Canada, la musique dans l’appartement de l’avenue Notre-Dame, qui l’aidait à vivre dans la solitude et le froid, dans l’exil. Maintenant, sur le brisant, devant la mer qui devient noire, elle glisse encore sur la musique qui vient de la radio des pêcheurs. Elle se souvient comme c’était, alors, d’aller vers l’inconnu, vers l’autre côté de la mer. Mais son cœur se serre, parce qu’elle pense que pour Elizabeth, cela n’existe plus, qu’il n’y aura plus de voyage. Le navire a cessé de glisser sur la mer lisse, porté par la musique de Billie Holiday, quand Elizabeth a cessé de respirer. Elle est morte pendant la nuit, seule dans son lit de sangles, sans personne qui lui tienne la main. Esther est entrée dans la chambre, et elle a vu le visage si blanc renversé sur l’oreiller, la tache sombre sur les paupières. Elle s’est penchée sur le corps froid et dur, elle a dit : « Pas maintenant, je t’en prie. Reste encore un peu ! Je veux te parler de l’Italie, d’Amantea. » Elle a dit cela à voix haute, en serrant la main froide, pour faire entrer un peu de chaleur dans les doigts morts. L’infirmière est entrée, elle est restée debout près de la porte, sans rien dire.

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