Karine Giébel - Jusqu'à ce que la mort nous unisse

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Jusqu'à ce que la mort nous unisse: краткое содержание, описание и аннотация

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La montagne ne pardonne pas. Vincent Lapaz, guide solitaire et blessé par la vie, l'apprend aujourd'hui à ses dépens : la mort vient de frapper, foudroyant un être cher. Simple accident ? Vincent n'en croit rien : la victime connaissait le parcours comme sa poche. C'est un meurtre. Avec l'aide d'une jeune gendarme, Vincent mène l'enquête, de crevasses en chausse-trapes, déterrant un à un les secrets qui hantent cette vallée. Et Lapaz non plus n'est pas du genre à pardonner…
« Ce livre est un captivant suspense psychologique avec, en toile de fond, les décors majestueux de la montagne. »
Jean-Paul Guéry — Le Maine libre

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— Mais elle va pas la fermer, cette petite conne ? soupira le maire.

— Je ne fais pas ça pour l’argent, confessa soudain Vertoli.

— Toi aussi, ferme-la !

— Ne me parle pas sur ce ton !

Le gendarme et le maire se faisaient face ; deux coqs dans une arène.

— Eh ! Du calme, vous deux ! s’interposa Hervé.

— C’est vrai, du calme ! ricana Vincent. On a les nerfs qui lâchent, mon adjudant ?

— Ça suffit maintenant ! beugla André en brandissant son arme. Vous avancez et en silence !

Vincent passa en tête tandis qu’Hervé fermait la marche. À la lueur de quelques lampes torches, ils suivirent le guide qui marchait lentement vers sa propre mort.

Ils étaient désormais au cœur des gorges, univers de roche, défilé vertigineux. Un chemin caillouteux creusé à même la falaise calcaire, bordé à droite par un ravin abrupt.

Endroit idéal pour une chute mortelle.

Ils laissèrent de côté la sente qui descendait à la Chapelle-Saint-Pierre et continuèrent à monter. Prenant de la hauteur sur le torrent qui coulait tout en bas. De plus en plus loin. Si loin qu’ils ne pouvaient même plus l’entendre.

Une chouette cria son effroi et prit son envol pour gagner le versant d’en face. Servane frissonna de plus belle.

— Stop ! ordonna soudain le maire.

Vincent obtempéra et se tourna face au gendarme, recevant le faisceau de la torche en pleine figure.

Servane sentit son cœur se fendre comme un fruit mûr. C’était donc ici qu’ils avaient choisi de les faire mourir. Elle ne pouvait voir le vide sur sa droite mais elle le sentait, le devinait à la lumière de la lune.

Immense trou noir et sans fond.

Portal la poussa dans les bras de Vincent.

— Pour vous, le chemin s’arrête ici, révéla André.

Il avait toujours eu le sens de la mise en scène. Du tragique, du théâtral.

Quoi de plus normal pour un politicien.

— Quand nous serons morts, vous serez morts ! murmura alors Vincent.

— Quand tu seras mort, on sera enfin tranquilles ! rectifia Hervé.

— J’ai un double de toutes les preuves que nous avons filées à Vertoli. J’ai scanné les passages intéressants du carnet de Joseph et les ai gravés sur un CD. J’ai fait un double du CD de Pierre, ainsi qu’une copie des messages anonymes et de tout ce qu’ils contenaient…

— Ben voyons ! répliqua André avec un sourire forcé. Tu crois qu’on va avaler tes boniments ?

— Rien à foutre que vous l’avaliez ou non ! Je n’ai jamais eu confiance en Vertoli… Jamais ! Et quand Servane a voulu lui remettre ces documents, j’ai insisté pour tout sauvegarder et… J’ai planqué l’ensemble dans un endroit sûr en donnant l’ordre à quelqu’un d’aller le récupérer s’il m’arrivait quelque chose… Quelqu’un de confiance. Si je disparais, cette personne se rendra à l’endroit indiqué et apportera tout aux flics. Même si je péris dans un accident.

— Il bluffe ! assura Hervé. Y a qu’à les balancer dans le vide maintenant, qu’on en finisse !

Vincent sentit la main de Servane se crisper encore plus dans la sienne et il la serra contre lui.

Elle ne pouvait détacher ses yeux de l’abysse qui plongeait à moins d’un mètre.

— N’aie pas peur, fit Vincent. La mort, ce n’est rien… Eux, ils pourriront en taule jusqu’à la fin de leur misérable vie… C’est bien pire !

— Ça suffit ! s’impatienta encore Hervé. Foutons-les dans le ravin !

— Minute ! dit soudain Vertoli. Et s’il disait la vérité ?

— Tu vas pas croire ces conneries ! Tu vois pas qu’il cherche à gagner du temps ?

— Attends, ordonna le maire à son tour. On peut peut-être en discuter, non ?

Hervé leva les yeux au ciel tandis que Vincent reprenait espoir. Il sentait que la faille s’était installée en eux.

Espoir minime, certes. Mais lorsque la mort est si proche, si palpable, on s’accrocherait à n’importe quoi.

Servane décida d’entrer dans ce jeu de la dernière chance.

— Vous voyez, Vertoli, quand Vincent a pris cette précaution, je lui en ai voulu… Parce que moi, j’avais confiance en vous. Mais maintenant, je le bénis ! Car je sais que vous allez payer !

Le gendarme sembla fortement ébranlé par les paroles de Servane. Tant de sincérité dans cette voix familière… Elle n’avait jamais su mentir.

Et, tandis que Portal tenait les prisonniers en respect, les trois hommes échangèrent quelques mots à voix basse. Visiblement, ils n’étaient pas d’accord. Le ton montait.

Enfin, ils prirent leur décision et ce fut André qui énonça le verdict.

— OK, Lapaz ! Tu veux jouer avec nous ? Alors on va s’amuser un peu… On n’est pas pressés, on a toute la nuit devant nous !

Il pressa le canon de son fusil sur le cœur du guide.

— On va faire une halte aux cabanes de Congerman. On y sera tranquilles pour discuter.

Vincent ne comprit pas pourquoi André voulait monter jusqu’aux cabanes ; n’étaient-ils pas suffisamment tranquilles sur ce sentier désert, au beau milieu de la nuit ? Peut-être qu’il ne voulait pas rester trop longtemps sur ce passage étroit, où chacun d’entre eux pouvait se retrouver malencontreusement aspiré par le vide ?

Peu importait, Vincent ressentait un vrai soulagement. Il avait réussi à gagner un peu de temps, quelques précieuses minutes ; la mort venait de reculer d’un pas.

Il continua à suivre son ébauche de plan :

— Si vous laissez partir Servane, je vous dirai où sont ces preuves, ajouta-t-il encore.

— T’es un marrant, toi ! s’exclama Hervé. Tu nous prends pour des cons ou quoi ? Si ces preuves existent, tu nous diras où elles sont… Fais-moi confiance ! Et maintenant, tu passes devant et tu nous conduis là-haut.

Il attrapa Servane par le bras, l’attirant brutalement contre lui.

— Je garde la petite à côté de moi, au cas où il te viendrait des idées…

— Si tu la touches, je m’arrangerai pour que tu tombes avec moi ! rugit Vincent.

— Si tu la protèges comme tu as protégé ta gonzesse, on n’a pas grand-chose à craindre !

Vincent se contenta de lui jeter sa haine au visage. Servane prisonnière des bras de cet assassin, le moindre mouvement brusque sur ce chemin pouvait conduire à la catastrophe.

Sauver Servane.

Il se remit lentement en marche avec ces deux mots en tête. Aucune autre motivation ne pouvait le faire avancer. Il aurait pu les semer facilement ; partir en courant au détour d’un virage, continuer à la seule lueur de la lune. Il connaissait chaque pierre de ce périlleux sentier, chaque piège tendu par ces gorges. Mais il y avait Servane. Il ne pouvait l’abandonner aux griffes de ces barbares.

Il tenta de nourrir l’espoir.

Gagner du temps, repousser l’échéance fatale.

Ils passèrent près d’une source qui suintait de la roche, traversait le sentier et se jetait dans le vide pour rejoindre le torrent. Suivant calmement sa destinée immémoriale. Un bruit doux et rassurant, note musicale au cœur de ce monde minéral.

Mais rien ne pouvait rassurer Vincent, ce soir.

Seul, il se serait résigné à quitter ce monde. Maintenant qu’il savait que Laure n’en faisait plus partie. Maintenant qu’il n’avait plus aucun espoir de la revoir un jour.

Mais il n’était pas seul. Ce soir et depuis quelques mois, déjà… Il y avait Servane.

Sa petite Servane… Cette fille, entrée avec douceur et discrétion dans sa vie, pour y prendre une place chaque jour plus importante.

Cette fille, qu’il aimait chaque minute un peu plus.

Quelques kilomètres plus loin, après une demi-heure de marche silencieuse, le sentier croisa le lit du torrent. Le groupe s’engagea sur un vieux pont en bois et Vincent se retourna pour vérifier que Servane allait bien. Mais la seule chose qu’il vit fut l’éclat éblouissant de la lampe de Vertoli.

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