Robert Wilson - La cabane de l'aiguilleur

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La cabane de l'aiguilleur: краткое содержание, описание и аннотация

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À la mort de sa mère, Travis Fisher est recueilli par sa tante, Liza Burack, à Haute Montagne. Malgré la Grande Dépression, la vie y est simple, rythmée par le travail à la fabrique de glace, les sermons à l’église baptiste et les sorties avec Nancy Wilcox. Travis en viendrait presque à oublier son statut d’inadapté. Mais il y a la mystérieuse Anna Blaise, elle aussi hébergée par les Burack. Qui est-elle vraiment ? Quel secret cache-t-elle dans sa chambre systématiquement close ?
Premier roman de Robert Charles Wilson,
contient déjà en germe les ingrédients qui feront le succès de l’auteur, notamment avec
 : une écriture intimiste au service de personnages attachants confrontés à une réalité qui leur échappe.

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Cela ne convenait pas, mais il ne fallait pas laisser Greg Morrow approcher de la cabane. Il avait manifestement des soupçons, ce qui était déjà gênant, mais s’il apprenait la vérité…

Mais Greg souriait. « C’est là qu’elle est ? demanda-t-il en désignant la cabane du menton. Cette pute d’Anna Blaise ? Nancy aussi, peut-être ? » Le sourire s’emplit de suffisance. « Tu les baises toutes les deux, le bouseux, c’est ça ? Tu sais, tu sens la merde. T’as l’air merdeux et tu sens la merde. Mais bon, elles aiment peut-être ça, hein ? Je parie que ça les rend dingues, cette odeur… »

Travis serra les poings. Mais avant qu’il puisse faire le moindre mouvement, Greg avait plongé la main dans la poche de son manteau pour en sortir un couteau. Un bête couteau, pensa Travis, avec une poignée en bois et une longue lame dentelée, comme un vilain couteau à steak. Il imagina qu’il coupait quand même. Greg l’agita avec jubilation dans sa direction, et Travis se sentit envahi par la peur. Par la peur… et par quelque chose d’autre.

« Pas cette fois, affirma calmement Greg. Tu ne m’auras pas deux fois. Reste tranquille ! Je vais juste aller frapper à la porte. Pas de problème. Juste pour voir qui est à la maison. » Il avança d’un pas, et Travis, à peine conscient de ses actes, se plaça sur son chemin. Greg ne bougea plus. Le couteau resta immobile dans sa main. Travis regarda la lame, puis Greg. Les yeux de celui-ci scintillèrent d’un soupçon de joie, et son sourire était le rictus d’un homme qui, installé dans un wagon de montagnes russes, apprécie d’arriver au sommet précédant la première grande plongée, s’en réjouit, d’une certaine manière. Travis comprit que Greg se servirait du couteau, et avec plaisir, que s’il était lui-même blessé, s’il mourait, cela n’avait aucune importance, puisqu’il était désormais un vagabond : quand on trouverait son corps, on l’enterrerait sans faire de vagues.

« Fais-le », lança-t-il à voix haute, et une partie de lui-même se demanda d’où provenaient ces mots. Il parlait d’une voix gutturale, proche du grognement. « Fais-le Greg. Je t’arracherai le couteau. Je te le jure. Et je te couperai les couilles avec. »

Travis attendit. La lame ne se trouvait qu’à quelques centimètres de son abdomen. Mais en regardant Greg, il vit moins d’hystérie vertigineuse dans ses yeux. Le couteau hésita, une inconnue s’était glissée dans l’équation. Puis, d’un coup, Greg se remit à sourire. Il lâcha le couteau. « Eh bien, je pense que je sais déjà ce qu’il y a dedans. Je pense que tu viens de me le dire. » Il recula d’un pas. « Amuse-toi tant que tu le peux encore, le bouseux. »

Travis le suivit des yeux qui retournait d’un pas presque nonchalant en direction des arbres, entendit la voiture démarrer. Son cœur battait à tout rompre, sa tête lui tournait.

Il pensa à Nancy dans la cabane, à ce qu’elle venait d’éviter d’extrême justesse. À ce qu’elle ne pourrait plus guère éviter, maintenant que Greg Morrow était revenu là. Dieu du ciel, pensa-t-il en grelottant, elle fraye avec des démons… ils la crucifieront…

Il se retourna et c’est alors qu’il l’entendit hurler.

Il l’écarta d’Anna, et Nancy cessa aussitôt de trembler. Elle leva les yeux vers Travis avec une énorme gratitude inexprimée. « Tu es venu…

— Nancy, qu’est-ce qu’il y a ? Quel est le problème ? »

Le pistolet, pensa-t-elle. La peur, la douleur. Elle se toucha les côtes puis le ventre, pour s’assurer que les blessures ressenties n’étaient en réalité pas les siennes. « Je ne peux pas expliquer, dit-elle d’une voix éteinte. Je ne comprends pas moi-même… »

Mais Anna avait cessé de convulser et se redressait, les yeux caves et lumineux d’un vague feu bleu. Nancy sentit Travis reculer, aussi lui prit-elle la main qu’elle serra fort : elle avait besoin de lui.

Anna cilla. Son chagrin avait empli la pièce, il était palpable, physiquement présent, une odeur évoquant la rose… un nuage… de l’électricité dans la peau…

Elle regarda Nancy. « Tu l’as senti ?

— Oui ! Oh mon Dieu, oui ! » Elle se pressa contre Travis. « C’était lui, n’est-ce pas ? C’était L’Os. Il est tout près… »

Anna dit faiblement : « Ils sont en train de le tuer. »

INTERLUDE

L’Os perd la foi

Leur chance tourna dans une petite ville ferroviaire du nom de Buckton.

La liasse de billets dans la poche droite du caban marin de L’Os avait nettement épaissi. À deux reprises au cours de cet été brûlant, dans des villes dont ils ignoraient le nom, ils s’étaient livrés à de fructueux vols à main armée. « Rien de gros, dit Deacon. Rien d’ambitieux. Juste un peu d’argent du tiroir-caisse. Juste une espèce d’impôt sur le revenu. Un peu d’allocations pour Archie, Deacon et L’Os. » Ils repéraient une station-service ou une épicerie générale, pas trop loin de la voie de chemin de fer ni trop près de l’agglomération, et en approchaient au crépuscule ; Deacon, brandissant un pistolet pris dans la ferme des Darcy, vidait le tiroir-caisse. Le propriétaire ou l’employé pouvait pleurer, maudire, observer en silence, ce n’était jamais Deacon ni Archie qu’il regardait, mais L’Os, énorme, pâle et l’air déconcerté, L’Os avec ses poignets blêmes saillant des manches de son caban et ses yeux blancs qui ne cillaient pas dans leurs orbites caverneuses.

Cela aurait dû se passer de la même manière. Ils étaient venus à pied d’un campement de vagabonds jusqu’à ce bâtiment blanchi à la chaux avec une porte à moustiquaire déchirée surmontée de la mention « Articles divers ». Ils restèrent dehors dans le soleil couchant, évaluant l’isolement du commerce et les risques que quelqu’un passe. « C’est très exposé, ici, dit Archie avec nervosité. N’importe qui pourrait nous voir. » Mais Deacon ne lui accorda qu’un ricanement méprisant. « Paroles de lâche », décréta-t-il avant de plonger la main sous son manteau pour en sortir son grand pistolet. « Pour l’amour du ciel… » commença Archie, mais Deacon avait déjà poussé la porte aux gonds rouillés.

L’Os se précipita à sa suite.

Ils se retrouvèrent dans une étroite pièce bien rangée, avec un sol garni de planches et des sacs de farine sur des rayonnages en pin. L’Os fut plongé dans le capiteux parfum du grain et de la cire à bois, dans l’impitoyable lumière jaune d’une ampoule fixée au plafond. Le propriétaire, un homme au torse bombé, n’avait pas encore remarqué l’arme de Deacon ; il ne quittait pas L’Os des yeux. Ce dernier sentit sa méfiance, une méfiance qui ne s’était pas encore cristallisée en peur. « Puis-je vous aider, messieurs ? » demanda le propriétaire avec un chat dans la gorge, avant de pâlir lorsque Deacon s’avança en souriant jusqu’aux oreilles.

Archie surveillait la porte. C’était son travail, dont il s’acquittait à la perfection. Mal à l’aise dans cet espace confiné, L’Os se tenait au comptoir avec Deacon, celui-ci armé du pistolet. « Nous voulons juste le contenu du tiroir-caisse, précisa Deacon d’un ton calme. Faites-le-nous passer, lentement.

— Une voiture approche », annonça Archie de la porte.

Deacon ne se retourna pas. « Préviens-moi si elle s’arrête. » Il était détendu, méthodique. Deacon ne craignait ni l’homme derrière le comptoir, ni la prison, ni de commettre un acte violent. Il a changé, comprit L’Os, depuis chez les Darcy. Peut-être ne voulait-il pas tuer le commerçant, mais il n’hésiterait pas à le faire si l’occasion se présentait, une partie de lui ferait peut-être même bon accueil à cette violence, au bref plaisir farouche consistant à manifester sa puissance par une pression sur la détente. L’Os percevait tout cela sans avoir besoin de mots. L’immanence de la mort flottait comme un nuage noir autour de Deacon. L’Os en sentait la puanteur.

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