Dans la forêt, l’expérience est la même : mettez-vous trop près d’un arbre quelconque (le détail) et vous ne verrez plus les autres arbres de la forêt (l’ensemble).
Notre expression est donc une métaphore qui rappelle que, dans la vie, il arrive parfois qu’un détail capte notre attention et nous empêche de voir quelque chose de plus grand, de plus global (ce détail ayant pu être volontairement mis en avant par quelqu’un ayant intérêt à ce qu’on n’en perçoive pas plus).
Et souvent la créatine est l’arbre qui cache la forêt. Car derrière la créatine, on se charge en testostérone ou autre hormone de croissance.
Jean-Pierre de Mondenard —
Dictionnaire du dopage — Masson — 2004
17. L’argent n’a pas d’odeur
1. L’argent malhonnêtement gagné ne trahit pas son origine.
2. Peu importe d’où provient l’argent, l’essentiel est d’en avoir.
Cette expression s’emploie en général pour parler d’un bien mal acquis dont on préfère oublier l’origine douteuse. Elle viendrait de l’empereur Vespasien qui régna sur Rome de l’an 69 à l’an 79.
En effet, les caisses de l’empire étant vides, Vespasien institua nombre de taxes diverses afin de renflouer le trésor de l’État. L’une d’elles marqua plus particulièrement les esprits, soit celle sur les urines destinées à être collectées par les teinturiers (qui s’en servaient pour dégraisser les peaux). Elle était payable une fois tous les quatre ans par tous les chefs de famille, en fonction du nombre de personnes (et d’animaux) vivant sous leur toit.
Bien entendu, le peuple se moqua de cette taxe et Titus, le fils de Vespasien, lui en fit la remarque. L’empereur lui mit alors une pièce de monnaie sous le nez et lui dit, en lui demandant de la sentir : « L’argent n’a pas d’odeur » ( pecunia non olet ), sous-entendant ainsi que peu importait la provenance de l’argent tant qu’il remplissait les caisses. Et si les urinoirs publics installés à Paris à partir de 1834 s’appelaient des vespasiennes , c’est en mémoire de Vespasien, resté célèbre en raison de sa taxe sur les urines. Notez que l’argent malhonnêtement gagné est ce qu’on appelle maintenant de l’argent sale . Et pour « le laver », il n’y a qu’à le blanchir *.
L’argent n’a pas d’odeur, mais Dieu ! c’qu’il sent bon.
Yasmina Khadra —
Ce que le jour doit à la nuit — Pocket — 2009
18. Passer l’arme à gauche
Mourir.
Cette expression du début du XIX esiècle est d’origine militaire, mais on n’a pas de certitude quant à son origine exacte. La plupart des commentateurs s’accordent sur les connotations de maladresse et de valeur maléfique qu’on attribuait à cette époque à la gauche. Une première explication lie l’origine de l’expression à la pratique de l’escrime : la main qui tient le fleuret étant en général la droite, faire passer l’arme de l’adversaire à gauche, c’était la lui arracher de la main droite, donc pouvoir ensuite le tuer facilement.
Une autre explication vient de la position au repos (par opposition à celle du garde-à-vous) qui est celle où le soldat pose son fusil au pied gauche. Et du repos au repos éternel, il n’y a parfois qu’un pas…
Une troisième explication vient des soldats de l’époque napoléonienne qui, lorsqu’ils devaient recharger leur fusil, devaient déchirer une cartouche (un cylindre de carton contenant la charge de poudre et la balle du fusil), ce qui leur imposait de placer leur arme à gauche et de se redresser en partie, les rendant ainsi plus vulnérables aux tirs ennemis. Celui qui mourait d’une balle ennemie bien placée venait donc probablement de passer son arme à gauche.
La dernière proposée ici (mais il en existe encore quelques autres) date du Moyen Âge où, après une union, les écus des deux familles pouvaient être accolés pour former un nouveau blason. Les armes (au sens de « armoiries ») de l’époux étaient à droite, ceux de l’épouse, à gauche. En cas de mort de l’époux, ses armes étaient transférées à gauche du blason. Passer l’arme (ou les armes) à gauche signifiait donc qu’on venait de rendre l’âme.
Ces gens-là sont comme les chiens qui abandonnent la maison quand ils sentent que quelqu’un va passer l’arme à gauche.
Jean Prieur —
Les visiteurs de l’autre monde — Fernand Lanore — 1995
1. Sans relâche, sans interruption.
2. En fournissant un effort intense.
Il est vrai que certains travaux dangereux peuvent, en cas de maladresse d’un des intervenants, aboutir à un arrachage de pied. Et dans ce cas, il est rare que la victime prenne son pied *… Mais cette histoire de pied arraché ne doit pas être prise au pied de la lettre *: il ne s’agit que d’une image.
Voilà une expression, ou plutôt une locution adverbiale, qui nous vient de 1515 et qui a changé trois fois de sens depuis son apparition.
À cette époque, elle signifiait « tout de suite » et elle vient probablement du fait que la personne à qui on demandait d’agir immédiatement devait quitter sa position et très vite bouger et « arracher » ses pieds du sol, comme si la position immobile correspondait à des pieds plantés en terre.
Ensuite, elle a signifié « sans interruption » ou « sans relâche », sans explication claire sur le glissement du sens. Cette seconde signification apparaît et vit parallèlement à la première à partir du XVIII esiècle, probablement parce que celui qui travaille sans relâche est tenu de fournir un effort intense.
Malade depuis plusieurs mois, il travaillait d’arrache-pied sur une traduction de la Bible.
Libération — Article du 3 février 1995
20. Signer son arrêt de mort
Faire ou dire quelque chose, commettre un acte qui va conduire inéluctablement à la mort.
Prise au sens propre, cette expression peut laisser perplexe. En effet, si on signe de quoi « arrêter » sa mort, c’est qu’on va l’empêcher et donc ne pas mourir. Dans ce cas, le sens paraît complètement opposé à ce qu’il est réellement.
Mais c’est oublier qu’un « arrêt » ou un « arrêté », c’est une décision prise par une autorité administrative ou judiciaire. Un « arrêt de mort » entraîne alors la peine capitale. Signer son arrêt de mort, c’est donc signer l’arrêt qui va nous être fatal, celui qui décide qu’on va mourir.
Autrement dit, au figuré, c’est faire de son propre chef ce qu’il faut pour provoquer sa propre disparition (comme prendre un bain dans une rivière infestée de crocodiles ou bien traverser lentement une autoroute un jour de grande circulation).
Lise Thibault estime qu’elle a signé son propre « arrêt de mort » avec le décret autorisant une enquête sur son administration.
Patrice Bergeron — « Thibault dit avoir signé son “arrêt de mort” » — La Presse canadienne, 31 juillet 2014
21. À l’article de la mort
À l’agonie, près de mourir.
En général, on ne trouve dans le journal un article sur un mort que postérieurement à son décès. Or, « l’article de la mort » se situe en général juste avant le décès. Comment est-ce possible ? Eh bien ce l’est parce que cet article-là ne désigne ni celui d’un journal, ni celui qui précède un nom. Cette expression qui date du XV esiècle vient du latin in articulo mortis, où articulo vient de articulus qui, dans cette locution, désigne une division du temps, donc un « moment ». In articulo mortis peut ainsi se traduire par « au moment de la mort ».
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