Karine Giébel - De force

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De force: краткое содержание, описание и аннотация

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Le temps de l'impunité est révolu. Le temps des souffrances est venu. Elle ne m'aimait pas.
Pourtant, je suis la aujourd'hui.
Debout face au cercueil premier prix sur lequel j'ai pose une couronne de fleurs commandée sur internet.
Car moi, j'ai voulu l'aimer.
De toutes mes forces. De force.
Lorsque j'arrive devant la porte de mon ancienne chambre, ma main hésite a tourner la poignée. Je respire longuement avant d'entrer.
En allumant la lumière, je reste bouche bée.
Pièce vide, tout a disparu.
Il ne reste qu'un tabouret au centre de la pièce.
Sur le tabouret, une enveloppe.
Sur l'enveloppe, mon prénom écrit en lettres capitales.
Deux feuilles, écrites il y a trois mois.
Son testament, ses dernières volontés.
Je voulais savoir.
Maintenant, je sais.
Et ma douleur n'a plus aucune limite.
La haine.
Voila l'héritage qu'elle me laisse.

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— Ça ne servira à rien, prédit Reynier d’une voix aussi douce que ferme. Mais je m’en chargerai, promet-il.

Maud fait pivoter sa chaise et se blottit contre son père.

— Heureusement que tu as fait venir Luc à la maison !

— Je me doutais qu’il n’en resterait pas là, continue Armand. C’est pour ça que j’ai pris cette décision…

— Mais comment tu pouvais le savoir ?! s’écrie-t-elle en levant les yeux vers lui.

Il caresse ses cheveux, l’embrasse sur le front.

— J’ai trouvé un message de menaces à ton égard… Accroché sur le portail, ment-il. Alors, j’ai tout de suite appelé Luc.

— Un message ? Mais pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?

— Je ne voulais pas t’affoler. Tu étais déjà assez marquée par l’agression pour que je n’en rajoute pas… Tu comprends ?

Elle s’écarte de lui, pose les coudes sur la table. Alors, il vient s’asseoir en face d’elle.

— Ma chérie, j’ai fait tout cela pour te protéger, rien d’autre.

— Tu aurais dû me le dire… J’ai plus trois ans, merde !

Trois ans.

L’âge où j’ai tué ma propre mère.

— OK, j’aurais dû t’en parler, pardonne-moi. J’ai cru bien faire en t’épargnant.

— Que disait ce message ?

— Rien de précis, élude Armand. Mais j’ai compris qu’il t’était destiné. Que tu étais en danger…

— Montre-le-moi, exige-t-elle.

— Je ne l’ai pas ici. Il est dans mon coffre, à la clinique, prétend-il.

Elle soupire en signe d’agacement.

— Dis-moi ce qu’il y avait d’écrit…

Il soupire à son tour, embarrassé.

— C’était juste une photo de toi, prise à distance.

Les yeux de Maud s’arrondissent de frayeur.

— Une photo de moi ? Mais comment il a pu…

— Il devait te surveiller depuis un moment, avant l’agression. Il a dû se planquer dans la rue et faire un cliché quand tu sortais.

— Merde… Il est complètement barge, ce type !

— D’après ce que vous m’avez raconté, Luc l’a blessé, ce matin… C’est vrai ?

— J’étais loin, mais oui, il l’a frappé à plusieurs reprises.

— J’espère que ça suffira à l’éloigner définitivement.

— Tu vas appeler les flics ?

— Oui, je te le promets. Et je vais te trouver un garde du corps plus efficace.

Maud reste bouche bée.

— Il n’a pas assuré, poursuit Armand. Je n’ai plus confiance en lui…

— Tu es injuste, reproche Maud. Il m’a sauvé la vie à deux reprises, ça ne te suffit pas ?

— Il aurait dû s’apercevoir que vous étiez suivis et n’aurait jamais dû accepter de te conduire là-bas.

— Il a fait ce que je lui ai demandé ! rappelle Maud en haussant le ton. Et de toute façon, si tu embauches un autre garde du corps, je refuserai qu’il reste près de moi.

Sa voix s’est faite menaçante, alors Armand attrape sa main.

— Qu’est-ce qui se passe, Maud ?

— J’ai peur, voilà ce qui se passe !

— Je ne parle pas de ça… Ne me dis pas que tu es en train de t’enticher de Luc ?

— Mais non, qu’est-ce que tu vas chercher ! Je me sens en sécurité avec lui, c’est tout ! C’est bien pour ça que tu le payes, non ? Pour que je me sente en sécurité ?

— Pour que tu sois en sécurité, ma puce.

— Ne le renvoie pas, conclut-elle en se levant. Je ne te le pardonnerai pas.

Elle quitte la cuisine en claquant la porte un peu fort. Armand passe une main sur son visage fatigué. Il consulte sa montre et réalise qu’il est temps pour lui de retourner à la clinique.

14

L’homme est en caleçon, assis sur son lit défait. Un énorme tatouage orne son dos, tête de mort coiffée d’un béret vert, autour de laquelle sont inscrits deux mots.

Honneur et fidélité.

La fenêtre ouverte lui crache une haleine bouillante et fétide en pleine figure ; le bruit des voitures et des camions qui circulent sur le grand boulevard est assourdissant. Son bras droit est maladroitement bandé depuis le coude jusqu’à la main et lorsqu’il tente de bouger ses doigts, un râle de douleur lui échappe.

— Encore un peu et ce petit con me pétait le bras ! marmonne-t-il.

Il se lève dans un mouvement las et passe dans la salle de bains crasseuse qui jouxte la chambre. Il s’asperge le visage et la nuque puis considère son reflet dans le miroir moucheté de gouttelettes d’eau.

Un boxeur qui descend du ring.

Il ne sortira pas pendant quelques jours ou seulement à la faveur de l’obscurité.

En traînant les pieds, il se rend dans la cuisine et s’arrête quelques secondes devant le portrait du petit garçon. Il lui offre un drôle de sourire.

— T’inquiète pas, petit. Je m’en remettrai.

Il jette un œil dans le frigo quasiment vide.

— Putain de merde… Y a jamais rien là-dedans !

Il attrape un vieux morceau de fromage et une boîte de pâté. Il récupère ensuite une demi-baguette de la veille et se confectionne un sandwich qu’il aura du mal à avaler.

Lorsque son portable sonne, il décroche sans hâte.

— Oui ?

— C’est moi, dit la voix. Je vous dérange, on dirait ?

— J’suis en train de bouffer.

— Comment ça va ?

— J’arrive plus à bouger mon bras, putain !

— Ce sont les risques du métier, soupire la voix.

— Ouais… Qu’est-ce qu’il y a ?

— Je souhaitais voir la suite avec vous. Mais peut-être voulez-vous abandonner ? Je vous sens… fatigué.

— J’suis pas fatigué, OK ?

— Parfait. Dans ce cas, ouvrez bien vos oreilles… Parce qu’on va passer à la vitesse supérieure.

— Il serait temps !

L’homme mord dans son sandwich.

— Annoncez la couleur, je vous écoute.

15

Luc s’est endormi.

Là, au beau milieu de son lit.

Au beau milieu de l’après-midi.

Tourné sur le côté, replié sur lui-même.

De ses yeux fermés coule un flot de larmes acides.

De sa bouche entrouverte coule une complainte sans fin.

Maud n’a pas réussi à dormir.

Elle a déjà rempli une corbeille de mouchoirs.

Impossible d’endiguer sa peine. À intervalles réguliers, son cœur se serre dans sa poitrine, comme si deux puissantes mains tentaient de le broyer pour en extraire la vie. Dans son cerveau, les images se mélangent, se déforment. Elle revoit l’homme près de la rivière. Le revoit en train de massacrer Charly. Elle se revoit mourir sous les coups de ce salaud.

Ces images-là sont curieusement floues. Douloureuses, mais floues. Comme si elles étaient reléguées au second plan.

Les seules images nettes sont celles de Luc en train de lui sauver la vie, à deux reprises.

Luc en train de lui sourire. Sa voix, son visage, ses yeux, ses mains.

Maud se demande si elle n’est pas en train de devenir cinglée.

J’aurais pu mourir il y a quelques jours. Crever il y a quelques heures à peine. Ce matin, j’ai compris que je suis devenue l’obsession d’un tueur sans pitié. Que je suis en danger de mort. Et pourtant, si je chiale cet après-midi, ce n’est pas parce que je suis persécutée par un dangereux psychopathe. Si je pleure, c’est à cause de Luc. Si je souffre, c’est parce que je suis tombée amoureuse de cet homme à une vitesse incroyable.

Maud se traîne jusqu’à la fenêtre. L’esprit humain ne cesse de la surprendre… Peut-être est-ce une réaction de survie ? Peut-être que ses pensées vont tout entières vers Luc pour lui éviter de sombrer corps et âme dans la peur ?

Entre les branches d’un magnifique cèdre, elle distingue la terrasse du studio où Luc s’est installé. Il est là, tout près d’elle.

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