Karine Giébel - Meurtres pour rédemption

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Meurtres pour rédemption: краткое содержание, описание и аннотация

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Vingt ans. Le bel âge ?
Pas pour Marianne. En prison. Pour perpète. Pour meurtres.
« Ils ne m'ont laissé aucune chance (…) Mais j'existe encore (…) Ça leur ferait trop plaisir que je cesse le combat… Je ne leur ferai pas cette joie (…) » Alors, nourrir la haine, l'instinct de survie, même si l'on ne désire qu'aimer, être aimée ; pour lutter malgré tout, contre les coups, les brimades, l'ignoble.
La liberté. Inaccessible. Sauf à se laisser bercer par le chant des trains, pas si loin, là, derrière les barreaux, à se laisser emporter dans leur sillage.
Jusqu'au jour où… En taule, même l'inimaginable peut surgir.
Une porte s'ouvre…
« La liberté, Marianne,tu dois en rêver chaque jour, chaque minute, non ? » Mais le prix à payer pour transformer ce rêve en réalité est terrifiant.
Marianne ira-t-elle jusqu'au bout ? Jusqu'au bout de cette voie de sang ? Mais, peut-être, aussi, de rédemption ?…

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Le commissaire le considéra avec une sorte de paternalisme.

— C’est pas grave…

— Si. Mais tu sais que je ne te trahirai pas. Tu le sais, n’est-ce pas ?

— Oui. Sinon, je ne t’aurais pas choisi pour ce boulot.

— J’espère seulement qu’on ne sera pas forcés d’atteindre ces extrémités.

— Je l’espère aussi… Je vais lui apporter à manger.

— Je t’accompagne ?

— Non, ce n’est pas la peine. Je pense qu’elle sera calme, ce soir.

Franck frappa deux fois avant d’entrer. La pièce était plongée dans la pénombre. Il tâtonna à la recherche de l’interrupteur. Appuya. Sans aucun résultat.

— Marianne ?

Une voix lui répondit, venant du lit.

— Je suis là. L’ampoule est grillée.

— Merde…

Le commissaire se débarrassa du plateau sur le bureau. Il n’y voyait quasiment rien et voulut allumer la salle de bains. Il fit trois pas, sentit une présence dans son dos, se retourna et reçut un coup violent en pleine figure. Il s’écroula, ventre à terre. Un deuxième choc, encore plus violent que le premier, à l’arrière du crâne, le fit taire définitivement. Marianne lâcha son arme ; un simple tabouret. Elle fouilla le corps gisant à ses pieds, lui piqua son portefeuille. Elle empocha les soixante euros, avec l’article du journal. Puis elle traîna le commissaire dans la salle de bains, avec l’impression de tirer une enclume géante. Elle s’aventura ensuite dans le couloir et se percha en haut des escaliers. Elle avait dévissé un des pieds du tabouret et le serrait dans sa main.

Le plus dur restait à faire. Elle entendit les autres discuter en bas. Elle avait espéré en assommer deux dans la chambre, malheureusement Franck était monté seul. Il en restait donc deux à maîtriser. Ou à éviter.

Courage, Marianne. Respire bien fort.

Elle descendit quelques marches sur la pointe des pieds, s’accroupit au milieu de l’escalier. Philippe passa dans la cuisine et attaqua la vaisselle. L’autre devait être scotché devant la télévision qui beuglait dans le salon.

Maintenant ou jamais. Avec un peu de chance…

Elle descendit jusqu’en bas, se faufila dans l’entrée. Tourna doucement la poignée de la porte qui s’ouvrit et se referma sans un bruit.

Route déserte, bordée d’une épaisse forêt. Premières fraîcheurs du soir. Chouette qui appelait l’âme sœur.

Marianne souffrait. Son genou gauche faisait des siennes. Elle avait réveillé son entorse endormie en sautant le mur. Il avait lâché lors de l’atterrissage brutal sur le goudron. Elle avait couru quand même, s’était enfoncée à l’abri dans les bois. Avait pris à droite, le contraire de son rêve.

À présent, elle marchait sur un chemin terreux, parallèle à la langue d’asphalte. Elle guettait le moindre bruit, s’allongeait à la moindre alerte. Puis se remettait à marcher. À claudiquer, plutôt.

S’éloigner le plus possible de la propriété. Atteindre la première ville, la première banlieue, le premier village, le premier signe de civilisation. De toute façon, sa cavale ne la mènerait pas bien loin.

À la première gendarmerie, ça s’arrêterait.

Rien qu’à l’idée de se rendre, elle avait la nausée. Les tripes à l’envers. Mais elle n’avait plus le choix. Sa décision était prise. Irrévocable. Elle essaya encore de courir mais renonça rapidement. Il valait mieux se cacher pour la nuit. Elle aviserait demain matin. Aucune idée du nombre de kilomètres qu’il lui restait à parcourir. Aucune idée du temps que mettraient les flics pour se lancer à sa poursuite. Elle s’enfonça encore un peu plus dans le sous bois et s’arrêta enfin. Elle étala son blouson par terre puis s’adossa contre le tronc d’un chêne. Elle massa son genou douloureux, se rassura d’une cigarette. Fixa un croissant de lune échancré, incisif. Elle était libre, enfin. Sa seule et unique nuit de liberté. Avant de retrouver une nouvelle cage.

Avant d’aller se jeter d’elle-même dans la gueule du loup.

Franck avait vomi ses tripes dans les toilettes. Aussi livide que la porcelaine, la tête comme un dirigeable. Il se rinça le visage. Puis il sortit trois flingues du coffre et les distribua à ses hommes.

— Vous ne l’avez pas vue s’enfuir ?

— Non, avoua Philippe.

— Il faut qu’on la retrouve, les mecs. Sinon, on est morts. Compris ?

Ils descendirent au rez-de-chaussée, Laurent récupéra les clefs de la Laguna.

— Non, dit Franck. On prend ma bagnole ; celle-là, elle la connaît. Philippe, tu prends ta bécane…

Ils sortirent, ouvrirent le garage. Laurent s’installa au volant de la 307, Philippe enfourcha sa moto.

— Nous, à droite, ordonna le commissaire. Toi, à gauche. On reste en liaison… Allez, on fonce !

Il prit sa tête entre ses mains. Encore cette nausée et cet oiseau de malheur qui donnait des coups de bec dans son crâne.

— Tu devrais rester ici, conseilla le capitaine en activant le portail électrique. T’es pas en état.

— Roule ! T’occupe pas de moi !

La moto s’élança vers la gauche, tournant le dos à la 307.

— Va pas trop vite, pria Franck. Tu regardes à gauche, moi à droite…

La bande de bitume défila lentement à la lumière des phares. Chacun espérait apercevoir la silhouette de la fuyarde dans son viseur. Mais autant chercher une aiguille dans dix mille hectares de forêt. Exactement ce qu’ils étaient en train de faire. La peur au ventre.

*

Mesurer près de deux mètres et un bon quarante-huit de tour de cou ne sert pas toujours à grand-chose.

Daniel le savait, maintenant. Maintenant qu’il s’en était pris plein la gueule. Ils avaient fait bien attention à ne pas le tuer. À frapper là où ça faisait mal mais sans insister trop. Et surtout, ils avaient évité de laisser des traces sur son visage. C’était juste un jeu, après tout.

Un jeu de massacre.

Ils avaient même eu la délicatesse de le ramener en cellule après leur séance de gym du soir.

Liquéfié sur son matelas, Daniel tentait de combattre les douleurs sournoises qui continuaient à percuter sa carcasse. Il essayait de dessiner le portrait de Marianne sur les murs de la cage. Une image pour le rassurer, là, au cœur des ténèbres. Mais ce soir, ses quatorze ans de mariage revenaient le hanter. Intraveineuse de culpabilité qui ajoutait une couche à l’amoncellement de souffrances.

Il tenta de se tourner, mais les douleurs aux côtes le ramenèrent bien vite sur le dos. Face au sommier du haut. Il plongea doucement dans une sorte de délire somnolent. Il imagina son épouse en train de graisser la patte à Portier pour qu’il s’occupe de lui chaque soir.

Je deviens fou. Ma femme ne ferait jamais un truc pareil. Quoique… Après ma trahison…

Il ferma les yeux. Marianne consentit enfin à apparaître. À lui sourire, à le prendre dans ses bras. À le consoler. Il put enfin dormir. Une heure.

Avant que Portier ne s’amuse à jouer au percussionniste contre la porte de sa cellule.

Le petit matin pointait sa robe grise au dessus de la forêt. Marianne grelottait. Elle décida de se remettre en route aux faibles lueurs de l’aube. Elle avançait lentement, parallèlement à la route. À l’abri de la forêt, sa plus sûre alliée. Sa seule alliée.

Elle avait froid, faim. Soif, aussi. Terriblement mal à son genou. Peur, surtout. Peur qu’ils surgissent. Peur de ce qui l’attendait.

Je le fais pour toi, mon amour. Seulement pour toi.

Elle avait du mal à marcher, ankylosée par des heures à se terrer dans un buisson. Sur la terre humide et tiède. En plus de l’entorse.

Elle voyait une voiture passer de temps à autre, au travers des feuillages épais. Elle fit détaler un chevreuil, prit le temps de s’émerveiller du spectacle. J’aurai vu ça au moins une fois dans ma vie… Elle écouta aussi les oiseaux fêter le déclin de la lune. Sensation de liberté sauvage. Étoile filante dans le ciel obscur de son existence.

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