Karine Giébel - Toutes blessent, la dernière tue

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Toutes blessent, la dernière tue: краткое содержание, описание и аннотация

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Maman disait de moi que j'étais un ange.
Un ange tombé du ciel.
Mais les anges qui tombent ne se relèvent jamais…
Je connais l'enfer dans ses moindres recoins. Je pourrais le dessiner les yeux fermés. Je pourrais en parler pendant des heures. Si seulement j'avais quelqu'un à qui parler… Tama est une esclave. Elle n'a quasiment connu que la servitude. Prisonnière de bourreaux qui ignorent la pitié, elle sait pourtant rêver, aimer, espérer. Une rencontre va peut-être changer son destin…
Frapper, toujours plus fort. Les détruire, les uns après les autres. Les tuer tous, jusqu'au dernier. Gabriel est un homme qui vit à l'écart du monde, avec pour seule compagnie ses démons et ses profondes meurtrissures.
Un homme dangereux.
Un matin, il découvre une inconnue qui a trouvé refuge chez lui. Une jeune femme blessée et amnésique.
Qui est-elle ? D'où vient-elle ?
Rappelle-toi qui tu es. Rappelle-toi, vite ! Parce que bientôt, tu seras morte. Grande collectionneuse de prix littéraires et maître ès thrillers psychologiques, Karine Giébel est née en 1971. Elle est l'auteur de 
 (collection « Rail noir », 2006), des 
 (Fleuve noir, 2007) prix Intramuros du festival de Cognac 2008 et prix SNCF du polar 2009 et de 
 (Fleuve noir, 2008). Pour 
 (Fleuve noir, 2012), elle reçoit le prix Polar francophone du festival de Cognac et le Prix marseillais du polar en 2012. 
 (Fleuve noir, 2013) confirme son talent et la consacre définitivement « reine du polar ». Après 
 (Fleuve noir, 2014), elle rejoint les éditions Belfond pour la parution de 
 (2016), qui a rencontré un immense succès, de 
 (2016) dans une nouvelle édition augmentée, puis de 
 (2017), un recueil de nouvelles où elle condense en quelques pages toute la force de ses romans. Les livres de Karine Giébel se sont vendus à plus d'un million d'exemplaires à ce jour et sont traduits dans une douzaine de langues. Biographie de l'auteur

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— Hum… Je savais que ça avait un rapport avec son paternel. Mais maintenant, il est mort, alors…

— Mort ?

— C’est ce qu’Iz m’a dit, répond Manu.

— Il semblerait plutôt qu’il soit parti de la maison et qu’on ne l’ait jamais revu. Personne ne sait où il se trouve et c’est mieux ainsi.

— En tout cas, pour Iz, il est bel et bien mort.

— Et maintenant, son père, c’est toi.

81

Ça fait quatre jours qu’Izri n’a pas bougé du lit. Je reste près de lui constamment et Manu passe nous rendre visite chaque matin. Greg est venu, lui aussi ; il semblait très affecté par ce qui était arrivé à son meilleur ami.

Mon homme souffre mais ne se plaint jamais. Je lui donne à boire, à manger, lui lave le visage et le corps à l’eau tiède. Il n’a rien voulu me dire de ce qu’il lui est arrivé mais je suis certaine qu’il s’est confié à Manu pendant les rares moments où je l’ai laissé sous sa garde. Après tout, peu m’importe qui lui a tiré dessus. Ce qui compte, c’est qu’il l’ait raté.

Manu lui a raconté que c’était grâce à mes intuitions qu’il était encore en vie et Izri a répondu que j’étais son ange gardien.

Aujourd’hui, il est prévu que le médecin revienne et je l’attends, allongée près d’Izri.

— Sans toi, je serais six pieds sous terre…

— Sans toi, je serais six pieds sous terre moi aussi, je réponds.

— Faut pas dire ça, Tama ! Si un jour, je…

Je pose un doigt sur ses lèvres pour l’empêcher de continuer.

— Ce jour n’arrivera pas. Tu entends ? On ne nous séparera pas. Jamais.

Il embrasse ma main, me regarde en souriant.

— Pourquoi tu tiens tellement à moi, hein ? murmure-t-il.

— Parce que je t’aime, évidemment !

— Et… pourquoi tu m’aimes ?

Je réfléchis une seconde avant de répondre.

— Parce que je suis faite pour ça.

* * *

C’était un jour de janvier. Le 15, précisément.

J’avais treize ans, j’allais au collège. J’étais heureux que les vacances de Noël soient terminées car j’avais enfin une bonne raison de quitter notre appartement miteux. Une bonne raison de m’éloigner de mon père.

Ce jour-là, à 11 heures du matin, le prof de maths, M. Barmol, m’a accusé d’une faute que je n’avais pas commise. J’ai eu beau lui expliquer qu’il se trompait, il a refusé de me croire. Depuis la rentrée, j’avais bien compris que malgré mes bons résultats, ma gueule ou la couleur de ma peau ne lui revenaient pas.

J’ai fini par l’insulter, il m’a envoyé en permanence. Aujourd’hui encore, je ne sais pas pourquoi j’ai traité ce type de sale con. Sans doute pour fanfaronner devant mes potes. Sans doute parce que après avoir morflé pendant toutes les vacances, j’avais les nerfs à fleur de peau. Sans doute parce que j’en avais marre de payer pour des fautes imaginaires.

Peut-être simplement parce que Barmol, c’était vraiment un sale con.

Le soir, quand je suis rentré, ma mère était encore au travail mais mon père m’attendait dans la petite salle à manger. Dès que j’ai pénétré dans l’appartement, j’ai reçu une gifle.

— Le collège a téléphoné. Tu es renvoyé pendant une semaine.

Je n’ai rien répondu. Que pouvais-je dire, de toute façon ?

Darqawi m’a attrapé par le bras et forcé à quitter l’appartement. La peur m’a saisi, aussi fort que la poigne de mon père. J’ai compris qu’il me conduisait en direction des caves de l’immeuble. Avant que nous franchissions la porte menant au sous-sol, j’ai réussi à lui échapper et me suis enfui vers la sortie. Je courais bien plus vite que Darqawi et pouvais le semer sans aucun problème. Mais à peine avais-je un pied dehors que je suis tombé nez à nez avec le concierge de l’immeuble. Il m’a chopé au passage, je me suis débattu.

— Où tu vas comme ça ? Qu’est-ce que t’as encore fait comme connerie ?

— Laisse-moi ! Laisse-moi !

Mon père est arrivé et m’a récupéré. Il a poliment remercié le gardien et m’a ramené à l’intérieur. Il m’a traîné jusqu’à la cave et je n’ai pu réprimer mes hurlements. Mes appels au secours. Mais je savais que personne ou presque ne descendait jamais dans ces entrailles pestilentielles. Il a déverrouillé la porte et m’a poussé si fort que j’ai atterri contre le mur d’en face.

Toute la journée, la colère de mon père avait germé, mûri, grandi. À cet instant, et après ma pitoyable tentative d’évasion, elle était à son apogée.

Je me suis relevé pour lui faire face. Ses yeux étincelaient, ses poings étaient serrés. J’allais recevoir la raclée de ma vie.

Sur l’une des étagères crasseuses, mon père a récupéré une corde. Elle n’était pas là par hasard et j’ai compris qu’il était descendu avant mon retour de l’école pour tout préparer.

Meurtre avec préméditation.

Assassinat.

— Déshabille-toi, a-t-il ordonné.

Désobéir était la dernière chose à faire. J’avais peut-être une chance de survivre à ce face-à-face, mais si je l’énervais plus encore, j’étais mort. J’ai enlevé mon pull, mon jean et me suis retrouvé en caleçon devant lui. Même si c’était mon père, l’humiliation était cuisante.

— Tourne-toi !

Mes yeux cherchaient désespérément une arme dans ce réduit qui puait la moisissure et la poussière. Un bâton, un morceau de verre. Quelque chose pour anéantir ce bourreau qui prétendait être mon géniteur. L’homme qui aurait dû me protéger envers et contre tout.

Darqawi m’a attaché les poignets et les chevilles et m’a saisi par la nuque. J’ai cru qu’il allait me briser les cervicales tellement il serrait fort. Il m’a jeté au sol, je suis tombé à plat ventre. Il a posé un pied sur mon dos, j’ai hurlé à nouveau. Puis il a allumé une cigarette, une de ses saloperies sans filtre qu’il roulait lui-même.

— T’as la chance d’aller à l’école et tu te fais renvoyer ? a-t-il craché de sa voix rauque. Je suis venu ici, dans ce pays de merde, pour que tu aies une vie meilleure que la mienne ! Je me suis bousillé une jambe à l’usine et je vaux plus rien ! J’ai eu une vie de chien et toi, tu fais quoi ? Tu te fais virer de l’école ? T’es qu’une merde et j’ai honte d’être ton père !

— Je le referai plus, papa ! ai-je gémi d’une voix de fillette.

— Ça, c’est sûr ! a prédit Darqawi.

Il s’est accroupi près de moi, a posé le bout incandescent de sa clope en haut de mon dos. Puis dix centimètres plus bas, encore dix centimètres en dessous. Et ainsi de suite, comme s’il traçait une ligne de feu le long de ma colonne vertébrale. Je criais si fort que j’étais sûr que quelqu’un finirait par m’entendre. D’ailleurs mon père a attrapé un vieux morceau de tissu et me l’a fourré dans la bouche.

— Arrête de gueuler comme une fille ! a-t-il ordonné. Tu deviendras donc jamais un homme ?

Il a allumé une autre cigarette et, avec son pied, m’a retourné. Châtiment identique sur le torse et le ventre. Il est même descendu plus bas malgré mes supplications étouffées par le chiffon. Ensuite, il m’a brûlé les cuisses et s’est arrêté à hauteur des genoux. Sans doute parce qu’en cours de sport, j’étais obligé de porter un short et que sa petite séance de torture laisserait des traces indélébiles.

Après, il s’est assis sur un vieux tabouret, a fumé sa cigarette en me regardant pleurer pendant plusieurs minutes.

— Une vie de chien, répétait-il sans cesse. À cause de toi… Si on m’avait pas marié à ta putain de mère, si j’avais pas eu à te nourrir, quelle belle vie j’aurais pu avoir !

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