— Pour les bijoux, je peux pas t’aider… Mais je sais où trouver un bon paquet de blé.
— Voyez-vous ça…
— Raph a quelques économies qui proviennent d’un braquage qu’il a fait en sortant de taule, l’an dernier.
— Quelques économies ? J’espère pour toi que tu ne me proposes pas des miettes, petit. Parce que je pourrais mal le prendre…
— Je ne te parle pas de miettes, rétorque William. Je te parle d’un butin planqué quelque part. Un butin en billets de banque…
— Stop ! ordonne soudain Raphaël. Ce fric n’est pas à toi, il est à moi !
— Ta gueule, champion. Laisse ton frère soulager sa conscience.
— Ferme-la sinon je te jure que je t’empêche définitivement de parler ! hurle encore Raphaël.
Patrick perd patience, il pivote vers le braqueur.
— Soit tu fermes ta grande gueule, soit je t’arrache la langue et je la donne à bouffer au clébard du voisin. C’est clair ?
Le braqueur ravale une insulte ; il sait de quoi ce fou est capable.
— Désolé, Raph, mais je ne peux pas continuer comme ça…
— Combien ? s’impatiente papa.
— Deux cents… Environ deux cent mille euros.
Patrick fait la moue.
— C’est tout ce que tu as à me proposer ?
— C’est une somme, putain ! Et sans risque, en plus. T’as juste à te servir.
— Mettons que ça m’intéresse, avoue Patrick. Et je les trouve où, ces liasses de billets ?
— Si tu veux le savoir, il va falloir que tu nous en donnes un peu plus, réplique William avec hardiesse.
— Vraiment ? Et qu’est-ce que tu veux, fiston ?
— La vie sauve. Pour moi et… mon frère, dit-il finalement.
Papa hoche la tête. Il a bien senti l’hésitation de William.
— Et pour la petite aussi, ajoute le jeune homme.
— Pas de problème, mon garçon !
— Je… Je veux des garanties.
— Des garanties ? s’étonne Patrick. Tu as ma parole…
Il place la main droite sur son cœur et répète, de façon solennelle :
— Parole d’homme.
— T’es pas un homme ! grogne Raphaël.
— Non, je… Je veux l’assurance qu’on sera libérés tous les trois, fait William.
— Tu veux qu’on signe un contrat ? s’amuse son tortionnaire. Devant notaire, peut-être ? Il y en a un au village d’à côté. Je peux prendre un rendez-vous, si tu le souhaites…
William essaie de se redresser, papa le cloue aussitôt contre le mur en appuyant sa chaussure sur son épaule blessée.
— Tu espères vraiment obtenir tout ça pour deux cent mille euros ? ajoute-t-il calmement. Elle est bien bonne, celle-là !
William a le cœur qui bat fort. Jusque dans ses tempes.
— Tu peux faire plein de choses avec deux cent mille euros. Réfléchis.
— C’est tout réfléchi, fiston. Mes deux cent mille euros, je les veux et je vais les avoir. Tu vas parler, fais-moi confiance. Tu penses vraiment que je vais te libérer, toi et ton abruti de frangin, pour que tu ailles gentiment me donner aux flics ?
— Je suis recherché ! gémit William. Et j’ai pas envie de passer les vingt prochaines années en cabane !
— Tu peux très bien me balancer sans te mettre en danger. Un simple coup de fil, quelques détails bien choisis…
Papa se rassoit sur le seau, réajuste ses lunettes.
— Qu’est-ce que tu me proposes, alors ? murmure le jeune homme. Si tu ne me donnes rien de plus, je ne parlerai pas…
— Oh si, tu parleras ! prédit Patrick avec un sourire démoniaque. Mais comme je suis sympa, je vais t’offrir un petit quelque chose… Un marché que tu ne pourras pas refuser, j’en suis certain.
Le regard de William croise le sien.
Sans espoir.
— Je te promets une mort rapide et indolore, pour toi et ton frère, assène papa.
— T’es content, petit con ? rugit soudain Raphaël. Ça valait le coup de t’abaisser devant cet enculé !
Patrick lève les yeux au ciel. Il part fouiller ses cartons, revient avec une grosse tenaille qu’il met sous le nez du braqueur.
— Toi, je t’ai déjà demandé de la fermer, il me semble. Ça se passe entre ton frangin et moi. T’es hors jeu, champion. Et si tu prononces encore un mot, un seul, je te garantis que jamais plus tu ne pourras parler. Parce que tu n’auras plus de langue et plus de dents.
Raphaël file un coup de pied rageur dans le matelas, mais il n’ajoute rien.
Patrick savoure sa victoire, sa toute-puissance. Avant de s’intéresser de nouveau à William.
— Alors, petit ?
— Et pour… Jessica ?
— T’occupe pas d’elle, soupire Patrick. Pense à toi, à ce que je vais te faire subir si tu ne me dis pas où est planqué ce fric. Parce que tu sais que je vais continuer. Que je ne m’arrêterai pas jusqu’à ce que tu causes. Pendant des semaines, s’il le faut… Tu as envie de souffrir pendant des semaines, mon garçon ?
William secoue la tête.
— Tu as envie que je te coupe les doigts, un par un ? Que je te coupe les couilles ? Tu as envie de partir en morceaux ?
— Non…
— Alors accouche. Et tout de suite.
— Tu ne me feras plus rien ?
— Rapide et indolore, jure Patrick. Une injection et hop ! terminé.
— D’accord, murmure le jeune homme. D’accord… Le fric est chez un pote de Raph qui vit sur la Côte…
— Où ?
— Pas loin de Marseille, à Aubagne. Il… Il s’appelle Pierre… Il a planqué le fric en attendant qu’on vienne le chercher.
— Il l’a planqué où ?
— J’en sais rien ! Il faut que tu ailles le voir de la part de Raph, il te le donnera. C’est des petites coupures, en plus, faciles à écouler… Voilà, je t’ai tout dit.
Papa fait quelques pas dans la pièce, dubitatif.
— Ça m’étonnerait que ce Pierre consente à me remettre de l’argent qui ne m’appartient pas ! dit-il en fixant William.
— Ça, c’est sûr ! intervient alors Raphaël. Il faudrait que je l’appelle avant…
— Excellente idée, champion !
— Sauf que je ne le ferai pas ! Et que tu n’auras jamais mon fric.
Les deux hommes s’affrontent du regard un instant puis le sourire de papa revient. Il quitte brusquement la pièce, ne ferme même pas la porte à clef.
Ils l’entendent ouvrir la chambre voisine, s’adresser à Jessica d’une voix mielleuse.
— Allez viens, ma colombe, on va faire un petit tour tous les deux… On va aller voir tes copains !
Une minute plus tard, il est de retour, tenant la jeune fille terrorisée par le bras. Le visage de Raphaël se contracte encore plus.
Patrick verrouille la porte, fourre la clef dans la poche de son pantalon.
— On va voir jusqu’où tu es prêt à aller pour sauver ton pognon, mon ami !
Leur bourreau disparaît dans la salle de bains, en revient avec une grosse bassine pleine d’eau dans les mains.
William devient livide.
— Déconne pas, Raph !
Paralysée par la peur, Jessica n’essaie même pas de lutter ou de s’enfuir, tandis que papa l’attrape par les cheveux.
— Je vais te baptiser, ma colombe ! Que Dieu puisse t’accueillir en son royaume lorsque je t’aurai tuée !
Patrick la force à s’agenouiller devant le récipient rempli d’eau glacée.
— Raph ! implore William. Tu vas pas le laisser faire ça ?
— De toute façon, il le fera, répond son frère. Maintenant ou plus tard, qu’est-ce que ça change ?
Jessica se met à pleurer tandis que papa lui attache les mains dans le dos.
— Putain ! hurle William. T’es vraiment qu’un salopard !
Patrick chuchote quelques mots à l’oreille de la jeune fille.
— Ton ami Raphaël refuse de m’apporter son aide… Et s’il continue à s’entêter, tu vas mourir, ma chérie.
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