Jean-Marie Le Clézio - Étoile errante

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Pendant l'été 1943, dans un petit village de l'arrière-pays niçois transformé en ghetto par les occupants italiens, Esther découvre ce que peut signifier être juif en temps de guerre : adolescente jusqu'alors sereine, elle va connaître la peur, l'humiliation, la fuite à travers les montagnes, la mort de son père.
Comme dans 
, avec lequel il forme un diptyque, on retrouve dans 
le récit d'un voyage vers la conscience de soi. Tant que le mal existera, tant que des enfants continueront d'être captifs de la guerre, tant que l'idée de la nécessité de la violence ne sera pas rejetée, Esther et Nejma resteront des étoiles errantes.

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Elizabeth était si faible que ses yeux ne pouvaient plus me voir. Je lui parlais, longtemps, tout près de son oreille, sentant contre mes lèvres les mèches de ses cheveux gris. J’essayais de dire les mots qu’elle aimait, ces noms, Naples, Florence, Amantea, parce que c’étaient ces mots qui pouvaient encore entrer en elle et se mêler à son sang, à son souffle. Les infirmières avaient essayé de m’éloigner, mais je restais accrochée aux barreaux du lit, la tête appuyée contre le même oreiller, j’attendais, je respirais, je vivais. L’eau coulait dans ses veines, par le tube, goutte après goutte, et mes mots étaient comme ces gouttes, ils venaient l’un après l’autre, imperceptibles, très bas, très lents, le soleil, la mer, les rochers noirs, le vol des oiseaux, Amantea, Amantea… Les médicaments, les piqûres, les soins brutaux, terribles, et la main d’Elizabeth qui tout à coup se crispait dans la mienne, avec la force de la souffrance. Les mots, à nouveau, encore, pour gagner du temps, pour rester encore un peu, pour ne pas partir. Le soleil, les fruits, le vin pétillant dans les verres, la silhouette effilée des tartanes, la ville d’Amantea qui s’endort dans la chaleur d’un après-midi, la fraîcheur des draps sous la peau nue, l’ombre bleue des volets fermés. J’avais connu cela moi aussi, j’étais là, avec mon père, avec ma mère, j’étais dans cette ombre, dans cette fraîcheur, dans la pulpe des fruits. La guerre n’était jamais arrivée, rien n’avait jamais troublé l’immensité de la mer si lisse.

Elizabeth est morte pendant la nuit. Quand je suis entrée dans la chambre, j’ai vu son corps allongé sur la civière, enveloppé dans le drap, son visage très blanc, très maigre, avec ce sourire apaisé qui n’avait pas l’air réel. La souffrance s’était éteinte avec la vie dans ses viscères. Je l’ai regardée un moment, puis je suis partie. Je ne sentais plus rien. J’ai rempli les papiers qu’il fallait, et un taxi m’a menée jusqu’au centre de crémation, pour le rituel sinistre. Le four chauffé à huit cents degrés a transformé en quelques minutes celle qui avait été ma mère en un tas de cendres. Puis, en échange de l’argent, on m’a donné un cylindre de fer avec son couvercle vissé, que j’ai mis dans mon sac en bandoulière. Il y avait des années que j’étais dans cette ville, il me semblait que jamais plus je ne pourrais en repartir.

Chaque jour qui a suivi, j’ai erré dans les rues avec mon sac, dans la chaleur métallique des incendies autour de la ville. Je ne savais pas ce que je cherchais. Peut-être les ombres que poursuivaient dans cette ville les agents de la Gestapo, tous ceux qu’elle avait condamnés à mort et qui se cachaient dans les caves, dans les combles. Ceux que l’armée allemande avait capturés dans la vallée de la Stura, enfermés dans le camp de Borgo San Dalmazzo, près de la gare, et qui sont partis dans les wagons blindés, qui ont traversé la gare de Nice durant la nuit, qui ont continué leur voyage vers le nord, vers Drancy, et plus loin encore, vers Dachau, vers Auschwitz ? Je marchais dans les rues de cette ville, les visages flottaient devant moi, éclairés par la lueur des réverbères. Des hommes se penchaient vers moi, murmuraient des phrases à mon oreille. Des jeunes gens riaient, avançaient en se tenant par la taille. Ceux que le préfet Ribière avait condamnés à mort, lançant contre les Juifs son ordre d’expulsion. Sur une plage, de l’autre côté de la mer, tandis que la ville semble figée dans sa destruction, les enfants et les femmes des camps de réfugiés regardent les grands bateaux qui s’éloignent sur la mer si lisse. Et ici, dans cette ville, les gens vont et viennent dans les rues, devant les vitrines pleines de lumières, ils sont indifférents, lointains. Ils passent devant les angles où les corps des enfants martyrs ont été suspendus par le cou, accrochés aux impostes des lampadaires comme à des crocs de boucher.

La journée qui a suivi la disparition d’Elizabeth dans le crématorium, j’ai marché à travers la colline de Cimiez, dans des rues calmes brillantes de soleil, avec l’odeur des cyprès, des pittospores. Il y avait des chats qui couraient entre les voitures, des merles insolents. Sur les toits des villas, les tourterelles dansaient. L’odeur de l’incendie avait disparu, à présent, et le ciel n’avait plus de nuages. Je ne savais pas ce que je cherchais, ce que je voulais voir. C’était comme une plaie au cœur, je voulais voir le mal, comprendre ce qui m’avait échappé, ce qui m’avait jetée vers un autre monde. Il me semblait que si je trouvais la trace de ce mal, je pourrais enfin m’en aller, oublier, recommencer ma vie, avec Michel, avec Philip, les deux hommes que j’aime. Enfin je pourrais voyager de nouveau, parler, découvrir des paysages et des visages, être dans le temps présent. J’ai peu de temps. Si je ne trouve pas où est le mal, j’aurai perdu ma vie et ma vérité. Je continuerai à être errante.

J’ai marché tous ces jours à travers les jardins, mon sac sur l’épaule, devant les immeubles de luxe qui regardent la mer. Puis je suis arrivée devant une grande bâtisse blanche, si belle, si calme, éclairée par les derniers rayons du soleil. C’était elle que je voulais voir. Belle et sinistre comme un palais royal, entourée de son jardin à la française, avec son bassin d’eau tranquille où venaient boire les pigeons et les merles. Comment ne l’avais-je pas encore vue ? Cette maison était visible de tous les points de la ville. Au bout des rues, au-dessus de l’agitation des voitures et des humains, il y avait cette maison blanche, majestueuse, éternelle, qui regardait infiniment le soleil et suivait sa course d’un bout à l’autre de la mer.

J’ai approché lentement, avec précaution, comme si le temps n’était pas passé, comme si la mort et la souffrance étaient encore là, dans les appartements somptueux, dans le parc régulier, sous les charmilles, derrière chaque statue de plâtre. Je marche lentement dans le parc, j’entends le gravier crisser sous les semelles de mes sandales, et dans le silence du domaine c’est un bruit qui me paraît résonner avec une dureté sèche, presque menaçante. Je pense à l’hôtel Excelsior, que j’ai vu hier, près de la gare, ses jardins, sa façade baroque et blanche, sa grande entrée ornée d’angelots en plâtre, devant lesquels devaient passer les Juifs avant l’interrogatoire. Mais ici, dans le calme et le luxe du grand parc, sous les fenêtres de la maison blanche, malgré les roucoulements des tourterelles et les cris des merles, c’est le silence de la mort qui règne. Je marche, et j’entends encore la voix de mon père, dans la cuisine de notre maison, à Saint-Martin, comme il parle de ces caves où l’on torture et l’on tue, chaque jour, ces caves cachées sous l’édifice somptueux, et le soir, les cris des femmes qu’on bat, les cris des suppliciés qui s’étouffent dans les buissons du parc et dans les bassins, ces cris aigus qu’on ne pouvait pas confondre avec ceux des merles, et alors peut-être fallait-il se boucher les oreilles pour ne pas comprendre. J’avance sous les hautes fenêtres du palais, ces fenêtres où les officiers nazis se penchaient pour surveiller à la jumelle les rues de la ville. J’entends mon père prononcer le nom de la maison, l’Ermitage, presque chaque soir je l’entends dire ce nom, dans l’ombre de la cuisine, quand les fenêtres sont bouchées avec du papier journal à cause du couvre-feu. Et ce nom était resté en moi tout ce temps, comme un secret détesté, l’Ermitage, ce nom qui pour les autres ne veut rien dire, ne signifie rien d’autre que le luxe des grands appartements ouverts sur la mer, le parc tranquille où se bousculent les pigeons. Je marche devant la maison, en regardant la façade, fenêtre après fenêtre, et ces bouches sombres des soupiraux d’où montait la voix des suppliciés. Il n’y a personne aujourd’hui, et malgré la lumière du soleil et la mer qui brille au loin, entre les palmiers, je sens comme le froid au fond de moi.

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