Nous allons laver l’affront du Contact. Venger l’humiliation xénoïde dans l’unique domaine où nous sommes égaux.
Mais cette équipe de la Ligue dispose de moniteurs médicaux mille fois supérieurs aux nôtres, de simulateurs et d’assistants d’entraînement que nous ne pouvons pas même imaginer. L’égalité sportive est une chimère. Pourquoi, durant ces matchs, aucune équipe terrienne n’a-t-elle jamais gagné ?
Jusqu’à aujourd’hui.
Aujourd’hui, c’est différent. Je le sens dans l’air. Aujourd’hui… qui sait ?
Parce que nous sommes l’équipe championne.
La meilleure équipe humaine à avoir jamais foulé un terrain de Voxl.
Le grand espoir des Terriens.
L’arme secrète de la vengeance… plus proche que jamais.
FIN DE LA PAUSE PUBLICITAIRE.
LES ÉQUIPES REGAGNENT LE TERRAIN.
Les bleus et roses et les magentas reviennent sur la lice.
« On va voir comment tu évolues, à présent, latino », murmure Kowalski, en guise de salut, avant de connecter son casque.
Oui, renégat. On va voir comment toi tu te débrouilles. Voir si l’astuce de ton cerveau humain égale celle des six nôtres. Ce n’est pas par goût que toute équipe de la Ligue veut avoir au moins un homo sapiens dans ses rangs. Les Centauriens ont inventé le jeu… mais nous sommes les plus créatifs. Et toute la galaxie le sait… C’est pourquoi ils enregistrent les parties de notre Championnat mondial et les étudient pour nous voler nos stratégies.
Oui, Kowalsky. Tu vas voir comment je bouge, à présent. On va voir si cinq ans au sein de la Ligue t’ont appris des tactiques nouvelles… Ou si ça t’a seulement fait oublier une bonne partie de ce que tu savais.
L’engagement est pour nous. Dans le vocodeur, je rappelle la consigne à mes coéquipiers :
« La boîte chinoise, n’oubliez pas. »
Voilà le voxl, qui est à présent rouge, pour la deuxième mi-temps. En vertu de quoi ? Serait-ce parce qu’aucune équipe humaine ne parvient à distinguer un voxl de cette couleur lorsqu’il passe devant les combinaisons magenta de la Ligue ?
Sainte Vierge, ne m’oublie pas en cette heure décisive.
Yukio dévie le voxl sans le laisser toucher le sol. Un geste bien contrôlé. Les clones cétiens s’élancent pour le chercher.
Jonathan amorce un coup de toutes ses forces et arrête brusquement le voxl avant qu’il n’atteigne les Cétiens. Nous attendons. Kowalsky hésite et finit par nous envoyer le Colossien.
Maintenant.
Je rebondis contre Mvamba et je m’enroule autour du voxl. Je ne peux le saisir, mais il ne peut pas non plus sortir de la prison que forment mes membres, ma tête et mon corps. Je suis sans défense. Maintenant, tout dépend de mon équipe.
Le Colossien m’atteint et je me tends… Mais les Slovsky l’écartent avant qu’il ait pu me causer du mal. OK. Pour l’instant, tout va bien. Le contact doux me fait flotter lentement vers le haut et je m’arque subitement, poussant le voxl contre le plafond.
Premier rebond.
Comme au ralenti, Jonathan l’atteint et s’enroule autour de lui. Je me joins aux Slovsky : il faut immobiliser 300 kilos de Colossien ! Mvamba arrête un des Cétiens et un Yukio glissant comme une anguille parvient à faire s’emmêler Kowalsky et l’autre Cétien. Jonathan arrive au sol, entourant toujours le voxl, et le libère presque avec amour.
Deuxième rebond.
Jonathan a risqué le tout pour le tout en serrant désespérément le voxl jusqu’à la paroi. À présent, celui-ci repart… Par chance, dans la bonne direction. Vers le plafond. Dieu existe. Il est avec nous et guide notre voxl. Grâce à toi, bonne Vierge.
Le Colossien fournit un effort suprême pour l’atteindre et fait barrage aux jumeaux, mais je coince sa queue entre mon épaule et le mur. Une seconde, puis deux… Elle glisse. Il est trop fort. Et il y a peu de friction entre les champs de force de nos combinaisons. La masse magenta tend sa main tridactyle et…
Trop tard !
Troisième rebond !
C’est pour toi, Arno…
SEPTIÈME ESSAI MARQUÉ PAR LA TERRE ! ! !
ILS MÈNENT AU SCORE ! SEIZE À QUINZE !
TERRE, TERRE, TERRE !
Tu as vu, renégat, comment j’évolue ?
Je sens presque vibrer le terrain. Au dehors, le Méta-Colisée de la Nouvelle Rome a dû éclater de joie. C’est l’hystérie collective.
À l’intérieur, nous sommes l’équipe championne et nous allons gagner. Nous allons venger l’humiliation de la Terre, pour toujours. Nous allons gagner notre place au panthéon de la gloire. Le prochain essai sera décisif.
La remise en jeu est dans notre camp.
Nous nous saluons à la manière centaurienne, du bout des doigts, les bras tendus. Et nous passons à l’attaque.
Pour la première fois en un quart de siècle, la Terre vole vers la victoire.
Mvamba-Yukio. Les Slovsky entament un rebond hyper rapide sur la poitrine du Colossien démoralisé et parviennent à le contrôler. Le terrain est à nous.
Kowalsky tente d’attraper le voxl et échoue, mais les Cétiens agissent en coordination et volent le rebond que préparait Jonathan…
Il n’y pas d’échappatoire. Mvamba le leur dérobe et me le passe. Je le contrôle. Un, deux… Le Colossien écarte les Slovsky et perturbe notre stratégie. Il domine. Les jumeaux se replacent en défense mais Kowalsky a pris le voxl. Les clones me font obstruction, têtus.
J’esquive les Cétiens et je coupe la route de Tamon Kowalsky. Les jumeaux contrôlent le Colossien.
Le terrain s’emplit de tension. Nous luttons tous pour l’essai décisif.
Nos muscles s’épuisent. L’adrénaline sature notre sang.
Vierge de la Charité des Opulents, accorde-nous cet essai…
Les Cétiens sortent Yukio de la circulation en le projetant contre Mvamba. Peu importe, il a l’air de se reprendre. J’évite la charge de rhinocéros du Colossien et je fais une longue passe à Jonathan. Il la reçoit entre les jambes et cherche le rebond. Un, deux…
Un Cétien libre l’intercepte et prend impulsion contre son double. Kowalsky me bloque avec raideur. Un rebond, deux…
Petite Vierge, ne m’abandonne pas maintenant !
Yukio est étourdi. Mvamba vient à son aide, mais sa trajectoire est erratique. Il ne s’est pas repris du tout… Mon esprit se glace lorsque je comprends qu’il n’aura pas le temps.
Quelque chose brûle en moi. Cela ne peut pas finir ainsi !
Je hurle dans le vocodeur :
« Vengeance ! Tous sur Kowalsky ! »
… et trois.
HUITIÈME ET DERNIER ESSAI DE LA LIGUE.
DIX-HUIT À SEIZE.
VICTOIRE DE LA LIGUE.
LE CAPITAINE DE LA LIGUE, TAMON KOWALSKY, EST BLESSÉ.
Et nous avons perdu.
Mais l’ancien capitaine des Hussards de Varsovie a eu son compte, avec, sur lui, Jonathan, Mvamba, les Slovsky et moi.
Lorsqu’ils déconnectent le terrain et que la gravité remonte de 0,67 g à l’habituelle gravité terrestre de 1 g, Tamon Kowalsky git sur le sol du terrain, les quatre fers en l’air, ressemblant à une poupée cassée. Les infirmiers l’emmènent sans même déconnecter sa combinaison. Ils lui enlèvent seulement son casque, qui roule sur le sol, jusqu’à nous.
« C’est ça, le Voxl, Polonais ! marmonne Jonathan, lui flanquant un coup de pied vengeur, des larmes de rage dans les yeux. Et ça, c’était pour Arno. Et ça, pour que tu n’insultes plus aucun joueur humain. »
Je le regarde, surpris. Comment sait-il… ?
Il hausse les épaules, l’air désolé, et me montre son vocodeur. Celui-ci n’a rien du modèle officiel… Il a subi bien plus que de « légères adaptations ».
« Je regrette, Daniel, murmure-t-il. L’électronique est une autre de mes passions. J’ai pensé que, si je savais ce que vous vous racontiez, Gopal et toi, je jouerais mieux. J’ai posé un micro dans ton casque…
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